COSTES ET BELLONTE

GO

Costes et Bellonte, atterrissent le 14 décembre 1930 sur terrain d'aviation de Gaël.

 

Avant-ptopos

 

Le 2 septembre 1930, après leur célèbre traversée de l'Atlantique Nord, et leur arrivée à New-York, les célèbres aviateurs français sont très demandés, notamment avec les ligues aéronautiques et font " la tournée des popotes " dans les villes françaises.

 

La Chambre de Commerce de Rennes et la Ligue aéronautique de Bretagne, lancent l'invitation aux deux as pour le 14 décembre. C'est l'occasion ou jamais d'appuyer le projet de création du futur aéroport à Rennes. La capitale bretonne ne possède même pas un terrain digne de ce nom.

Rennes a bien un terrain d'aviation, c'est celui des Gayeulles, il y a quelques mois un grand meeting aérien avait pourtant eu lieu.

Mais c'est sur le terrain militaire de Gaël, que l'on va envoyer se poser le 14 décembre 1930 les deux héros.

C'est une question de politique, une politique des médias, déjà à l'époque, bien huilée, bien préparée par les organisateurs Rennais.

Prétexter que le terrain des Gayeulles, n'offre pas la sécurité voulue pour accueillir les aviateurs ; les articles dans le journal de l'Ouest Eclair sont éloquents.

Avec deux heures de retard sur l'horaire prévue, avec la coquasse anecdote "C'est dans une prairie située aux confins de l'Ille et Vilaine, à la limite du Morbihan que nos deux aviateurs viennent d'atterrir, une minute de plus et c'était l'accident fatal, plus une goutte d'essence, un pommier évité de justesse ! ".

Le séjour à Gaël fut très éphémère, quelques minutes sur le terrain, le temps était précieux, la fête était ailleurs...

Tout juste deux lignes dans le journal, sur leur accueil au terrain de Gaël par les officiels de la commune. De plus le célèbre et mythique avion de la traversée de l'Atlantique Nord, le Point d'Interrogation ne fut pas du voyage, alors en réparation au Bourget.

 

GO

Photo reproduction interdite

Studio Y. Mignot - 35290 St. Méen le Grand

 

On nous communique l'information suivante : Costes et Bellonte seront les hôtes de la capitale bretonne le dimanche 14 décembre.

M. Julien, préfet d'Ille et Vilaine, recevra les triomphateurs de la traversée de l'Atlantique au nom du Gouvernement.

Toutes les autorités ont accordé leur plus large concours à la Ligue Aéronautique de Bretagne pour les fêtes qui se dérouleront à Rennes dimanche prochain.

Il est impossible, à l'heure actuelle de préciser si Costes et Bellonte viendront de Paris utiliseront la voie des airs, ou viendront en automobile : la situation atmosphérique seule décidera du mode de transport.

Malheureusement l'appareil piloté par Costes et Bellonte, Le Point d'interrogation ne sera pas de la partie, il est en réparation au Bourget, la firme Breguet leur en mettra un à disposition, un tout acier du dernier modèle.

Et l'appareil ne pourra pas atterrir à Rennes, l'insécurité du terrain des Gayeulles ne permet pas aux aviateurs de risquer cet atterrissage.

C'est donc à Gaël, sur l'aérodrome militaire que les deux aviateurs iront poser leur appareil.

 

Vers 10 h du matin, M. de Toulouse Lautrec Robert, président de l'Amicale de la Ligue Aéronautique prendra les aviateurs au champ d'aviation à Gaël/Ploërmel pour les amener à Rennes.

A 11h30, Costes et Bellonte seront reçus au pont de Lorient et gagneront en voiture découverte la place de l'Hôtel de Ville, par le Mail, la Croix de la Mission, les quais Duguay-Trouin et Lamartine et la rue d'Orléans.

A 11h45, vin d'honneur offert par l'Amicale des aviateurs au café Glacier.

A 12h15, banquet intime offert à Costes et Bellonte par la ligue aéronautique de Bretagne. Banquet sous la présidence de M. Pierre Julien, Préfet d'Ille et Vilaine, auquel sont invités M. le général Tanant, commandant le 10ème Corps d'Armée, M. Lemaistre, maire de Rennes, et les membres de la Ligue Aéronautique.

