TERRAIN D'AVIATION A.34 GORRON

LIEU D'IMPLANTATION, GORRON (MAYENNE)

LE TERRAIN D’AVIATION AMÉRICAIN A GORRON

Par Maxime Poirier (1)

 

Les Américains étant arrivés depuis le 6 juin 1944, pour nous la guerre était finie ! Nous étions loin de nous douter de ce qui se passait près de nous. En effet, Mortain où la bataille faisait rage, fut pris et repris 7 fois, et cela se passait à moins de 30 km de chez nous. D’autre part, les Allemands étaient toujours à 3 km de Couesmes, de l’autre côté de la Varenne. Nous ignorions tout cela, car à l'époque, le téléphone n'existait pas dans notre région où nous n'avions même pas l'électricité ! Mais papa, avec son poste à galène, pouvait suivre les grandes lignes de l'actualité sur radio Londres !.

Déjà, en signe précurseur, nous avions été bombardés, le mardi 8 août dans la matinée, puis dans l’après midi, un groupe de 4 Lightnings P.38 passa au dessus de nous en émettant un bruit inhabituel. Ce même jour, un de ces appareils se détacha du groupe et amorça une chute vertigineuse, moteurs arrêtés, et tomba non loin de nous, vers Lesbois. Peu avant de toucher le sol, le pilote réussit à s’éjecter et son parachute ne s’ouvrit que juste à temps pour être sauvé. Il parait que ses premières paroles furent: « Américan or German here ? » En effet, les lignes Allemandes étaient encore si proches qu’il ne savait pas si il était tombé en territoire libéré ou non ! Il était tout simplement en panne de carburant !.

 

Il fallait revenir les pieds sur terre, la guerre n’était absolument pas terminée, les Allemands étaient tout proche, et personne ne savait pour combien de temps encore ? Le mercredi et le jeudi, rien de nouveau, les avions de toutes sortes continuaient leurs allers et retours, mais le vendredi 11 Août, le « Père Launay » un voisin fermier au Grand Rousseau ayant des champs les plus proche de la route, arriva chez nous dans une jeep conduite par un officier Américain (il faut dire qu'il avait fier allure la-dedans) et dit à papa : « toi qui t’y connaît en terrain d’aviation puisque que tu en a fait pendant la guerre de 14 » ! (tu parles, il avait vu en faire, c’est tout !), « si j'ai bien compris, cet officier Américain dit qu’ils vont construire un terrain d’aviation ici, aussi, je préfère que ce soit toi qui discute avec lui » !

 

En effet, l'officier avec une carte d’État Major à la main, montra à papa le lieu où ils allaient construire ce terrain, c’était sur la commune de Brecé, de l’autre côté de la route de Couesmes (voir carte ci-dessous)

 

Papa n’en revenait pas de leur inconscience. Ils avaient certes choisi une surface plane mais en plein bocage et surtout, très humide en son centre, c’était des prés remplis de joncs qu’il fallait pratiquement faucher à la faux, tellement ils étaient humides. Naturellement, il en fit part à l’officier Américain qui lui fit une réponse extraordinaire : « ne vous tracassez pas, nous en avons qui naviguent sur la mer, (les porte-avions) alors voyez ce n’est pas un bout de terrain humide qui peut nous arrêter » !

Une chose extraordinaire à mettre au crédit de l’armée Américaine, c’était la première fois qu’on nous informait de ce qui allait être fait chez nous ! Papa avait trouvé ce geste d’une extraordinaire courtoisie et cela confirmait ce qu’il pensait des Américains. Robert (un de mes frères) m’avait fait part de son souhait d’entendre enfin parler du « Terrain d’Aviation de Gorron » chose qui, à ma connaissance, n’a encore jamais été faite. Aussi je suis très honoré de le faire et ferais tout pour être le plus clair possible.

C’est Jean-Marc (mon fils) qui m’a donné les premiers éléments. En compulsant les Archives disponibles, il m’a informé que c’est le IX ENGINEER COMMAND qui fut chargé de la remise en état des terrains d’aviations détruits par la guerre, mais surtout de la création de nouveaux terrains lorsque le besoin s’en faisait sentir.

