CORSEUL.
Côtes d'Armor. Nuit du 5 au 6 août 1944.
Rapport de la perte d'un bombardier Allemand Junker
88, au lieu dit ''La Favrais ".
Témoignages. Monsieur G. de
Quévert.
Nous étions couchés, mais je ne dormais
pas. Il était environ 23 heures. Soudain
jentendis un avion qui me semblait bas en altitude. Je
me suis levé rapidement et suis allé devant la
maison, dans notre cour. Jai vu un avion en feu.
Jai alerté mes parents qui sont venus voir. La
nuit était claire et la lune brillait. Nous voyions
très bien lincendie dans laile gauche. Il
est passé lentement au dessus de la lisière
dun champ donnant dans le nord de notre habitation. Il
perdait de laltitude et se dirigeait sur Corseul. Nous
étions inquiets de savoir ou il allait tomber car
nous avions de la famille dans cette direction,
espérant quil ne sécraserait pas
sur une maison occupée. Il a disparu, puis plus rien,
même pas un bruit par la suite. Nous nous sommes
recouchés. Ce nest que le lendemain que nous
avons appris quil était tombé au dessus
des virages menant à Corseul. Un ami ma
rapporté quil avait vu un aviateur sauter en
parachute de couleur blanche. Lui aussi précise un
clair de lune et aucun nuage. Il ne sut pas ce quil
était advenu de cet homme.
Témoignage de Monsieur B.
Mes parents exploitaient une ferme au village de "La
Hougrais" en Corseul. Ce soir la, nous nous apprêtions
à nous coucher. Je ne saurai dire lheure mais
il faisait nuit depuis un petit moment. Mon père
entendit le bruit dun avion qui semblait tourner
autour de chez nous. Cétait tout proche.
Aussitôt, il sorti de la maison pour voir ce qui se
passait. Quelle ne fût pas sa surprise de voir
cet avion en feu venant dans notre direction. Il nous alerta
aussitôt pour que nous puissions fuir le cas
échéant ,ou au moins nous abriter dans un
endroit qui nétait pas prévu à
lavance certes car nous ne pensions pas être un
jour soumis à une telle situation.
Tout se passa très vite. Ce fût
effrayant, un déluge de feu quand il se
délesta de ses bombes incendiaires dans un champ
situé à 500 mètres dici.
Heureusement, il ny avait personne dessous. De chez
nous, nous sentions la chaleur. Cet incendie dura peu de
temps. Poursuivant sa route, il perdit un moteur, celui qui
était en feu, juste en bordure de la route qui va de
Corseul à Quévert. Rapidement il
sécrasa dans un bruit terrible. Un incendie se
déclara dans les restes de lavion. Nous avons
peu dormi cette nuit, impatients daller voir, mais en
prenant garde aux allemands qui navaient pas
quitté la région, mais qui nallaient pas
tarder à le faire car les troupes Américaines
approchaient de Dinan. Nous nous rendîmes sur les
lieux le lendemain matin. Cétait distant de
chez nous de 800 mètres. Il y avait beaucoup de monde
déjà mais pas doccupant. Le nez de
lavion dépassait au dessus du sommet de la
vallée. Prés du ruisseau, gisait le corps du
pilote et dans le pré tout proche celui dun
autre aviateur mort lui aussi. Cétait de jeunes
hommes. Cétait triste de voir ces vies
brisées, tant dun côté comme de
lautre dans cette guerre. Les deux Allemands avaient
été éjectés de leur poste de
pilotage dans le choc violent avec le sol. Le surlendemain
avec des camarades, nous sommes retournés sur les
lieux. Les deux aviateurs étaient toujours dans la
vallée. La carcasse ne brûlait plus. Au retour,
en lisière de la vallée, nous sommes
tombés nez à nez avec une dizaine
dallemands qui revenaient eux aussi semble t-il de
cette vallée. Nous avons eus très peur. Ils
étaient sales, leurs visages étaient
fatigués, ils semblaient désemparés.
