Témoignage de Monsieur P. de Saint Aaron, concernant le Lt. William Fredenberg, pilote Américain qui avait posé son avion P.47 au lieu dit "La Prairie de Beauregard" aux environs de 10 heures 30, le 17 juin 1944. En cette matinée nous étions, mon père et moi entrain de dételer nos chevaux de notre charrette, quand tout à coup nous avons entendu et vu un avion qui volait très bas venant de la direction de Lamballe. Nous avons compris qu’il avait sans doute un problème. Il a décris un grand virage au delà de notre ferme de "La Prévotais" et s’est dirigé vers le village de "Beauregard". Nous avons voulu tout de suite voir ce qui allait se passer pressentant la chute. Nous avons vite attaché les chevaux à l’écurie puis avons couru au pont de "La Prévotais" tout proche. L’avion contourna "Beauregard" et vint s’aligner dans l’axe de la grande prairie (8 hectares 31), en baissant toujours d’altitude. Il arrivait assez vite. Nous le voyions très bien. Cette prairie est bordée au sud par la rivière "Le Chiffrouet" qui coule dans des méandres très encaissés. Cette prairie est inondée parfois en hiver. Par contre en période estivale la rivière n’a qu’un faible courant d’eau. L’avion évita une tranchée de drainage prés de la ferme (Tranchée rebouchée de nos jours) et se posa dans un bruit terrible. On entendait la carlingue qui était froissée sur le sol, il s’était posé sur le ventre, sans train d’atterrissage. Volontairement ? Ou alors le train avait-il été touché par un projectile ? L’avion à glissé longuement sur le sol, tout droit, s’immobilisant à vingt mètres d’un talus orné de chênes. Le pilote resta immobile pendant quelques minutes, sans doute abasourdi par sa chute. Il ouvrit la verrière et sorti rapidement de son cockpit par la droite, il se mit à courir vers la rivière.

 

 

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La grande prairie de "Beauregard" qui servit pour l'atterrissage forcé du P-47 du Lt. Fredenberg.

A droite la rivière "Le Chiffrouet", elle serpente le long de la rangée de des chênes, coté prairie.

Le P.47 venait de la droite, il a donc continué tout droit et en arrivant vers le talus avec des arbres que l'on voit au fond à la gauche, il s'est arrêté à une dizaine de mètres de celui ci en pivotant sur la gauche et s'immobilisant dans cette position.

 

 

Les allemands nombreux dans le quartier avaient investi "Beauregard " dès le début de la guerre. Un état major occupait l’ancien manoir, détruit de nos jours. Ils avaient installé des miradors dans les grands arbres de l’allée. Arbres disparus aussi aujourd’hui. Les occupants n’ont pas réagit rapidement après la chute de l’avion américain. Seuls quelques soldats armés couraient au loin sur la route, dans notre direction . Ils criaient très fort entre eux. Nous sommes restés en arrière du pont car nous ne savions pas ce qui allait se passer. Soudain, sur notre gauche, dans le lit de la rivière nous avons entendu du bruit. Nous avons vu apparaître le pilote, qui nous faisait des signes et parlait à voix basse dans une langue que nous ne connaissions pas. Il avait été gêné dans sa progression devant nous, un arbre était couché en travers de son chemin. Sportivement, il s’y accrocha par les bras, projetant en avant ses jambes, faisant en sorte qu’il avait pu passer cet obstacle facilement. Il arrivait à nous. Nous souhaitions l’aider, mais comment car l’on voyait une troupe d’allemands qui se dirigeaient vers "La Prévotais".

Le pilote ne sachant où aller, se cacha sous ce pont. Il y avait peu d’eau, nous étions en juin. Dans le virage devant nous, à 300 mètres apparu un allemand, fusil prêt à tirer. Nous avions encore reculé car la situation était des plus critique. L’allemand rejoint par de nombreux autres soldats cria très fort en direction du pont. Et là, on vit sortir le pilote de sa cachette. Il gravit le talus de la rivière, puis leva les bras en l’air et parcouru tranquillement la distance qui le séparait des soldats. On l’avait vu disparaître dans le virage, sous une escorte bien importante pour un seul homme. On a appris, les jours suivants, qu’il avait été prisonnier un moment au Manoir et qu’il aurait proposé à ses geôliers dès son arrivée des cigarettes, mais que ces derniers refusèrent. Nous n’avons jamais sût qui il était. Nous avons toujours cru qu’il était anglais. L’avion demeura en place pendant un mois et fut gardé en permanence par deux sentinelles. Je me souviens très bien de son visage bronzé de type peut être asiatique. Il était jeune. Nous avons été tristes de le savoir prisonnier ne sachant quel allait être son destin.

 

Rue Bario à Lamballe où l'avion séjourna une matinée exposée sur la remorque d'un camion, comme trophée de guerre !

 

Jean Michel Martin. Association Bretonne du souvenir Aérien 39-45. 28 mars 2010.