 

D’abord, le blason du IX ENGINEER COMMAND, qui avait à sa disposition tous les Engineers Aviation Bataillons, je dirais les Bataillons du Génie chargés des terrains d’aviation ! C'est le 846 Engineer Aviation Bataillon, qui fut chargé du terrain de Gorron.

 

Cette Unité de l’Armée Américaine aurait travaillé sur plus de 300 terrains en un an ! Mais pourquoi les Américains voulaient ils construire un terrain d’aviation si près des Allemands ? Ils n'étaient encore qu'à une dizaine de km comme je l’ai déjà dit. C’est parce qu’ils ignoraient complètement la réaction qu’allaient avoir les Allemands suite au débarquement et à l’avancée des alliées dans l’Ouest.

Hitler, (lire Hitler chef de guerre de Gert Buchheit) était persuadé que le débarquement en Normandie n’était qu’une diversion et que immanquablement, le véritable débarquement aurait lieu dans le Pas de Calais. Il conservait malgré la demande pressente de ses Généraux, des divisions blindées dans le Nord de la France. D’autre part, deux cent mille soldats Allemands étaient retenus dans les ports de la mer du Nord et de l’Atlantique. Il ignorait sans doute que les Américains avaient amené leur ports artificiels avec eux. On en voit encore de nos jours des vestiges au large d’Arromanches. Les Américains étaient persuadés que les ennemis allaient réagir aux événements et que la grande bataille de chars aurait lieu en Beauce, terrain propice aux lourds blindés Allemands, qui avaient déjà montré leur capacité dans la plaine de Caen !

Naturellement je passe très vite sur les motivations des Américains, mais tout cela semble logique, et il ne fallait pas perdre de temps. Toute cette Histoire a déjà été décrite maintes fois. Le 846 Engineer Aviation Bataillon, débarqué sur les côtes de Normandie depuis le 16 juillet et arrivant de Tour en Bessin où il venait de terminer une piste semblable, fut désigné pour construire celui de Gorron-Brecé.

Le premier bulldozer blindé (et armé !) arriva le lendemain, samedi matin. Le soir, tout le pourtour de la future piste était déjà tracé. Nous n’avions jamais vu une chose pareille. Il lui suffisait d’avancer tout droit vers la haie pour qu’elle disparaisse immédiatement, en deux secondes. Il faisait ce que deux personnes auraient fait en une journée. La même chose pour les arbres, il lui suffisait d’arriver et l’arbre était par terre ! Naturellement nous autres, gamins, n'avions encore jamais vu de tracteur à chenilles, encore moins de bulldozer !

 

 

Ci-dessus, le tracé définitif de la piste fait le samedi 12 août. Elle faisait 3.600 pieds (1100 m) de long et 120 pieds (36 m) de large, sans compter les voies de dégagement qui seront faites plus tard.

 

Nom du terrain
Lieu :
Département :
Début des travaux :
Début des travaux :
Abandon :
- A.34 -
- GORRON -
- Mayenne-
- 14/08/44 -
- 27/08/44 -
- 04/11/44 -

Ce qui est étonnant c’est que l’emplacement de ces terrains d’aviation avait été décidé d'après des études détaillées de photos aériennes et de cartes géographiques commencées début 1943 ! Il est en effet curieux de constater que ce terrain en plein bocage vallonné, occupait le seul endroit Ouest/Est parfaitement horizontal sur plus de 1500 mètres.

 

Il était prévu 5 types de terrains :

1 - Terrain de secours ayant une piste d’environ 600 mètres (1.800 pieds) pour atterrissages urgents.

2 - Terrain de réapprovisionnement en cas de panne de carburant, permettant d’atterrir et de repartir, d'une longueur de 1.100 m. et même de 1.500 m. pour bombardiers.

3 - Terrain près de zone de combat, les mêmes conditions de le N° 2, mais avec zone de garages pour les avions. (Le A 34, celui de Gorron devait être un N° 3).

4 - Terrain comme le N° 3 mais avec équipements plus complets.

5 - Terrain tous temps, toujours avec les mêmes équipements, mais avec piste en dur.

 

 

Bulldozer Caterpillar avec au fond un scrapeur Letourneau et sa plaque de poussée. Cet équipement a été indispensable pour creuser à plus de 4 mètres de profondeur, le tunnel d’assèchement qui traverse la piste.

