L’Avion
oublié.
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


                                                           Michel BARON

 


 

 

 

1    . une epave RETROUVEE.

 

En 1974, sur le chantier de terrassement de ce qui allait devenir l’immeuble du GAN près du Parc des Expositions à Bordeaux Nord, une foreuse a remonté du sous-sol les restes d’un avion.

Dans les jours qui ont suivi, le quotidien « Sud-Ouest » a publié plusieurs  témoignages et a essayé de faire le point sur cet événement.

Trente ans plus tard, nous avons désiré aller plus loin pour éclaircir certaines contradictions et apporter des précisions. Cela a été rendu difficile car les informations publiées dans la presse de l’époque (1940) ne sont guère fiables et parce que les témoins encore vivants sont âgés, que leur mémoire n’est pas toujours fidèle, et qu’au fil des temps certains récits sont enjolivés ; pourquoi rester simple témoin de l’Histoire quand on peut se prévaloir d’un rôle d’acteur !

Il a heureusement été possible d’accéder à quelques fonds d’archives qui peuvent être considérés comme dignes de confiance.

Toutes les informations recueillies ont donc dû être vérifiées et, chaque fois que cela a été possible, confrontées à d’autres sources. S’il subsiste quelques zones d’ombre, l’essentiel des faits semble maintenant établi.

 

2    . le contexte strategique.

 

En cette fin d’année 1940, la situation des Britanniques n’est guère enviable.

La bataille aérienne d’Angleterre s’est terminée à leur avantage dans la mesure où la Luftwaffe a abandonné la partie (après avoir largué près de 40.000 tonnes de bombes sur l’Angleterre quand, dans le même temps, l’Allemagne n’en a reçu que 10.000 tonnes) et le risque d’un débarquement allemand semble enfin définitivement écarté.

Mais la Royal Air Force est exsangue, l’Armée de terre est incapable d’engager le combat (l’essentiel de son matériel est resté sur les plages de Dunkerque), la puissante Royal Navy ne parvient pas à contrecarrer l’action des sous-marins allemands qui, en 1940, ont coulé plus de quatre millions de tonnes marchandes alors que les nouvelles constructions (britanniques et américaines réunies) dépassent à peine le million de tonnes. Non seulement l’Angleterre ne parvient pas à imposer le blocus maritime à l’Allemagne, mais elle risque une coupure rapide de ses propres voies de ravitaillement en provenance de l’Empire et des Etats Unis.

 

Dans ce contexte, Bordeaux intéresse à double titre les stratèges de sa Majesté. Non seulement le port abrite une importante base pour les sous-marins italiens et les navires allemands forceurs de blocus, mais de plus, sur l’aérodrome de Mérignac stationne le 40.Kampfgeschwader, une escadre aérienne spécialisée dans la reconnaissance maritime, le soutien des sous-marins et l'attaque des navires.


 

L’Allemagne manque cruellement de certaines matières premières comme le caoutchouc naturel et les métaux rares indispensables pour la production des alliages spéciaux. Les forceurs de blocus ont pour mission d’assurer, par le seul port de Bordeaux, le ravitaillement de l’industrie de guerre. Ce port est en effet le plus méridional des ports contrôlés par l’Allemagne, aussi éloigné de Londres que Hambourg.

 

Malgré la faiblesse de ses moyens, la multiplicité des objectifs à traiter, l’éloignement de Bordeaux et les pertes élevées qu’elle subit, la Royal Air Force maintient, tout au long de cette année 40 une présence, parfois symbolique, sur ces deux sites. Les unités du Bomber Command (Commandement de l’Aviation de Bombardement) traitent les objectifs terrestres, celles du Coastal Command (Défense côtière) attaquent les navires en mer, dans l’estuaire et à quai; l’ensemble de ces forces assurant le mouillage de mines dans le fleuve, l’estuaire et l’océan.

 

3    . un avion britannique abattu.

Dans la nuit du 26 au 27 décembre 1940, l’agglomération bordelaise est soumise à un bombardement de la Royal Air Force. L’alerte aérienne dure de 22 heures 30 à minuit.

Au cours de cette attaque, un bombardier britannique est touché par la Flak[1], et s’écrase dans les marais de Bordeaux Nord, à proximité de la Jallère.

La chute de cet avion est signalée dans différentes correspondances adressées à la Préfecture[2] par les commissariats de quartiers et les mairies ainsi que dans les quotidiens bordelais «La Petite Gironde» et «La France» du 28 décembre sous la forme d’un communiqué de l’agence DNB de Berlin « Bien que l’aviation allemande, ainsi que le communiqué publié par le haut commandement des forces armées allemandes l’a constaté, n’a pas effectué de raids sur la Grande Bretagne pendant les fêtes de Noël, l’aviation britannique a lancé des raids sur l’ouest de la France.

Jeudi soir, les Anglais ont bombardé Bordeaux. Il y a eu plusieurs morts et blessés parmi la population civile.

La DCA allemande a immédiatement riposté et a ouvert un feu violent, forçant les agresseurs à rebrousser chemin.

Quelques bombardiers ont été si sérieusement endommagés qu’il est peu probable qu’ils aient pu rentrer à leurs bases.

Un avion du type « Handley Page » a été abattu en flammes et un membre de l’équipage tué. Trois autres membres de l’équipage ont pu se sauver en parachute ».

