Le 26 août 1944

Riantec

"Kerastel"

Northrop P-61A-5-NO Black Widow - #42-5545

425th Night Fighter Squadron

 

Le 425th Night Fighter Squadron, une unité de chasse de nuit américaine vient d’arriver sur l’aérodrome de Vannes-Meucon (note : le 18 août pour l’échelon roulant et le 23 août pour l’échelon navigant) lorsqu’une mission qui sort de son domaine de compétence lui est demandée.

Pour sa première mission au départ du sol français treize P-61-A du Fighter Squadron disposés en trois Flight et emmenés par le commandant du Squadron, le Major Leon G. Lewis, sont envoyés en mission de mitraillage des troupes ennemies au sol. Les appareils décollent de Vannes-Meucon entre 20h49 et 20h53 puis toute la formation vole vers l'ouest jusqu'à Hennebont, effectue un virage à 180° et revient au-dessus de Merlevenez et du pont de Belz, cercle ensuite autour de Sainte-Hélène/Kergoal et réalise un autre passage sur les positions d'artillerie situées dans les bois à l'ouest de Merlevenez.

Au premier passage il y a assez peu d'opposition, mais lors du deuxième passage celle-ci s'avère plus forte avec des tirs denses d'armes légères et de mitrailleuses, ainsi que quelques tirs de Flak légère. Au débriefing les pilotes rapportent qu'il y avait plus de 300 armes dans cette seule zone.

Les avions atterrissent à Vannes-Meucon entre 21h26 et 21h47, sans le P-61 serial 42-5545, piloté par le 1st Lt. Nelson D. Willis, 22 ans (note : le pilote était seul à bord, la mission ne nécessitant pas la présence de l’opérateur-radar). Son avion, touché par des tirs ennemis, s'est écrasé sur la ferme de "Kerastel" en Riantec, tuant Mlle Simone Marie Le Blévec.

Le corps de l’infortuné pilote est retiré de l’épave incendiée le 27 août mais les autorités allemandes refusent aux civils français que celui-ci soit placé dans un cercueil et inhumé dans le cimetière de Riantec. Les locaux enveloppent alors le corps d’un drap et l’enterrent au pied d’un arbre, tout près du lieu de l’accident. Le corps du lieutenant placé dans un cercueil est inhumé une seconde fois le 15 juin 1945 - après la Libération de la Poche de Lorient - dans le cimetière de Riantec puis sa dépouille est transférée plus tard dans un cimetière militaire américain. Le Lt. Willis repose aujourd’hui au Normandy American Cemetery and Memorial situé à Colleville-sur-Mer.

Nelson D. Willis est entré dans l'U.S. Army Air Force en octobre 1942 pour débuter son cursus de formation à la Santa Ana Army Air Base. Il obtient ses ailes de pilote et est nommé sous-lieutenant (2nd lieutenant) le 22 juin 1943 sur la base de Williams Field située à Chandler au sud de Phoenix, Arizona.

Après une formation sur North American B-25 (note : il faut une formation bimoteurs pour piloter plus tard le chasseur de nuit P-61 Northrop), il est envoyé en septembre 1943 à Orlando en Floride pour un entraînement de transition sur Douglas A-20 - plus précisément sa dénomination P-70 car quelques appareils ont été modifiés en chasseurs de nuit et équipé du radar et d’autres équipements. C’est aussi à Orlando que Nelson va être associé à son opérateur-radar, le Lt. William M. Tripp.

Début 1944, Nelson rejoint Hammer Field près de Fresno en Californie pour y être transformé sur P-61 Northrop. Après quelques-mois d’entrainement, sur la côte Est, il embarque avec toute son unité pour l’Angleterre où il arrive fin mai 1944. Avec son unité il stationne à partir du 26 mai à Charmy Down près de Bath puis rejoint Scorton au sud-est de Middlesbrough le 12 juin. Durant cette période les équipages de son Squadron dont le sien, vont être détachés auprès d’unités de la RAF équipées de DeHavilland Mosquitos afin de se familiariser avec les procédures de chasse de nuit.