Lun dentre eux parlant un peu notre langue
nous demanda de faire en sorte denterrer les corps de
leurs compatriotes. Nous avons répondu oui, disant
que quelquun sen occuperait, ce qui fut fait. Un
des aviateurs qui avait sauté en parachute tomba
juste dans la cour de la ferme du "Haut Becherel",
située lautre côté de la
vallée près des ruines romaines. Il frappa
à la porte de la maison dhabitation. Le fermier
surpris en pleine nuit eut très peur. Lallemand
lui demanda de le conduire chez le Maire de la commune. Ce
qui fût fait aussitôt. Cétait
Monsieur de Pontbriand à lépoque qui
occupait les fonctions. Il faut noter quun
deuxième aviateur tomba à la "Ville Quematz"
près de la route départementale
Dinan-Plancoët et fût fait prisonnier par les
résistants. Il fut conduit le lendemain après
midi à la Mairie de Dinan. Le troisième homme
qui avait aussi sauté en parachute
sévada pendant plusieurs jours, porté
disparu dans un premier temps, il fût capturé
par les américains. Un aviateur prisonnier confirma
bien dans son récit de capture quils avaient
bien été trois à évacuer
lavion. Dans les mois qui suivirent cet
événement, un agriculteur qui travaillait dans
son champ prés du « Temple de
Mars » (Ruines Romaines), de lautre
côté de la vallée retrouva un morceau de
lempennage de lavion, ce qui explique bien la
violence du choc à latterrissage. Le champ
où étaient tombées les bombes offrait
un spectacle de désolation. Le sol était
brûlé sur une grande surface. Les pommiers
nétaient plus que des squelettes noircis. Tout
était noir. Madame H apporte son témoignage.
La carcasse de lavion était
éclatée et il y avait des morceaux partout sur
plusieurs centaines de mètres aux alentours. Il y eut
une foule importante à venir voir cet
événement. Beaucoup emmenaient en souvenir des
morceaux. Je me souviens dune personne qui avait pris
un morceau de tôle avec des lettres dessus. Je me
souviens aussi quun aviateur était tombé
proche de chez nous à la "Ville Quematz" et fût
fait prisonnier. Les deux pilotes étaient
tombés dans la vallée et gisaient morts.
Cest cette même nuit quun autre bombardier
Allemand fut abattu deux heures après sur Saint
Michel de Plélan.
Un des aviateurs allemand tomba en parachute dans la
cour de la ferme du "Haut Becherel"
Ils sont morts lors du choc au sol. Ils ont
été retrouvés dans le fond de la
vallée. Ils n'avaient pas pu quitter l'avion à
temps. Les autres hommes furent faits prisonniers.
Site du crash
Photo JM
Cette perte aérienne allemande est à
placer dans le contexte des événements qui se
déroulaient dans la région. Nous sommes deux
mois après le Débarquement de Normandie le 6
juin, les Américains et les Alliés progressent
face à un ennemi quelque peu désemparé
mais toujours efficace. Certains verrous ont sauté
récemment et en dernier viens d'avoir lieu. La
percée d'Avranches. Toute cette armada déferle
vers l'ouest sous les ordres du général Patton
et il est urgent pour les Allemands de connaître la
situation chaque jour pour pouvoir essayer de réagir,
mais il leur sera difficile de réaliser une
contre-attaque car sur le terrain c'est la plus grande
désorganisation dans la région.
Photo carte de l'avancée américaine
en Bretagne, éditions Heimdal
Capitaine Melvin Voorhees, place Duguesclin à
Dinan et place du Marchix, se rendant à la
mairie
Photo collection bibliothèque de
Dinan
Dinan sera libéré le jour même
dimanche 6 août 1944. Un détachement
américain de quelques soldats, conduits par le
capitaine Melvin Voorhees entra en ville en après
midi sous l'ovation des habitants et fut conduit à
l'Hôtel de ville ou il rencontra le Maire Monsieur
Aubry. Le lundi 7 août à Dinan les
Américains traversèrent la ville dans la joie
d'une population qui avait retrouvé sa
LIBERTÉ.
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