. Le lendemain 29 décembre, chacun de ces journaux publie une photographie différente[3] des restes de l’appareil montrant à l’arrière plan un paysage de marécages qui correspond bien aux bords de la Jallère avec la même légende: «Comme nous l’avons annoncé le 28 décembre, au cours de l’attaque aérienne de la nuit du 26 au 27 décembre, un bombardier anglais a été abattu, près de Bordeaux, par la DCA allemande. Notre cliché montre les débris de l’appareil anglais qui s’est enfoncé profondément dans le sol».

 

 

              

               

 

 « La France » en haut, « La Petite Gironde » en bas,

en date du  29 décembre 1940.


 

4    . le drame.

Les avions arrivaient du nord-nord-est de façon à se trouver alignés avec la partie de la Garonne où étaient amarrés les navires à détruire. Les attaquants se trouvaient très exposés aux pièces antiaériennes, déjà très nombreuses sur les coteaux de la rive droite.

 

Deux témoins visuels s’en souviennent encore.

Madame Richet : «Il pouvait être 21h 30 ou 22h. Il faisait très froid…. Quand nous avons entendu l’alerte, nous nous sommes mis à la fenêtre au premier étage[4]…. La batterie de DCA qui se trouvait derrière chez nous tirait sans interruption. D’autres aussi dans les marais de Bordeaux et sur la colline de Lormont… L’appareil, pris dans les faisceaux des projecteurs, volait horizontalement. A plusieurs reprises les Allemands le perdirent. Puis ils l’accrochèrent et ne le lâchèrent plus. Finalement touché par un obus, l’avion piqua du nez, en flammes, et explosa en touchant le sol».

Monsieur Rouillard : «Plusieurs avions étaient venus cette nuit-là essayer de couler les navires marchands allemands amarrés aux quais et dans les bassins à flot. Ils étaient trois, j’ai pu repérer leur passage, les uns après les autres sur l’objectif…  un appareil fut touché par la Flak, le pilote conscient du danger dut effectuer un virage serré à 180 degrés afin d’éviter le Centre Ville, il était encore sans aucun doute lourdement chargé de bombes. Il perdit immédiatement de l’altitude et s’écrasa dans le marais, en partie inondé, mais gelé ce qui m’avait permis d’accéder au lieu de l’explosion. J’avais situé à peu près l’impact, j’avais entendu une forte explosion suivie dans la nuit d’une lueur[5]».

 

Ces deux récits, dans leur simplicité, se complètent mutuellement. La seule différence notable porte sur l’incendie de l’avion: Madame Richet comme tous les observateurs cités par les rapports de police l’ont vu, Monsieur Rouillard ne l’a pas vu. Cette différence peut s’expliquer par la position géographique des témoins: Monsieur Rouillard était le seul placé au nord et le feu à un moteur se voit surtout depuis l’arrière de l’avion.

 

La carte de la page suivante présente un scénario possible de la fin de l’avion. L’axe d’approche imposait le survol des coteaux de la rive droite où les positions de Flak étaient importantes.

 

 

 

 

 

 

 

5    . quel type d’appareil ?

Peter Kraus, dans son ouvrage « Bordeaux, les bombardements », nous apprend que, dans cette nuit du 26 au 27 décembre 1940, l’agglomération bordelaise a subi deux attaques aériennes  distinctes:

Ø                  un raid du Bomber Command contre l’usine SNCASO de Mérignac effectué par six Hampdens I du 49th. Squadron de Scampton (aucune perte d’avion n’est déplorée)

Ø                 un raid du Coastal Command par des Beaufort I du 217th Squadron de Saint Eval qui bombardent des navires ancrés dans le port de Bordeaux ; lorsque ces bombardiers dépassent Ambarès, ils sont copieusement visés par les tirs de la Flak. « Pour une raison inconnue, un des Beaufort (matricule L9860) est porté disparu avec son équipage de 4 hommes». 


 

 

Bristol « Beaufort ». La tourelle inférieure (sous le nez)

n’existait pas sur tous les avions.

 

Bien que les journaux du 28 décembre 1940 disent qu’il s’agit d’un avion du type « Handley Page », que P. Krause présente [6]  une photo des restes de l’appareil examinés par des militaires allemands accompagnée de la légende « Epave de l’Hampden abattu par la Flak bordelaise » et que Sud-Ouest du 15 juillet 1974 parle d’un avion de chasse, on doit considérer que l’avion abattu est bien le Beaufort porté disparu, ce que le Service historique de la RAF confirme.

Il précise également la composition de l’équipage qui est est la suivante[7] :

Flying Officer John Herman Durham Tilson, pilote, matricule 42030,

Sergeant Joseph Cresswell Wild, navigateur, matricule 751369,

Sergeant William Barrington Miflin, opérateur radio et mitrailleur, mat. 550750,

Sergeant Robert Alfred Bradshaw, mitrailleur matricule 905929.

 

Les restes exhumés en 1974 (une partie d’un train d’atterrissage, un pneu, une chambre à air et des débris de carlingue), auraient pu permettre de lever ce doute s’ils avaient été examinées par des spécialistes. D’après le journal « Sud-Ouest » de  juillet 1974, « les services de police et ceux de la gendarmerie de l’air ont longuement étudié les pièces mises au jour ». L’officier enquêteur désigné par l’Armée de l’Air a déclaré, après avoir examiné les débris, « il s’agit, selon toute vraisemblance, d’un bombardier ou d’un chasseur-bombardier de fabrication anglaise ou canadienne »

 

 

6    . le sort de l’equipage.