Le 23 août 1944, Nelson va rejoindre le continent et l’aérodrome de Vannes-Meucon et être tué lors de sa première mission sur le théâtre d'opération européen.

 

Fréderic Henoff - ABSA 39-45 - 26 avril 2023

 

Tombe (source : famille North) - Nelson et son épouse Shirley (source : famille North).

 

 

Northrop P-61 « Black Widow »

 

 

Le seul chasseur allié spécialement conçu pour la chasse de nuit, qui entra en service pendant la guerre, fut le P-61 Black Widow, gros comme un bombardier moyen, mais docile et manœuvrable. Premier chasseur de nuit entré en service dans l’US Army Air Force, le P-61 Black Widow se caractérisait par un fuselage bipoutre et une nacelle centrale dotée d’un canon en tourelle, démonté par la suite en raison des problèmes de vibrations qu’il provoqua. Il fut le premier à disposer de spoilers au lieu d’ailerons, ce qui lui permettait d’avoir de très grands volets et un grand écart de vitesse pour opérer depuis des terrains étroits.

 

 

Dans les années précédant la Seconde Guerre mondiale, la Royal Air Force et la Luftwaffe travaillèrent toutes deux à définir et mettre au point la mise en œuvre des opérations aériennes nocturnes, un véritable défi du fait de leur complexité.

 

En août 1940, 16 mois avant l’entrée en guerre des États-Unis, l’officier correspondant de l’USAAC à Londres, le lieutenant-général Delos C. Emmons, fut mis au courant des recherches britanniques sur le RADAR (RAdio Detection And Ranging) engagées depuis 1936, notamment sur l’existence d’un nouveau radar d’interception aéroporté, appareil autonome qui pouvait être installé dans un avion et permettait d’opérer en vol sans recourir à des stations au sol.

 

A partir de septembre 1940, les États-Unis décidèrent la fabrication d’avions équipés de la technologie mise au point par les Britanniques tandis que de son côté, le Royaume-Uni déclara son besoin urgent d’un intercepteur rapide à haute altitude apte à engager les bombardiers de nuit allemands attaquant Londres. Cet avion devait pouvoir patrouiller toute la nuit au-dessus de la ville nécessitant de facto une autonomie minimum de huit heures et évidemment l’emport des premiers radars aéroportés. L’armement spécifié était disposé dans de multiples tourelles. Le Boulton Paul Defiant de la RAF avait démontré sa capacité à emporter un radar pour la chasse de nuit mais fut écarté en 1942 et les versions nocturnes du De Havilland Mosquito, excellentes du point de vue des performances, devaient être renforcées du point de vue de leur structure. Ces spécifications furent diffusées auprès de tous les concepteurs et avionneurs travaillant pour les britanniques. Jack Northrop était parmi eux et se rendit compte que les contraintes de vitesse, altitude, capacité d’emport de carburant et d’armement de bord menaient à un grand avion multimoteur.

 

La commission Emmons développa alors les spécifications de base et les envoya, vers la fin de 1940, à l’Air Technical Service Command à Wrigth Field. Prenant en compte les deux plus grosses contraintes – la masse élevée du radar embarqué et la grande autonomie (toutefois standard pour les chasseurs de l’époque) de huit heures – la commission, dont Jack Northrop était membre, définit un avion bimoteur, d’une taille en conséquence et recommanda la prise en compte de ces paramètres par les projets candidats.

Le 5 novembre, Northrop et Pavlecka, patron de la recherche chez Northrop, rencontrèrent des officiers de l’Air Material Command à Wrigth Field pour leur présenter leur conception préliminaire.

 

Le Douglas XA-26 était le seul concurrent pour ce chasseur de nuit, ce fut la proposition de Northrop qui fut sélectionnée : le Black Widow était né.