A 14h30, coup d'envoi par Costes au Parc des Sports.

A 15h, départ rue de Lorient pour le cortège officiel à travers la ville de Rennes.

A 16h, arrivé au Panthéon rennais où seront rassemblés les anciens combattants ; dépôt d'une gerbe.

A 17h, départ pour les différentes réceptions offertes aux héros.

A 19h, grand banquet officiel par souscriptions, offert à Costes et Bellonte avec la participation du conseil municipal de Rennes et de la Ligue Aéronautique de Bretagne, sous la présidence de M. Pierre Julien, Préfet d'Ille et Vilaine, dans les salons Gaze, rue Poulain-Duparc.

A l'issue du banquet, Costes et Bellonte se rendront au Théâtre Municipal sur l'invitation de M. Cayol, directeur, pour assister à la grande représentation de gala : Véronique.

Au cas où le brouillard empêcherait Costes et Bellonte de gagner Rennes par la voie des airs, toute la première partie de ce programme serait annulée et remplacée.

 

Dieudonné Costes et Maurice Bellonte se rappelleront longtemps ils nous en ont donné l'assurance, la magnifique et émouvante réception qui leur était réservée sur la terre bretonne où, par suite du mauvais état ou de l'inexistence des terrains d'aviations, ils avaient failli ne pas venir se poser, alors que la France entière avait pu les fêter et les acclamer au retour de leur raid triomphal.

 

Neuf heures, à Rennes, place de l'Hôtel de Ville, les trompettes Rennaises s'apprêtent à donner un concert.

Nous prenons le départ pour Gaël, où nous devons attendre l'arrivée des aviateurs. La confortable Hotchkies , six cylindres de notre ami M. Dubois, directeur du garage du Champ-de-Mars, glisse sur la route.

Ils sont plusieurs centaines en effet ceux de nos concitoyens qui ont tenu à venir saluer Costes et Bellonte dès leur atterrissage.

Nous arrivons sur le terrain, plusieurs milliers de personnes, maintenues sur la route, attendent déjà l'arrivée du grand oiseau blanc.

Pourtant il est à peine 10 heures et l'attente sera longue. De minute en minute la foule se fait plus dense. Il nous est bien difficile de reconnaître les personnalités officielles, venues pour recevoir les glorieux aviateurs.

M. le lieutenant colonel Béhague, commandant le camp de Coëtquidan ; M. M Château et Brevet, adjoints au maire de Rennes ; Villandre, maire de Gaël ; de Toulouse Lautrec, conseiller général, maire de Mordelles, président de l'Amicale des Anciens Aviateurs d'Ille et Vilaine, Kuentz, Sordet, vice-présidents de la même Amicale ; Cordier de Fougères ; Artur, administrateur général de l'Ouest Eclair ; Henri Morin, directeur commercial de l'Ouest Eclair, et Mme etc...

 

10h30, c'est l'heure prévue pour l'arrivée. Mais des milliers de regards ont beau interroger l'horizon, rien.

11 heures. La foule, très sage, ne manifeste aucune impatience, mais les officiels s'inquiètent.

N'ont-ils pas changé d'avis ? N'ont-ils pas décidé d'abandonner leur projet de venir en avion.

Le téléphone fonctionne. On appelle à Rennes, la permanence du comité organisateur, pas de nouvelles. On appelle Le Bourget…puis Villacoublay…pour savoir s'ils sont partis. Pas de réponse. En désespoir de cause, on appelle le ministère de l'Air. L'attente est longue. Et puis soudain…c'est la bonne nouvelle un avion survole Rennes. Aucun doute ; ils sont partis ; dans quelques minutes ils seront là.

Les minutes s'écoulent, trop lentement au gré de tous, il est 12h25. A l'horizon, rien encore ! Pourtant là-bas, au-dessus de la forêt, un point grossit. Voici maintenant que l'on entend le ronronnement régulier du moteur : les voilà. Les gendarmes se font avec raison, plus sévères. Le terrain est libre devant les hangars ; le grand oiseau blanc s'est rapproché rapidement ; il tourne maintenant au-dessus de nos têtes. Le moteur s'est tu. Doucement comme un oiseau qui cherche la place où il va se poser, l'avion se rapproche du sol ; l'hélice ne tourne plus et l'on distingue le profil des aviateurs dans la carlingue. L'avion descend de plus en plus ; jouet docile dans les mains de son pilote, le grand oiseau, un Breguet tout acier, du dernier modèle, se pose enfin. Alors c'est la ruée.