Dans son témoignage, Monsieur Rouillard [8] dit : «des débris humains jonchaient le sol, des lambeaux de peau et de chair dispersés au bord d’un immense trou, sur un arbre était accroché un parachute non déployé, des restes de vêtements de cuir, en plus encore des restes humains qui pendaient pitoyablement…». Cette description laisse supposer qu’il n’y a pas eu de survivants.

 

Cependant, selon le journal «La France» du 28 décembre 1940 «un membre de l’équipage (a été) tué. Trois autres membres de l’équipage ont pu se sauver en parachute». Il est manifestement mensonger car :

Ø      le registre d’inhumation du Cimetière Nord de Bordeaux porte, à la date du 27 décembre 1940, l’inhumation de trois «soldats britanniques» de la RAF. Deux d’entre eux sont désignés par leur numéro matricule, le troisième est « sans numéro ».

Sur le registre du Cimetière Nord, plusieurs inscriptions manuscrites se superposent :

Inscriptions d’origine, de la main de M. Laporte [9]  à l’encre rouge :

-     Soldat Britannique n° 90929. RAF

-                                   42030  

-                           sans numéro  

Des surcharges  apposées à des époques différentes:

1° Barkly Jack ? sur le matricule 905 929,

2° Tilson J.H.D. sur le matricule 42 030,

-         Wild J.W., sergent, matricule 751369 sur le « sans matricule ». Ces deux mentions sont également de la main de M. Laporte.,

3° « abattus le 26 décembre 1940 à minuit près de la Jalle Noire dans le marais   Guitard. »

4° « EXH le 9.5.50 pour Pornic (L. Inf) »

 

                                       

Ø      Dans une lettre du 5 janvier 1941, le Commissaire spécial de Bordeaux rend compte au Préfet de la surveillance «de la tombe des trois aviateurs anglais récemment inhumés». [10]

 

Les services d’état civil de la mairie de Bordeaux n’ayant établi aucun acte de décès, on peut penser que les inscriptions sur le registre du Cimetière Nord ont été faites à la demande des autorités d’occupation et sur la base des indications portées sur les plaques d’identité trouvées sur ces militaires.

Mais l’équipage du Beaufort était normalement constitué de quatre hommes. Les restes du quatrième corps qui a été disloqué par l’explosion de l’avion sont-ils toujours enfouis sur les lieux du crash?

 


 

7    . « manifestation » au cimetiere nord.

L’inhumation des trois cadavres a eu lieu dans une certaine discrétion « après la fermeture du cimetière nord ». Cependant les troupes d’occupation « leur rendirent les honneurs en tirant deux salves ».[11]. Peu de temps après, les jeunes militaires de la batterie de Flak du Cimetière Nord ont profané les tombes en les piétinant rageusement.

Le 5 janvier 1941, le commissaire spécial de Bordeaux rend compte au Préfet de la Gironde que son service « a procédé ce jour, entre 14h 25 et 15h 50, à une  surveillance discrète au Cimetière Nord …concernant une manifestation qui devait se produire devant la tombe des trois aviateurs anglais ». Il poursuit : « On peut affirmer que, durant ce laps de temps, rien d’anormal ne s ‘est produit et que seuls quelques visiteurs de tombes de parents (une dizaine tout au plus dont les deux tiers de femmes), sont venus, à titre de curiosité, se recueillir devant ces tombes d’étrangers, sans aucun commentaire ni dépôt de fleurs ». ». Le rédacteur de ce rapport a manifestement cherché à diminuer la portée des évènements. Comment en effet une « surveillance discrète » peut-elle permettre d’affirmer que les visiteurs sont venus « à titre de curiosité » ?  Pourquoi insister sur le fait qu’il s’agit surtout de femmes ?

 

Document Mme Rodriguez.

 

Les gardiens du Cimetière Nord vers 1938.

Debout MM. Boussinot, Xxxxx, Maury, Blanc, Laurent, Vignolle.

Assis : MM.Xxxx, Laborde, Massé (directeur), Moncade, Gachin.

Recrutés parmi les blessés de 14-18, deux d’entre eux portent la Légion d’Honneur, cinq la Médaille Militaire, six la Croix de Guerre.

 

 

8    . les sepultures definitives.

En 1950, le transfert des corps des aviateurs a été effectué vers le Cimetière militaire britannique de Pornic (Loire Atlantique).

Selon les Service Historique de la RAF, les restes des quatre membres de l’équipage, (le quatrième étant le sergent Mislin William Barrington matricule 550750 et le matricule 905 929 correspondant en réalité au sergeant Robert Alfred Bradshaw), reposent au cimetière militaire britannique de Pornic où ils ont été transférés après une première inhumation au cimetière Nord de Bordeaux.

 

Comment une quatrième dépouille a-t-elle pu être ajoutée au moment du transfert de 1950 ?

 

Cliché Jean Jacques Dumas

 

Le cimetière militaire britannique de Pornic

 

 


 

 

9    . les consequences de ce raid.

La Royal Air Force acceptait des pertes élevées dans ses missions sur les ports ; mais seulement dans la mesure où elles étaient efficaces. Cette attaque faisait suite à celle de la nuit du 16 au 17 octobre conduite par le Bomber Command. Sur 12 Hampden au départ, 4 seulement ont survolé Bordeaux, un a été abattu à Ambarès, trois se sont écrasés au retour (deux équipages perdus). C’est donc un nouvel échec.