 

À la suite de l’accord de l’USAAC, Northrop commença le travail de conception détaillée de cet appareil, le premier conçu spécifiquement pour la chasse de nuit. Le résultat fut le plus grand et le plus efficace des chasseurs nocturnes américains de la Seconde Guerre mondiale.

 

 

La première étude de Northrop présentait un long fuselage-nacelle encadré de deux fuseaux-moteurs prolongés vers l’arrière en poutres destinées à recevoir les dérives et l’empennage horizontal, s’inspirant de fait du P-38 Lightning.

 

Les moteurs étaient des Pratt & Whitney R-2800-10 Double Wasp, moteurs en étoile à 18 cylindres donnant 2 000 chevaux (1,5MW) chacun.

 

Le fuselage abritait un équipage de 3 hommes, le radar et deux tourelles de quatre mitrailleuses lourdes Browning M2 de 12,7 mm (calibre 0.50 pouce) munies de canons « aviation » de 36 pouces. Les tourelles étaient situées dans le nez et à l’arrière du fuselage. L’appareil reposait sur un train d’atterrissage tricycle et des volets hypersustentateurs rétractables sur toute l’envergure, volets appelés « volets Zap » du nom de l’ingénieur Edward Zap travaillant chez Northrop. L’avion était gros, comme Northrop l’avait prévu. Bien plus gros et plus lourd que les bombardiers bi, tri, quadrimoteurs voire plus, en production à l’époque.

 

Une longueur de près de 14 mètres (45 pieds et 6 pouces), une envergure supérieure à 20 mètres (66 pieds) et une masse maximale en charge projetée de l’ordre de 10 tonnes (22 600 livres) étaient des caractéristiques sans précèdent pour un chasseur, inacceptables voire complètement délirantes pour la majorité des spécialistes de l’époque.

 

La proposition 8A de Northrop (NS-8A) fut formellement présentée à l’Air Army Material Command de Wright Field le 5 décembre 1940. Quelques ajustements plus tard, cette proposition rencontra l’assentiment de l’USAAC et Northrop reçut une commande le 17 décembre ; un contrat pour deux prototypes et deux maquettes de soufflerie, pour un montant de 1 367 000 dollars maximum, suivit le 10 janvier 1941. Par décision du DoD (Département de la Défense), la proposition NS-8A devint le projet XP-61.

 

 

 

Il emportait un équipage de trois hommes : pilote, mitrailleur et opérateur radar. Il était armé de quatre canons Hispano M2 de 20 mm, deux dans chaque aile et de quatre mitrailleuses Browning M2 de 12,7 mm disposées horizontalement (les deux centrales légèrement surélevées) dans une tourelle dorsale télécommandée. La tourelle était pilotée par un calculateur de tir à gyroscope General Electric GE2CFR12A3 et pouvait être commandée par le mitrailleur ou par l’opérateur radar, chacun disposant des commandes de tir et d’un collimateur gyroscopique sur leurs sièges pivotants.

 

Les deux moteurs en étoile Pratt & Whitney R-2800-25S Double Wasp, montés chacun approximativement au sixième de l’envergure, étaient suralimentés par des compresseurs mécaniques double-étage à deux vitesses. Les logements de train d’atterrissage du train principal étaient situés sous les nacelles, juste derrière les moteurs. Le train principal se déployait vers l’avant et se repliait vers l’arrière, les compas de guidage étant dirigés vers l’avant. Chaque roue était tournée vers l’intérieur de la jambe du train d’atterrissage. Les portes de chaque train principal étaient en deux pièces de tailles égales, avec un joint de fermeture longitudinal, et articulées sur les bords extérieurs des logements du train.