 

 Bulldozer Caterpillar avec au fond un scrapeur Letourneau et sa plaque de poussée. Cet équipement a été indispensable pour creuser à plus de 4 mètres de profondeur, le tunnel d’assèchement qui traverse la piste.

 

SCRAPER LETOURNEAU

 

Ces deux importants matériels avec les niveleuses et les rouleaux compresseurs « pieds de mouton » ont été les principaux outils de terrassement, pour faire le terrain d’aviation de Gorron-Brecé. Après avoir abattu tous les arbres et les haies, nivelé le terrain, mais surtout creusé l’immense drain qui traversait le terrain à l’aide d’un scrapeur tiré et poussé par deux bulldozers, puis effectuer le nivellement avec du sable et le tassement avec les rouleau « pieds de mouton », il fallu aux Américains, déterminer les matériaux de recouvrement de la piste principale. La nature du sol étant assez résistante pour le type d'avions (Figters/Bombers, chasseurs/bombardiers) que devait recevoir ce terrain, ils décidèrent de poser du grillage, genre grillage à béton, de le maintenir au sol avec des pieux en cornière d’environ 60 cm de long et de recouvrir l’ensemble d’une épaisse toile goudronnée.

 

Rouleau spécial pour durcir les sols meubles, avant la pose du grillage.

 

 

Pose des rouleaux de grillage et des rouleaux de toiles goudronnées que nous voyons sur la droite de la photo. Il ne fallut que 13 jours pour rendre opérationnel ce terrain d’aviation (avis à nos constructeurs d’autoroutes en France). Naturellement, les Américains disposaient d’un matériel de génie considérable et d’une organisation extraordinaire. Etaient déjà installés, tous les ateliers et le personnel spécialisé, l'immense cuisine, le poste de secours et l'hôpital (même une prison !). Et naturellement, n'oubliant pas pas que les Allemands étaient à notre porte, l’entourage était garni d’automitrailleuses à chenilles.

Malgré tout cet ensemble, je veux les remercier pour la gentillesse et l’attention qu’ils manifestèrent à notre égard. Marie-Louise (une de mes soeurs) fut soignée pour un « bobo » à une jambe. Moi-même, ayant une importante écorchure à un pied, un Américain s’apercevant de ça m’emmena au poste de secours qui se trouvait dans le champ du Père Launay, juste en face du Petit Rousseau, pour me soigner avec un produit d’une efficacité sans faille, (probablement la première pénicilline ?). Deux jours après, il n’y paraissait presque plus rien. Une petite anecdote sans importance, mais naturellement je subis une visite en règle, et s’apercevant que j’avais une anomalie cardiaque, on me dit qu’ils viendraient me chercher le lendemain matin pour un examen complet dans un « grand » hôpital ! Donc le lendemain matin, un « command car » vint me prendre à Rousseau, voyez mon emballement, je me voyais partir pour au moins l’Angleterre, subir cette visite ! Quelle ne fut pas ma surprise, au bout de 1 km à la Bertraie, la voiture vira à droite et là sous les pommiers : le « grand hôpital » juste en face de chez Fouqué. Bien sûr, il était équipé de tout le matériel médical inimaginable, avec salle d’opération et en ce qui me concerne, salle de radiographie. Donc on me fit une radio pour m’entendre dire qu’il ne fallait pas que je me tracasse car tout allait bien ! Comme si je ne le savais pas ! On me ramena à Rousseau et mon « grand voyage » se termina comme il avait commencé !

Pour nous être agréable, nous recevions pour les cochons tous les déchets de cuisine, et il y en avait une vraiment une grande quantité. Mais ils ne savaient peut-être pas quoi en faire ? Là j’ai vu un G.M.C. entier, basculer tout son contenu de cigarettes devant leur centre de distribution ! Du jamais vu ! C’était une autre vie ! Et tout se passait sous des toiles de tente.