En un clin d'œil, Costes et Bellonte qui sont descendus de la carlingue, sont entourés. Et une immense clameur monte de la foule " Vive Costes et Bellonte, vive la France ".

Les deux as, le corps pris dans une chaude combinaison, répondent par un large sourire et par des signes amicaux. Ils viennent pourtant de vivre des minutes émouvantes. Ils ont failli connaître la panne d'essence alors qu'ils survolaient la forêt.

Costes raconte, " nous avons trouvé sur notre route un fort vent debout et cela explique notre retard. Mais cela fit aussi que notre consommation d'essence fut beaucoup plus importante. Et vous avez pu le remarquer, le moteur s'est arrêté de tourner juste au moment où nous arrivions au dessus du terrain. Une minute plus tôt, ou un kilomètre de plus à faire et c'était la chute dans les pommiers.

GO

Photo reproduction interdite

Studio Y. Mignot - 35290 St. Méen le Grand

 

Mais M. de Toulouse Lautrec et M. Kuentz sont arrivés en voiture pour prendre à leur bord les deux aviateurs et leurs bagages.

La porte de la salle de service se referme derrière eux ; le temps de faire un brin de toilette.

Puis au nom de la Ligue Aéronautique M. de Toulouse Lautrec et M. Villandre, maire de Gaël leur dit la fierté de sa petite commune de les accueillir.

Le cortège reprend la route, à Mordelles, le convoi se ralentit, M. de Toulouse Lautrec l'un des organisateurs de cette manifestation, n'a pas voulu traverser sa commune sans donner à ses administrés de voir de près les deux as. Un vin d'honneur fort bien servi, un dépôt de gerbes aux monuments aux morts par les deux héros, hommage spontané aux frères d'armes tombés pendant la Grande Guerre.

Et la caravane poursuit sa route vers Rennes, malgré l'heure du déjeuner la foule est nombreuse.

 

Nous avons dit hier qu'elle magnifique réception la population rennaise avait réservée aux deux héros de la traversée de l'Atlantique Nord et nous avons aussi la grande satisfaction éprouvée par Costes et Bellonte.

Les deux as ont quitté Rennes hier matin après une bonne nuit à l'hôtel de France. Ayant gagné Gaël et surveillé personnellement le remplissage des réservoirs d'essence, les deux as prirent place à bord de leur Breguet et s'envolèrent vers Tours.

Costes et Bellonte sont passés à Rennes et la manifestation qui fut organisée en leur honneur, le succès populaire de cette fête marquera nous le disions hier, dans les annales de la cité.

Non… Costes et Bellonte n'ont pas été invités à venir à Rennes uniquement pour qu'il soit possible à la foule de les acclamer et de les fêter. Le véritable but de cette manifestation, M. Bahon-Rault, l'actif président de la Chambre de Commerce et de la Ligue Aéronautique de Bretagne, l'a très bien défini dans l'un de ses discours. Au moment où la question de l'aviation en Bretagne puisse connaître et saluer ceux qui assurèrent aux ailes françaises un succès triomphal.

Tout d'abord la Chambre de Commerce de Rennes et la Ligue aéronautique de Bretagne ont tenu ce soir par ma voix, à saluer en Costes et Bellonte, les héros de la traversée et je vous invite, Messieurs au début de ce toast à manifester une fois de plus votre admiration en acclamant ces deux grands Français.

Par ailleurs, Messieurs la Chambre de Commerce de Rennes à répondu avec enthousiasme aux invitations du gouvernement pour créer aux abords immédiats de Rennes un aéroport digne de sa situation géographique, digne de son passé de grande capitale bretonne, digne de l'immense avenir de notre région.

Nous avons le terrain, il nous reste qu'à accomplir les formalités administratives et je remercie M. le préfet d'Ille et Vilaine qui a bien voulu nous accorder son concours le plus large.

Sources, archives du journal Ouest Eclair, décembre 1930