 

Chaque capot-moteur et nacelle se prolonge vers l’arrière en une poutre qui se termine en une large dérive et une gouverne de direction en forme de triangle rectangle, le bord d’attaque de la dérive présente un angle de 37 degrés par rapport à la verticale. L’empennage horizontal est disposé entre les deux dérives et présente une corde, gouverne de profondeur comprise, approximativement égale aux trois-quarts de la corde de l’aile mesurée à l’emplanture. La gouverne de profondeur représente un tiers environ de la largeur de l’ensemble plan fixe-gouverne, vue du dessus, la gouverne de profondeur présente une forme rectangulaire. Le stabilisateur horizontal et la gouverne de profondeur sont assemblés de façon à être très aérodynamiques.

 

Les nacelles moteurs sont situées aux extrémités du caisson central de voilure, lequel présente un dièdre positif de 4 degrés et est prolongé par le reste de l’aile qui présente un dièdre de 2 degrés. Le bord d’attaque de l’aile est droit et perpendiculaire à l’axe de l’avion. Le bord de fuite est droit et parallèle au bord d’attaque par rapport au caisson central puis présente une flèche de 15 degrés après la nacelle. Les prises d’air d’alimentation des moteurs se situent sur les bords d’attaque à quelques dizaines de centimètres de part et d’autre des nacelles moteurs. La forme de ces prises d’air est similaire à celle du F4U Corsair (rectangulaires avec les extrémités semi-circulaires) avec, à l’intérieur, de multiples aubages pour canaliser le flux d’air.

 

En plus des « Zap flaps », volets rétractables sur toute l’envergure, le contrôle de l’avion en roulis était confié à des destructeurs de portance d’approximativement 3 mètres (10 pieds) de long et de 15 cm (6 pouces) de large chacun couplés à 2 petits ailerons placés à l’extrémité du bord de fuite en bout d’aile. Ils sont situés à l’extérieur de chacun des fuseaux-moteurs. Leur fonctionnement est le suivant : le destructeur de portance ou spoileron situé dans l’aile se tourne vers la surface supérieure de l’aile, ce qui modifie le flux d’air et diminue la portance par réduction locale de la vitesse d’écoulement.

 

 

Le fuselage principal, centré sur l’axe de symétrie de l’avion, de la pointe du nez à la pointe du cône terminal, présente une longueur d’environ 5/6 de la longueur d’une aile (de l’emplanture au bord marginal). Le nez abrite un radar General Electric SCR-720A, version améliorée du radar Signal Corps SCR-268. Juste derrière le radar se trouve le compartiment avant de l’équipage : le pilote et le mitrailleur, surélevé d’environ 15 cm (6 pouces) par rapport au pilote. La verrière, de type « serre de jardinier », à multiples montants, comprenait deux niveaux marqués ; un pour le pilote et l’autre pour le mitrailleur décalé en hauteur et vers l’arrière. Avec la surface supérieure du nez, à peu près plate, cette verrière à deux échelons donnait à l’avant du fuselage un profil à trois marches peu élevées. Sur le XP-61, la verrière avant comprenait des parties en Plexiglas thermoformé devant le pilote et le mitrailleur, et des parties à montants pour le dessus et les côtés du cockpit.

 

 

Sous le compartiment avant de l’équipage se trouve le train d’atterrissage avant, c’était aussi l’accès à l’avion pour le pilote et le mitrailleur.

 

La jambe de l’atterrisseur avant se rétractait vers l’arrière, contre un panneau spécialement formé qui, pendant le vol, fermait le plancher du cockpit ; l’atterrisseur n’avait pas la place de se rétracter si ce panneau n’était pas fermé. Le compas de guidage était tourné vers l’avant. La roulette avant était centrée avec la contrefiche sur la gauche. La roulette avant était d’un diamètre approximativement égal aux 2/3 du diamètre des roues principales. Il y avait deux portes pour le train avant, symétriques, le joint de fermeture longitudinal, les portes articulées sur les bords extérieurs du logement de train.