D’un autre côté, j'ai le souvenir que nos parents qui faisaient tout ce qui leur étaient possible pour leur faire plaisir. Par exemple, maman préparait souvent pour quelques uns, un poulet rôti entouré de pommes de terre bien dorées, dans un plat en grès, le tout accompagné d’une ou deux bouteilles de cidre bouché. Je vous prie de croire que ce cidre fait par papa devait-être exceptionnel. Pour nous, il rivalisait largement avec du champagne ! C'était du moins dans notre imaginaire d'enfant puisque on en avait jamais bu ! Tout cela faisait le délice du Sergent-chef JOHNSON qui ne quittait pas des yeux la porte de la maison pour connaître le moment où le plat serait prêt à emporter, servi encore fumant et recouvert d’une serviette.

Il y a bien sûr, beaucoup d’autre chose à dire, mais il faudrait un livre entier, aussi qu’on veuille bien m’excuser pour ne pas avoir raconter des tas d’anecdotes que chacun doit avoir en souvenir.

 

Pendant cette période, un Piper Cub L4, (baptisé Carole) atterrit chez nous avec ses 4 passagers, probablement des Officiers Supérieurs. Ils venaient se rendre compte de l'état d'avancement des travaux. Je crois qu’au tout début, ce terrain était destiné seulement aux avions de reconnaissance du type « Piper ». Mais c’est devant l’avancée rapide des troupes Alliées qu’il aurait été modifié en terrain pour chasseurs/bombardiers ? (Photo auteur : Piper L-4H Grasshopper #43-30073).

 

Ci-dessus, la forme définitive que devait avoir ce terrain, après que tous les aménagements soient terminés. Mais seule, la piste centrale fut entièrement constituée. Les travaux furent arrêtés le 27/08/44 et le 846 Engineer Aviation Bataillon quitta la campagne de Gorron pour Saint Léonard des Bois, dans le Nord de la Sarthe, pour ensuite continuer vers le Nord de la France, la Belgique, la Hollande et finir la guerre en Allemagne.

Ce terrain de Catégorie 3 fut ramené en Catégorie 2 pour servir de terrain de secours, c’est-à-dire en « Emergency Landing Strip » et eut à servir une fois, pour recueillir un « Mustang » en panne d’essence, vers la fin du mois d'août. Il faisait parti d’un groupe de 4 avions, qui après s’être assuré que l’atterrissage s’était bien passé, repartirent vers leur base. Ce fut naturellement tout un événement et une cinquantaine de personnes eurent vite fait de se rassembler pour accueillir le pilote qui, je crois, fut surpris par cette joyeuse réception.

 

 Le pilote, par radio avait certainement prévenu les responsables de son aventure, il ne fallut pas attendre longtemps pour qu’un camion citerne arrive et refasse le plein.

 

 

Après avoir repris son envol en flèche, le « Mustang » fit demi-tour et redescendit en rase motte et en battant des ailes, pour un au revoir à tous ces gens qui étaient venus l’accueillir. Toutes les personnes présentes ne manquèrent surement pas de penser au Ligthning P.38 qui, après la même aventure s’était par contre, écrasé quelques jours auparavant à Lesbois, distant seulement de quelques kilomètres. Le 4 novembre 1944, le terrain A.34 de Gorron-Brécé fut définitivement désaffecté et rendu aux anciens exploitants.

Petite explication de Jean-Marc Poirier, le fils de Maxime Poirier à qui nous devons cette biographie. Des témoingages très précis de cette époque. M. Jean-Marc Poirier, apporte toutefois qu'il conviens juste de rappeler que ce sont les souvenirs d'un enfant reconstruits plusieurs dizaines d'années après les faits, donc forcément empreints d'une marge d'inexactitude qui ne remet pas en cause les éléments fondamentaux de l'histoire.

Ainsi le Piper Cub L4, (baptisé Carole) n'a pas pu se poser avec 4 personnes à bord vu que cet avion d'observation ultra léger ne pouvait emporter qu'un seul passager en place avant en sus du pilote en place arrière. D'ailleurs la photo qui est bien celle du modèle cité montre l'avion avec juste son pilote. Pour info cet avion avait le surnom de "grasshopper", soit "sauterelle" à cause de sa propension à rebondir allègrement à l'atterrissage du fait d'un mécanisme de suspension des roues basées sur des tendeurs en caoutchouc : simple mais pas très amortissant.

