PORDIC LE FAUX TERRAIN D’AVIATION ALLEMAND 1941-1944

GOPORDIC. Côte d’Armor.

Témoignage de Monsieur Guegan. Agriculteur retraité. La construction de ce faux terrain d’aviation par l’occupant a démarré vers le milieu de l’année 1941 près de "La Croix Guingard. Très vite nous avons vu les dirigeants de l’armée TODT rechercher des ouvriers requis pour ce travail, dans ces conditions la main d’œuvre était bon marché. Nous n’avions guère le choix. Pendant deux ans pour ma part j’ai dû me rendre disponible, une fois par semaine pour effectuer les travaux d’aménagement. Je devais, comme bien d’autres rejoindre le point de rendez vous fixé par les allemands, très tôt le matin avec mon attelage de trois chevaux tractant un tombereau, cette charrette à rebords pleins qui servait à nos tâches agricoles. Nous quittions Pordic en convoi de plusieurs attelages et descendions à la plage de Tournemine où nous devions charger des galets à la pelle. Ce travail était particulièrement pénible, harassant pour les hommes et pour les chevaux, qui devaient tirer sur plusieurs kilomètres et en montée des remorques bien chargées. Les temps de pose étaient courts et nous amenions notre repas. Ces messieurs ne nous offraient pas ce service. J’avais 18 ans et j’aurais aimé passer mon temps à autre chose. Un couple de civils Français, à la solde des nazis, organisaient ce chantier. Ils parlaient peu. Nous étions rémunérés pour chaque journée de travail. Ils nous appliquaient des amendes, s’ils jugeaient que notre travail n’était pas pris avec intérêt. Un jour après un travail difficile et sous une pluie battante, mon salaire s’élevait à 3,50 francs, ils me signalèrent que je n’avais pas ouvert l’arrière du tombereau assez vite lors du déchargement et que le contenu s’était mal réparti, ce qui à leurs dires entraîna un retard, décidèrent de ne me donner que la modique somme de 25 centimes. C’était pas cher payé. J’étais dégoûté. Nous faisions tout pour leur mettre des bâtons dans les roues comme on dit et freinions le travail au maximum. Le terrain occupait une soixantaine d’hectares pris sur de la terre agricole Ils installèrent une fausse piste de galets noirs sur une distance de 1.200 mètres pour une largeur de 30 mètres.

 

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 Ce chemin est l'emplacement de l'ancienne fausse piste

 

La plage de Tournemine

Pendant ces deux ans nous avons rajouté plusieurs couches de galets. Cette piste était toujours entretenue pour être plus évidente. Une équipe s’occupait de l’entretien et du désherbage. Les soldats allemands étaient peu nombreux pour garder ce terrain. Par contre sur le territoire de notre commune les effectifs militaires allemands étaient très importants. L’état major résidait dans un château. Cet aérodrome a été créé pour faire dissuasion avec celui, bien réel de Ploufragan à l’ouest de Saint Brieuc. L’occupant installa très vite également de fausses installations. Seule je pense, une manche à air dans un angle paraissait réelle. Une vingtaine de faux avions en bois étaient alignés en bordure de piste. Ils ressemblaient à des vrais. Des menuisiers de la région avaient été requis d’office pour aider les Allemands à cette réalisation. Ces avions factices étaient maintenus au sol par des câbles. Il y avait un poste de surveillance, une tour surélevée en bois. Quelques membres de l’armée TODT logeaient sur le site dans des cabanes en bois. En bordure de cet aérodrome et sur une grande surface l’occupant cultivait des choux, plats, servant à la choucroute. Ce terrain était labouré par des bœufs tirant une charrue. Pour leur charcuterie, ils n’avaient pas de mal à trouver des cochons, ils se servaient dans les fermes. Une fois nous avons étés requis pour extraire de la pierre de la carrière de "La Cotenti", qui n’existe plus de nos jours. Elle a été bouchée et plantée de beaux pins maritimes par les enfants des écoles dans les années 50-60. La défense de ce terrain était aussi faite de leurres. Plusieurs fausses batteries de DCA (Défense contre avions) furent installées mais parmi une vrais batterie fût mise en place. Un jour un avion allié,seul, est arrivé à grande vitesse et en rase motte, venant de la mer. Je ne l’ai pas vu, mais des gens qui étaient sur place racontèrent qu’il largua une bombe en bois inerte. Il n’y a pas eut de bombardement sur ce terrain, ce n’est pas le cas pour celui de Ploufragan. De nos jours ne perdure comme seul souvenir de ce terrain que la petite route toute droite qui est le vestige de la piste en galets. Je dois signaler également les tirs de fusées éclairantes au passage des avions alliés pendant la nuit. Nous n’étions pas rassurés car les allemands avaient installé derrière notre ferme 4 canons de 155 mm tournés vers la plage de Plérin en cas d’invasion des Alliés. J’ai aussi participé à la pose de pieux en bois sur les plages, requis d’office comme à leur habitude bien évidemment.

 

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Faux avion en bois, photo qui date de l'été 1944

 

Merci à Monsieur G pour son accueil et pour son témoignage. Jean Michel Martin, le 14 janvier 2010.