Laissons parler Peter Krause :

« La principale conséquence de cette action est l’abandon définitif des bombardements par le Coastal Command. Plus jamais il ne viendra attaquer directement ce port, ne pouvant à Bordeaux répéter les actions entreprises en Bretagne. Jugeant inutile de relever cet impossible défi, il n’effectuera désormais plus que des minages au large de l’estuaire et dans le fleuve, entre la Pointe de la Coubre et Pauillac. Même dans cette campagne des mines, il cède la grande partie de ces opérations au Bomber Command. C’est un cas unique dans l’attaque des ports de l’Atlantique, dicté principalement par l’éloignement de l’objectif. »

 


 

annexe I. les sources d’INFORMATIONS.

1.                      Sources imprimées.

1.1.          Peter Krause « Bordeaux- Les bombardements ». (Ed. CMD).

Cet ouvrage, très complet, a été rédigé d’après les archives allemandes, britanniques, américaines et françaises. Il signale, pour ce qui nous intéresse :

Ø      page 22, deux photographies des restes d’un avion abattu avec la légende : « Epave de l’Hampden abattu par la Flak bordelaise ». (sans indication de la date).

Ø      page 29: pour la nuit du 26 au 27 décembre 1940 : un raid du Bomber Command contre l’usine SNCASO effectué par six Hampdens I du 49th. Sq. de Scampton. Aucune chute d’avion n’est signalée.

Ø      Page 141: pour la nuit du 26 au 27 décembre 1940 : un raid du Coastal Command par des Beaufort I du 217th Sq. de Saint Eval qui « bombarde des navires ancrés dans le port de Bordeaux. Lorsque ces bombardiers dépassent Ambarès, ils sont copieusement visés par les tirs de la Flak. C’est un fiasco : aucune cible n’est touchée par les bombes. Pour une raison inconnue, un des Beaufort (matricule L9860) est porté disparu avec son équipage de 4 hommes ».

1.2.          P. Bécamps « Bordeaux sous l’occupation ». (Ed. Ouest-France).

Page 83, l’une des deux photographies que P. Krause présente p 22 avec la légende : « Débris d’un avion anglais abattu par la DCA et tombé à Blanquefort avec ses bombes le 26.12.1940 »

1.3. D. Lormier « Bordeaux pendant l’occupation ». (Ed. Sud-Ouest)

Page 115, les deux photographies de Peter Krause avec la légende : « Débris d’un avion anglais tombé à Blanquefort avec ses bombes le 21 décembre 1940 ».

2.                       La presse de 1940.

2.1.                    Journal « La France ». (Bibliothèque municipale de Bordeaux)

Ø                  Le samedi 28 décembre 1940, il publie, sous le titre « L’aviation britannique a bombardé Bordeaux.. Un avion abattu, un aviateur tué » le message suivant de l’Agence DNB de Berlin :

« Bien que l’aviation allemande, ainsi que le communiqué publié par le haut commandement des forces armées allemandes l’a constaté, n’a pas effectué de raids sur la Grande Bretagne pendant les fêtes de Noël, l’aviation britannique a lancé des raids sur l’ouest de la France.


Jeudi soir, les Anglais ont bombardé Bordeaux. Il y a eu plusieurs morts et blessés parmi la population civile.

La DCA allemande a immédiatement riposté et a ouvert un feu violent, forçant les agresseurs à rebrousser chemin.

Quelques bombardiers ont été si sérieusement endommagés qu’il est peu probable qu’ils aient pu rentrer à leurs bases.

Un avion du type « Handley Page » a été abattu en flammes et un membre de l’équipage tué. Trois autres membres de l’équipage ont pu se sauver en parachute ».

Ø                  Le 29 décembre 1940, il publie une photo de l’épave de l’avion avec la légende ; « Comme nous l’avons annoncé le 28 décembre, au cours de l’attaque aérienne de la nuit du 26 au 27 décembre, un bombardier anglais a été abattu, près de Bordeaux, par la DCA allemande. Notre cliché montre les débris de l’appareil anglais qui s’est enfoncé profondément dans le sol ».

 

2.2.          Journal « La Petite Gironde ». (Bibliothèque municipale de Bordeaux, Archives départementales de la Gironde)

 

Ø                  Le samedi 28 décembre 1940, il publie lui aussi, sous le titre « Des avions britanniques ont bombardé Bordeaux. Plusieurs morts et blessés dans la population civile. Un des avions a été abattu par la DCA », le même communiqué de l’agence DNB de Berlin que « La France ».

Ø                  Le 29 décembre 1940, il publie une autre photo de l’épave de l’avion avec même légende que « La France »; « Comme nous l’avons annoncé le 28 décembre, au cours de l’attaque aérienne de la nuit du 26 au 27 décembre, un bombardier anglais a été abattu, près de Bordeaux, par la DCA allemande. Notre cliché montre les débris de l’appareil anglais qui s’est enfoncé profondément dans le sol ».

 

3.                       Le journal « Sud-Ouest » de 1974.

Ø                 Le mercredi 10 juillet 1974.

L’article relate la découverte des restes d’un avion lors des travaux de construction de l’immeuble du GAN. Il énumère les morceaux trouvés : une partie d’un train d’atterrissage, un pneu, une chambre à air et des débris de carlingue porteurs de nombreuses inscriptions en langue anglaise, et dit que ces débris ont été saisis par la gendarmerie de l’air et la police dans le cadre de l’enquête

Un encadré évoque les souvenirs d’un témoin :

« Un soir de décembre 1940, vers 22 heures, l’aviation alliée effectua un bombardement sur Bordeaux. Le Palais de la Bourse, où se trouvaient de nombreux officiers allemands et italiens, fut atteint.