Plus intéressant, au moins sur le plan du détail de l'histoire, par ce que sur le fond ça ne change pas grand chose, l'avion de chasse qui s'est posé n'était pas un P.51D Mustang que le papa avait conservé en souvenir, mais un Republic P.47 D Thunderbolt en version "Razorback", soit "dos en rasoir" du fait de la carlingue très effilée qui prolonge le poste de pilotage. Ces 2 appareils ont été les avions de chasse les plus utilisés par les américains sur le théâtre européen. Donc si un chasseur américain s'est posé à Gorron, ça ne pouvait être que l'un de ces 2 modèles.

Les photos jointes viennent : De Robert pour l'appareil "U9" posé à Gorron. Ce sont les photos authentiques que je n'ai découvertes qu'après le décès de papa. Je ne sais pas s'il est vraiment important de corriger le récit d'origine car ces 2 précisions rentrent dans la marge d'approximation admissible d'un récit rédigé 50 ans après les faits. Après en avoir entendu parlé pendant des années, c'était juste un peu émouvant pour moi d'accéder aux seuls vrais témoignages photographiques de l'événement.

 

GOGO

Selon les légendes des photos, Républic P 47 D Thunderbold sur la piste de Gorron, en août 1944. Photo n°1 : Henri Mariet. Photo n°2 : Marcel Launay et Henri Mariet. Photo n°4 : A gauche Roger Gandais, Marcel Launay et Fernand Le Goff.

Photos, photographe inconnu ©collection famille Poirier.

 

Il s'agit à priori d'une série de photos représentant un P-47 Thunderbolt, attribué au 411th Fighter Squadron, selon le code U9, du 373rd Fighter Group. Ce 373rd FG était alors basé sur le terrain A-13 de Tour en Bessin du 19 juillet au 19 août. Puis Rejoint le A-29 à Saint-James le 19 août jusqu'au 19 septembre. Quitte pour le A-62D à Reims.

Ce P-47 Thunderbolt possède une hélice de la firme Curtiss-Wright à Buffalo à 4 pales à vitesse constante. La firme Curtiss-Wright construisit 354 P-47D, sous la désignation P-47G.

Fabrication sur le site de : Buffalo (Curtiss).

P-47G. Soit 20 de la série 42-24920 à 24939.

P-47G-1-CU. 40 du 42-24940 à 24979.

P-47G-5-CU. 60 du 42-24980 à 25039.

P-47G-10-CU. 80 du 42-25040 à 25119.

P-47G-15-CU. 154 du 42-25120 à 25273.

TP-47G-16-CU. 2 du 42-25266 et 25267.

Comme cet appareil est à priori tombé en panne d'essence, nous n'aurons pas plus de chance de pouvoir l'identifier, malgré l'étude des rapports des missions du 373rd Fighter Group.

J’ai une dernière anecdote, qui ne m’honore pas beaucoup à raconter, mais nous vivions une époque où nous ne nous rendions pas bien compte de tout ce qui se passait. Il restait quelques Américains sur le camp probablement pour en assurer une certaine surveillance !! Bref, près d’une toile de tente qui leur servait d’abri, voilà que j’aperçois une splendide paire de brodequins (rangers) posée sous la fermeture de la tente !! Impossible de résister, c’était trop beau ! Je m’approchais furtivement de la tente, et d’un seul coup je pris les deux brodequins pour les emporter, mais pas de chance ! Les chaussures ne prirent pas du tout le bon chemin ! Le propriétaire était encore dedans !! Et pas content du tout, on s’en doute, il ne mit pas beaucoup de temps pour sortir pour me courir après, mais je n’avais naturellement pas attendu sa réaction et étais reparti à une telle vitesse, qu’il lui fut impossible de me rattraper, Il parait qu’il n’y a plus de jeunesse aujourd’hui ? Et autrefois ??!!

J’ai parlé du terrain d’aviation de Gorron du mieux que j’ai pu, ce qui m’a demandé beaucoup de recherches, pourtant ce n’est qu’un résumé ; tous les témoins de cette époque là (il y en a heureusement encore quelques uns) auraient certainement beaucoup de choses à rajouter !