Plusieurs témoins s’en souviennent et l’un d’eux qui circulait à bicyclette sur l’avenue de Bruges en direction du quartier de Bacalan s’était arrêté en raison des tirs de la DCA installée à l’époque dans les blockhaus qui subsistent aujourd’hui à proximité de la place Latule.


 

Dissimulé dans le tronc d’un arbre mort il vit nettement l’un des appareils pris dans les projecteurs de la DCA et finalement touché par un obus de celle-ci.

L’avion s’abattit en flammes avant de s’écraser et d’exploser, d’après le témoin, à proximité du chemin de Pernon.

Le lendemain – ou le surlendemain – l’équipage fut inhumé au cimetière Nord, dont les Allemands avaient interdit l’accès. Mais deux jours plus tard, les tombes étaient fleuries.

Il semble bien que les restes mis à jour soient ceux de l’avion anglais abattu ce soir de décembre 1940 »

 

Ø                 Le jeudi 11 juillet 1974.

Sous le titre « Plus de mystère dans le quartier du Lac », un article cite Madame Richet, 9 rue Pierre Renaudel au Bouscat et Monsieur Boussinot son frère de Bègles. Ils habitaient à l’époque à Bruges, chemin Poujauque devenu rue Ausone. Voici leur témoignage : « Il pouvait être 21h 30 ou 22h. Il faisait très froid…. Quand nous avons entendu l’alerte, nous nous sommes mis à la fenêtre au premier étage…. La batterie de DCA qui se trouvait derrière chez nous tirait sans interruption. D’autres aussi dans les marais de Bordeaux et sur la colline de Lormont… L’appareil, pris dans les faisceaux des projecteurs, volait horizontalement. A plusieurs reprises les Allemands le perdirent. Puis ils l’accrochèrent et ne le lâchèrent plus. Finalement touché par un obus, l’avion piqua du nez, en flammes, et explosa en touchant le sol ».

Une photo de presse, donnée par ces témoins, accompagne l’article. C’est celle du 29 décembre 1940 dans « La Petite Gironde ».

L’article se poursuit ainsi : « Le lendemain, sur les lieux, les Allemands, heureux de leur victoire, laissèrent s’approcher les curieux. Puis, après la fermeture du Cimetière Nord, ils procédèrent à l’inhumation des deux aviateurs anglais dans un carré situé près de l’entrée nord et leur rendirent les honneurs en tirant deux salves. Quelques jours plus tard, des mains anonymes avaient fleuri les tombes des deux aviateurs anglais. Elles devaient être entretenues jusqu’à la victoire ».

 

Ø                 Le lundi 15 juillet 1974.

Sous le titre « A propos de l’avion anglais abattu à Bordeaux-Lac » est publié l’article suivant : « Ainsi que nous l’avons relaté la semaine dernière, les débris d’un avion de chasse de l’armée alliée ont été découverts à Bordeaux-Lac sur un chantier où travaillait une foreuse. Grâce aux récits de plusieurs témoins nous avons pu établir avec une quasi-certitude que cet avion avait été abattu une nuit de décembre 1940 par la DCA allemande. Un de nos lecteurs, M. Lagueyte de Gradignan, a tenu à nous apporter quelques précisions concernant l’équipage : Il y eut deux rescapés car deux aviateurs anglais ont été hébergés à Bruges, puis acheminés par des pêcheurs à l’embouchure de la Gironde et enfin rapatriés en Angleterre. Je l’ai su par la BBC que je prenais jusqu’à une heure du matin, quelques jours après ils ont adressé des remerciements aux gens de Bruges et aux pêcheurs qui leur avaient promis qu’ils rejoindraient l’Angleterre[12]»

4.                      Documents d’archives.

4.1.                    Archives Municipales de Bordeaux.

Ø                  Dossier 1684 I 4. Ces « Registres des inhumations de militaires » du cimetière Nord de Bordeaux ne signalent aucune inhumation pour le mois de décembre 1940 et aucune inhumation d’aviateur allié pendant tout la guerre.

Ø                  Dossier 5690 H2. Archives de la Défense passive et de la police municipale. Précisent que, pour la nuit du 26 au 27 décembre 1940, l’alerte aérienne a duré de 22heures 30 à 24heures.

 

4.2.          Archives départementales de la Gironde.

Ø                 Dossier « Vrac 374 » (en cours de classement).

Ce dossier contient les archives de la Préfecture relatives à l’action de l’administration face aux bombardements. Dans la chemise : « Compte rendu des alertes des 26, 27,28 et 29 décembre 1940 », on trouve :

-                     Une lettre du Commissaire central au Préfet, « plusieurs personnes  ont déclaré avoir vu un avion tomber dans la direction des Allées de Boutaud ».

-                     Une lettre du Directeur départemental de la Défense passive: « un avion aurait été abattu dans les marais situés au nord des bassins à flot, entre le chemin de Labarde et le chemin de la Palu, au-delà de l’usine à gaz, sur le territoire de Bordeaux ».

-                     Une feuille manuscrite sur laquelle sont récapitulées les informations parvenues à la Préfecture. La chute de cet avion y est signalée par le Commissariat central (23h 44 : un avion descendu du côté des Allées de Boutaud), la mairie du Bouscat (23h 10 : en direction de Blanquefort) et le commissariat de Caudéran (23h 30 : un avion en flammes à gauche des docks).

-                     Une lettre du 5 janvier 1941, le Commissaire spécial de Bordeaux rend compte au Préfet d’une « surveillance discrète au Cimetière nord concernant une manifestation qui devait se produire devant la tombe des trois aviateurs anglais récemment inhumés ».

 

4.3.          Registres du Cimetière Nord.

Le registre d’inhumation conservé au Cimetière Nord porte, à la date du 27 décembre 1940, l’inhumation de trois « soldats britanniques de la RAF ». Sur les mentions originales (les matricules de deux d’entre eux, ont été ajoutés en surcharge au crayon trois noms: « Barkly Jack ?, Tilson J.H.D., et Wild J.W., matricule 751369 », « abattus le 26 décembre 1940 à minuit près de la Jalle Noire dans le marais Guitard », « EXH le 9 mai 1950 pour un transfert à Pornic ».

Ces surcharges semblent tardives car les noms ne figurent pas sur la table alphabétique de 1940.

 

4.4.                    Centre National Jean Moulin.

MM. Bécamps et Krause signalent que les documents photographiques de l’épave proviennent du Centre Jean Moulin. Malgré deux visites, le service documentation du Centre n’a pas pu les retrouver.

 

4.5.                    Mairie de Bordeaux.

Des recherches ont été entreprises pour retrouver les actes de décès de ces aviateurs à la date de leur décès et à celle de leur exhumation et du transfert de leurs restes. Aucun acte n’a été trouvé.

4.6.                    Service Historique de la Défense à Vincennes.

Procès verbal n°478 du 9 juillet 1974 de la brigade de Gendarmerie de l’Air.

De ce PV on tire les éléments suivants :

Ø      C’est au cours d’un forage en vue d’édifier les fondations d’un immeuble qu’un conducteur d’engin a découvert, à 6 mètres de profondeur environ, « un vérin de train d’atterrissage de 1,05 mètre de long et 0'115 de diamètre, fixé sur un tambour de roue et sur lequel nous relevons les inscriptions suivantes : DANGER COMPRESSED AIR – DEVOGE VALVE – 1132.882 – S.K.F. MADE IN ENGLAND. » et « un pneumatique et une chambre à air DUNLOP AEROPLANE de dimensions 14.00X14. »

Ø      Un témoignage de madame Richet (née Boussinot) conforme en tous points à celui publié dans le journal Sud-Ouest et copié au § 5.3 ci-après.

Ø      Un témoignage de monsieur Boussinot reproduit au § 5.4 ci-après.

Ø      Les photographies de train d’atterrissage et du pneumatique.

4.7.                    Service Historique de la Royal Air Force.

Les informations ci-après ont été communiquées par le Commandant Pierre Grogan, officier de liaison de la Royal Air Force auprès de l’Etat Major de l’Armée de l’Air à Paris et par l’attaché de défense  auprès de l’Ambassade de Grande Bretagne à Paris.

Ø                  Il s’agit bien du Beaufort n° L9860 du 217 Squadron.

Ø                  Sa chute est enregistrée à 18h 35.

Ø                   L’équipage était composé de :

-                     42030 Flying Officer John Herman Durham Tilson, pilote,

-                     751369 Sergeant Joseph Cresswell Wild,

-                     550750 Sergeant William Barrington Miflin,

-                     905929 Sergeant Robert Alfred Bradshaw.

-                     Il n’y a pas de Jack Barkly ; le matricule qui lui est affecté au Cimetière Nord est celui du sergeant Bradshaw.

Ø                  Les restes des quatre membres de l’équipage ont été inhumés au Cimetière Nord avant d’être transférés au cimetière militaire britannique de Lorient ; la plaque du sergent Mislin (William Barrington) matricule 550750 est apposée sur une fosse commune.

5. Temoignages.

5.1.          Témoignage de M. Guy Perey à Eysines.

« Effectivement un bombardier anglais s’est écrasé atteint par la DCA dans les marais de Blanquefort, je ne me souviens plus de la date mais je crois que c’était plus tard en 1941 ? C’est mon directeur d’école du Bouscat Centre, M. Dupuy qui était résistant qui est intervenu avec son équipe pour récupérer l’équipage. Malheureusement ils n’ont pas pu localiser l’épave et M. Dupuy a fait appel à un de ses élèves qu’il savait acquis à la résistance et qui habitait dans les marais de Blanquefort qu’il connaissait très bien. Il les a guidés jusqu’à l’avion anglais et ils ont pu récupérer un aviateur blessé, les autres étant morts.

Cet élève c’est mon copain Pierre Rouillard qui habite toujours Allée du Flamand (face à Chambarrière) dans les marais de Blanquefort. Il se fera certainement un plaisir de vous renseigner en connaissance de cause ! »

 

5.2.          Témoignage de M. Pierre Rouillard à Blanquefort.

« Le bombardier britannique ….. a bien été abattu fin décembre 1940 après minuit. Il ne s’est pas écrasé sur Blanquefort, mais dans les marais de Bordeaux-Nord, au bord de la Jallère (lors de la construction des bâtiments du GAN, il a été découvert les roues et divers débris de l’appareil enfouis dans le sol par l’explosion).

Plusieurs avions étaient venus cette nuit-là essayer de couler les navires marchands allemands amarrés aux quais et dans les bassins à flot. Ils étaient trois, j’ai pu repérer leur passage, les uns après les autres sur l’objectif.

Les Anglais avaient recommandé aux équipages de larguer à faible altitude (information fournie à l’époque par la B.B.C.) afin de bien repérer leur objectif et préserver la population civile.