 

 

 

Je vais maintenant écrire quelques mots sur le Commando de prisonniers Allemands venus pour remettre en état tout ce terrain bouleversé, cependant certaines personnes n’avaient pas attendu pour se servir en grillage !! A part donc, un peu de grillage et de toile goudronnée, il n’y avait rien d’autre à récupérer, les Américains avaient parfaitement nettoyé tout le territoire qu’ils avaient occupé, ne laissant absolument rien traîner tout avait été emmené ou enterré.

Ce Commando, logé à Charbonnière, composé de 18 hommes, était venu à pied du Camp de Prisonniers d’Évron, Ils étaient dans un état de maigreur lamentable !! Malgré que c’était des Allemands, ils faisaient vraiment pitié ! Nous étions début février 1945, il faisait très froid et leurs deux gardiens Français, se disant Ancien Résistants ?? N’avaient rien ou presque à leur donner à manger, et disaient qu’ils n’avaient pas d’argent pour leur acheter de la nourriture ! Aussi, le premier soir, papa leur porta un sac entier de blé moulu, pour leur permettre de faire de la bouillie, c’était toujours autant.

Le travail de nivellement des tas de terre, faits à la suite de l’aménagement du terrain d’aviation n’allait pas très vite, mais les gardiens avaient trouvé un bon moyen pour nourrir ces prisonniers, c’était d’en prêter à la journée chez les voisins qui le demandaient pour faire différents travaux chez eux. Papa venant tragiquement de nous quitter, comme j’en ai déjà parlé, c’est de bonne grâce que maman accepta que nous allions chercher, chaque fois que nous en avions besoin, un prisonnier du nom de Arnold Tafferner, qui semblait heureux de travailler avec nous. Tout d’abord, il y avait bien longtemps qu’il n’avait si bien mangé, le travail avec Camille et moi-même ne devait pas être désagréable, et nous même en étions parfaitement satisfait. Comme salaire, il remportait différentes nourritures, pommes de terre, farine de blé, et souvent, un sac de feuilles de tabac. Il devint vite très « costaud » je me souviens particulièrement de son travail pendant les foins, mais surtout pour l’arrachage des peupliers.

 

Nous avions pourtant souvent l’occasion de nous dire des paroles pas toujours aimables, il ne cessait de comparer l’Allemagne à la France et nous prenait un peu pour un peuple de sous-développés, inutile de dire que Camille et moi-même ne manquions pas de lui parler des Camps de Concentration, mais en général, tout se passait bien, je dois aussi dire qu’il n’avait que 18 ans et deux années de guerre !! Encore une petite anecdote: me voyant toujours en sabots, il me demanda combien j’avais de paire de chaussures ? Fièrement je lui dis que j’en avait une, il me répondit que lui en avait six !! Je n’avais plus rien à dire !!

Nous venions de recevoir le « Farmall » et il était bien fière de venir avec nous. Un de ces collègue nous bricola une cabine, Il fut démobilisé vers le mois de novembre suivant, et quelle ne fut pas notre surprise de recevoir de sa part, quelque temps après son départ, une lettre en Allemand !!

Heureusement, Monsieur le Curé Piard connaissait parfaitement l’allemand et voulu bien nous en faire la traduction. Le contenu de cette lettre ne tarissait pas de remerciements envers chacun d’entre nous, c’était la première personne depuis le début de la guerre qui avait la délicatesse de nous remercier pour les services que nous leur avions rendus. Nous fûmes tous vraiment touchés maman en était fière, mais elle nous dit : c’est un Allemand, alors il est impossible de lui répondre !! on n'entretient pas de relations avec ces gens là !!

C’est bien dommage, étant resté près d’un an en Allemagne et l’aversion envers les Allemands ayant presque disparu, j’aurais aimé savoir ce qu’il était devenu. Naturellement, je ne dois pas clore ce chapitre de notre vie dont je parle directement ou indirectement depuis la « Saga 8 » sans penser à la partie la plus douloureuse pour beaucoup de familles : les deux cimetières militaires de Gorron.

Ces deux cimetières étaient situés à 0,500 km et 1 km de la Croix au Brun en direction de Couesmes, d’autre part, les Allemands avaient également fait un cimetière renfermant une centaine de sépultures Allemandes et un soldat Américain, à Gorron même.