De ce fait un appareil fut touché par la Flak, le pilote conscient du danger dut effectuer un virage serré à 180 degrés afin d’éviter le Centre Ville, il était encore sans aucun doute lourdement chargé de bombes. Il perdit immédiatement de l’altitude et s’écrasa dans le marais, en partie inondé, mais gelé ce qui m’avait permis d’accéder au lieu de l’explosion. J’avais situé à peu près l’impact, j’avais entendu une forte explosion suivie dans la nuit d’une lueur.

Le lendemain dans la matinée, je me suis rendu péniblement sur les lieux, j’ai retrouvé les restes de l’avion, entièrement pulvérisé, rien n’était reconnaissable, des débris humains jonchaient le sol, des lambeaux de peau et de chair dispersés au bord d’un immense trou, sur un arbre était accroché un parachute non déployé, des restes de vêtements de cuir, en plus encore des restes humains qui pendaient pitoyablement…

Rien ne permettait de définir le nombre de victimes.

Je quittai rapidement les lieux pensant que les membres de l’Armée allemande pouvaient rapidement arriver. J’étais apeuré… !

Sur le chemin du retour je rencontrai deux hommes, mon jeune âge les avait sans doute rassurés. Ils me demandèrent où se trouvait le « Crash », ils pensaient qu’un membre d’équipage avait pu se sauver en sautant avant l’impact. Ils effectuaient certainement des recherches.

Je les dirigeai sur les marais de Bruges. Je connaissais parfaitement le terrain, tout ceci en prenant d’extrêmes précautions, à l’époque il valait mieux se tenir à l’écart de ce genre de conversation, il était dangereux de poser trop de questions.

A mon avis, il n’y eut aucun survivant. »

 

Interrogé, M. Rouillard apporte les précisions suivantes :

-                     Il est arrivé sur les lieux vers 9h1/2 ou 10h. Il a noté que le sol gelé portait des traces de l’avion comme s’il avait tenté et réussi un atterrissage forcé avant d’exploser. Il a été surpris de ne voir aucun morceau important de l’appareil mais seulement quelques morceaux des instruments et du tableau de bord ; il avait glissé dans sa poche « l’aiguille de l’horizon artificiel ».

-                     Il ne connaissait pas les personnes qu’il a rencontrées et les a conduites dans les marais de Bruges et non sur les lieux du crash.

 

5.3.          Témoignage de Madame Richet. Le Bouscat.

 

Elle confirme son témoignage de 1974  ( Journal « Sud-Ouest ») cité ci-après:

 « Il pouvait être 21h 30 ou 22h. Il faisait très froid…. Quand nous avons entendu l’alerte, nous nous sommes mis à la fenêtre au premier étage…. La batterie de DCA qui se trouvait derrière chez nous tirait sans interruption. D’autres aussi dans les marais de Bordeaux et sur la colline de Lormont… L’appareil, pris dans les faisceaux des projecteurs, volait horizontalement. A plusieurs reprises les Allemands le perdirent. Puis ils l’accrochèrent et ne le lâchèrent plus. Finalement touché par un obus, l’avion piqua du nez, en flammes, et explosa en touchant le sol ».

 

Elle confirme également la suite de l’article qui avait été rédigée sur la base de son récit: « Le lendemain, sur les lieux, les Allemands, heureux de leur victoire, laissèrent s’approcher les curieux. Puis, après la fermeture du cimetière nord, ils procédèrent à l’inhumation des deux aviateurs anglais dans un carré situé près de l’entrée nord et leur rendirent les honneurs en tirant deux salves. Quelques jours plus tard, des mains anonymes avaient fleuri les tombes des deux aviateurs anglais. Elles devaient être entretenues jusqu’à la victoire ».

Selon elle, les tombes auraient été fleuries par l’épouse d’un pilote français (Rossi pense-t-elle). Elle était informée par son père qui était gardien au cimetière.

 

5.4.           Témoignage de Monsieur Yves Boussinot.

Monsieur Yves Boussinot est le frère de Madame Richet. Son témoignage a été recueilli par la Gendarmerie de l’Air au cours de son enquête.

« ….En compagnie de ma sœur aînée Simone, nous nous sommes mis à la fenêtre du premier étage. Personnellement j’ai remarqué un avion qui était pris dans les faisceaux lumineux de la D.C.A. allemande. Peu après, cet avion est venu heurter le sol puis a explosé. J’ai bien vu des flammes jaillir dans le ciel avec des gerbes d’étincelles. Il faut préciser que notre domicile dominait le secteur et qu’autor du Cimetière, il n’y avait que des terrains vagues et le sol était marécageux.

Le lendemain matin, je suis allé voir au point de chute de l’avion malgré l’interdiction des Allemands qui pourchassaient les curieux.

Je me rappelle que l’appareil avait explosé en touchant le sol et que des débris se trouvaient éparpillés sur plusieurs centaines de mètres à la ronde. Néanmoins, à l’endroit où je suis allé, il y avait le plus gros morceau de l’avion. »

5.5.           Témoignage de Madame Rodriguez. Le Bouscat.

« Mon grand-père Henri Laborde était boulanger. Gravement blessé pendant la première guerre mondiale, il avait évité de justesse l’amputation de son bras droit et il lui était impossible d’exercer son métier. Il avait donc été engagé par la Mairie de Bordeaux comme gardien au Cimetière Nord. Il y était « brigadier-chef », c’est à dire chef des gardiens. A ce titre, il était logé dans le cimetière, au-dessus de la conciergerie. Il était, à mes yeux, le maître de son territoire. Il portait les inhumations sur le registre avec sa belle écriture ; pour cela, à cause de sa blessure, il devait soutenir et guider sa main droite avec la gauche. Il y faisait régner la discipline et a dû intervenir énergiquement auprès du commandement allemand pour que les militaires de la batterie de DCA implantée au cimetière y adoptent une tenue correcte.