 

Le cimetière Américain avait reçu 753 sépultures de soldats.

 

 

 

Il a été entièrement transféré au Cimetière de Saint James dans les années 50, jusqu’à cette époque, il fut soigneusement entretenu par une équipe d’ouvriers venant de Gorron tous les jours, sous la responsabilité des Américains. J’ai le souvenir que tous les 4 juillet, Fêtes Nationale Américaine, était célébrée une cérémonie commémorative.

Lors du transfert des « cendres » à Saint James, une symbolique poignée de terre fut prélevée et renfermée dans une « Borne de la Liberté » située à l’entrée de la Chapelle des Invalides à Paris, pour rappeler à tous les Français le souvenir de ces cimetières américains en France.

 

 

 

Le cimetière Allemand était situé près de la ferme du Petit Domfront, dernière ferme de Gorron sur la route de Couesmes, Il contenait officiellement 1000 sépultures de soldats Allemands, mais pour l’avoir vu nous même, je suis certain qu’il en contenait beaucoup plus, Si les premières tombes furent creusées individuellement, très vite il fallut faire appel à des bulldozers qui creusèrent, je crois me souvenir, cinq tranchées côte à côte pour ensevelir les camions de cadavres qui étaient déjà dans un état de décomposition très avancé, en tout cas, ne permettant absolument pas de les identifier.

Toutes ces pénibles tâches étaient faites par des prisonniers Allemands.

Les tombes marquées d’une croix ??!! furent rassemblées au cimetière allemand de Mont d’Huisnes, je crois, mais n’en suis absolument pas certain, il ne m’a pas été possible d’avoir plus de renseignement.

 

LE CIMETIÈRE ALLEMAND DE MONT D’HUISNES

 

Le mausolée du Mont d’Huisnes a été érigé sur une colline d’une trentaine de mètres de haut, située à proximité de la baie du Mont Saint Michel, il a été conçu pour recevoir les dépouilles de 11950 soldats allemands, transportés ici après exhumation dans les années 60.

L’ossuaire se présente sous la forme d’un bâtiment cylindrique à deux étages comportant 68 cryptes renfermant chacune 180 corps.

OBSERVATIONS :

Les passionnés d'histoire ne se contentent pas toujours des légendes, mais consultent aussi les archives, lorsqu'elles existent. C'est pourquoi, restant un des rares témoins et avec l'encouragement de Robert, j'ai écrit ce résumé d'un fait important qui s'est déroulé dans cette partie éloignée, de Gorron et Brécé., et qui risquait de passer dans l'oubli.

SOURCES : Documents techniques provenant de l'Histoire du IX ENGINEER COMMAND ; Livre de Gert Buchhelt – HITLER chef de guerre; Éditions Artaud.

Mes souvenirs. Le 7 juin 2008.

Maxime Poirier (19/11/1929 - 29/01/2012).


Voir la biographie de l'ABSA 39-45 : ALG A.28 PONTORSON. Aérodrome Américain de BOUCEY (Manche). Du 15 août au 26 septembre 1944.

 

Ce pilote était le 1st Lt. Plummer Horace Aaron "Hap". Il appartenait au 370th Fighter Group, 401st Fighter Squadron. Il pilotait le P-38J-5-LO, #42-67269. Les P.38 du 370th Fighter Group étaient basés au terrain Cardonville (A-3). Ce jour le 370th Fighter Group va perdre un autre P.38, plus deux autres endommagés au cours des combats aériens entre ce 370th FG et des Fw 190 du JG 54.

Le P-38J du Capt. Child Deacon est touché en combat, il va se poser sur le terrain de Saint-Pierre-du-Mont, l'ALG A.1. Ainsi que le second P-38J-15-LO, #42-104093 du Lt. Cargill George H.

Le P-38J-15-LO, #43-28350 du 2nd Lt. Turner Robert Elton, est touché par la Flak, crashé du coté de Passais/Domfront (Orne) et il est tué.GOVoir sa biographie.

GO

 

ABSA 39-45 - Daniel Dahiot - 05 mai 2024 - Philippe Dufrasne

MACR - Missing Air Crew Reports n° 7406

IDPF TURNER_ROBERT_O 538878 - Joss Fenell - 07/05/2024