 

Enfant (j’avais huit ans en 1940), j’aimais aller chez ces grands-parents. Ma grand-mère m’aidait pour mes devoirs scolaires et je disposais, aux heures de fermeture, d’une immense cour de récréation. Il m’était strictement interdit de toucher aux tombes et j’avais toujours respecté cette interdiction.

 

Je ne me souviens pas de l’avion abattu le 26 décembre 1940. Mais j’en conserve deux images :

-                     celle de mon grand-père racontant que les trois aviateurs anglais ont été inhumés sans pierre tombale et qu’aussitôt après l’inhumation les jeunes militaires de la batterie de DCA voisine, dans une sorte de danse païenne, ont piétiné rageusement les tombes.

-                     Celle de ma grand’mère qui souvent plaignait ces jeunes hommes venus nous défendre et leurs parents qui ne les reverraient pas.

 

Je peux témoigner que pendant toute le guerre, ces tombes ont été régulièrement entre tenues et toujours fleuries. Des fleurs étaient déposées par les familles venant se recueillir sur les tombes de leurs proches. Les deux fleuristes installés à l’entrée du cimetière (Famille Soubies et Simone Noël) y contribuaient largement. Les gardiens recommandaient la plus grande discrétion aux auteurs de ces gestes.

Fortement impressionnée par les propos de mes grands-parents, et malgré l’interdiction de mon grand-père, je prélevais une fleur par ci, une autre par là pour les déposer sur ces tombes dont le dépouillement me touchait: une simple croix de bois portant un numéro. »

 

Réponse à une question : « Je n’ai aucun souvenir des honneurs militaires rendus à ces aviateurs. »

 


 

 

Annexe II. Le Bristol « Beaufort ».

 

Caractéristiques.

 

Le Bristol « Beaufort » a effectué son premier vol le 15 octobre 1938, sa production a été lancée en 1939. C’était donc, au début de la guerre, un avion moderne.

Dérivé du bombardier Bristol Blenheim, ce bombardier bimoteur avait été adapté au mouillage de mines et au torpillage des navires. Jusqu’en 1943 il a constitué l’épine dorsale du Coastal Command.

2.080 exemplaires ont été construits, dont 700 en Australie.

 

Dimensions :

§       Envergure 17,63 m

§       Longueur: 13,49 m

§       Hauteur: 4,82 m.

§       Poids à vide: 6382 kilogrammes

§       Poids maximum en charge: 10.205 kilogrammes

Equipage : 4 hommes.

Charge maximale :

§       907 kilogrammes de bombe.

§       ou une torpille de 21 pouces,

§       ou des mines.

Performances :

§       Vitesse maximale: 431 km/h

§       Plafond de service: 7620 m.

§         Rayon d’action: 1300 à 1706 kilomètres.


 

Vues du Beaufort.

 

 

        

 

        

 

Le « Beaufort » au sol et en vol.

 


 

annexe III. photos de presse de 1940.

    

 

     

 

Ces deux clichés appartiennent à la même série que ceux publiés le 29 décembre 1940 dans la presse locale. Ils sont extraits de l’ouvrage de Peter Krause qui les a obtenues au Centre Jean Moulin de Bordeaux


 

annexe IV. photos d’un militaire allemand.

 

 

 

     

Photographies prises par un militaire allemand en 1940. (internet)

 

TABLE DES MATIERES

 

 

 

1. Une épave retrouvée.

2

2. Le contexte stratégique.

2

3. Un avion britannique abattu.

3

4. Le drame.

5

5. Quel type d’appareil ?

6

6. Le sort de l’équipage.

7

7. « Manifestation » au cimetière Nord.

9

8. Les sépultures définitives.

10

9. Les conséquences de ce raid.

11

Annexe 1. Les sources d’informations.

12

1. Sources imprimées.

12

2. La presse de 1940.

12

3. Le journal « Sud-Ouest » de 1974.

13

4. Documents d’archives.

15

5. Témoignages.

16

Annexe 2. Le Bristol « Beaufort ».

20

Annexe 3. Photos de presse de 1940.

22

Annexe 3. Photos d’un militaire allemand.

23

Table des matières.

24

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] Flugabwehr-Kanone, l’artillerie antiaérienne allemande

[2] Voir annexe 1, § 4.2.

[3] Deux autres photos de la même série sont publiées dans « Bordeaux. Les bombardements » de Peter Krause. Trois autres, prises par un membre des troupes d’occupation, ont été vues sur Internet.

[4] Alors enfant, Madame Richet habitait en bordure du Cimetière Nord, sa maison dominait les marais et offrait un excellent point d’observation.

[5] Bel exemple de la fragilité du témoignage humain : les lois de la physique veulent que la lueur de l’explosion parvienne à l’observateur avant son bruit

[6] Voir annexe I. § 1.1.

[7] Source Royal Air Force.

[8] Voir Annexe I § 52

 

[9] Ecriture formellement  identifiée par Mme Rodriguez, sa petite fille.

[10] En 1974, Sud-Ouest parle de deux aviateurs

[11] Déjà le 17 octobre à Ambarès, l’Armée allemande avait, de la même façon, rendu les honneurs à l’équipage d’un autre bombardier abattu par la Flak.

[12] Ce témoignage concerne très probablement un autre avion, abattu bien plus tard dans les marais de Bruges