 

 

La partie centrale du fuselage abritait, entre autres, le longeron principal de la voilure, les réservoirs de carburant, les systèmes d’alimentation et leurs systèmes de contrôle ainsi que les câbles des commandes de vol, les commandes des moteurs et du pas des hélices, la radio et l’IFF mais surtout le bâti de la tourelle dorsale ainsi que ses systèmes de commande en rotation et en élévation ; les magasins de munitions pour les quatre mitrailleuses lourdes Browning M2 de 12,7 mm (0,50 pouce) de calibre, le calculateur de commande gyroscopique de tir GE2CFR12A3, ainsi que les liaisons vers les consoles de tir du mitrailleur et de l’opérateur radar, respectivement vers l’avant et vers l’arrière.

 

 

 

À l’arrière du fuselage se trouvait le poste de l’opérateur radar, on y accédait par une petite trappe munie d’une échelle, située sous l’appareil. Les commandes et les écrans de visualisation du radar SCR-720 étaient situés dans le compartiment arrière, isolé du reste de l’avion.

 

Des systèmes de radio, d’intercom et de commandes et de contrôles de la tourelle télécommandée y prenaient place également. La verrière du compartiment arrière suivait la ligne générale de la verrière avant, à part qu’elle ne comprenait qu’un seul échelon arrondi. L’arrière du fuselage était constitué d’une verrière effilée en plexiglas. Se raccordant au fuselage de section rectangulaire, ce cône terminal présentait une section un peu plus importante vue de côté que vue de dessus, ce qui donnait, vu en perspective, l’impression d’une « lame » arrondie.

 

 

La section transversale du fuselage était rectangulaire, orientée verticalement, sur sa plus grande partie. La pointe du nez, très ronde, se raccordait rapidement sur la section rectangulaire du fuselage ; puis la section transversale du fuselage s’arrondissait franchement sous le logement du train et le poste de pilotage. La hauteur augmentait à chaque échelon de la verrière avant, le second échelon étant au niveau du dessus du fuselage (sans compter la tourelle). À l’arrière du compartiment avant de l’équipage, la section transversale augmente fortement vers le bas jusqu’à un point, situé entre l’arrière du compartiment avant et l’avant du compartiment arrière, à partir duquel la forme arrondie sous le fuselage commence à diminuer.

 

La section transversale des fuseaux-moteurs était principalement circulaire, s’agrandissant et diminuant depuis les capots, les ailes et les logements de train jusqu’aux poutres arrières et les dérives. Un renflement sur le dessus des ailes maintenait une section transversale circulaire aux intersections ailes-nacelles. La section transversale prenait alors une forme légèrement en œuf au droit des logements de train, plus large en bas mais toujours arrondie. Un renflement oblong sur les portes du train principal permettait de loger la roue principale quand le train était rentré.

 

Les bords marginaux, les raccords ailes-nacelles, les bords des stabilisateurs et des gouvernes (sauf l’empennage horizontal et la gouverne de profondeur) étaient très bien arrondis et profilés, proprement raccordés. L’avion ne présentait que très peu d’angles ou de bords anguleux ; aérodynamiquement parlant, le dessin de cet avion était très net, ses lignes fluides.

 

Développement du XP-61

 

L’Air Corps se rendit chez Northrop le 2 avril 1941 pour inspecter la maquette d’aménagement du XP-61 ; plusieurs modifications furent demandées à l’issue de l’inspection. La plus importante fut le changement de position des 4 canons Hispano de 20 mm depuis les portions extérieures des ailes (au-delà des nacelles moteurs) vers le ventre du fuselage central où ils furent regroupés juste derrière le logement de train avant. Avec les canons assez proches les uns des autres, centrés par rapport à l’axe de l’avion, superposés par paires, les canons supérieurs légèrement en débord, cette disposition permet d’éliminer les problèmes dus à la convergence des armes.

 

 

La convergence des armes est obligatoire pour les avions avec les armes montées dans les ailes. La convergence consiste à faire croiser le tir des différentes armes avec l’axe de l’avion, en un ou plusieurs points, à une distance et une élévation données, afin d’éviter la « zone de sécurité » qu’on aurait à l’avant de l’avion si ces armes tiraient chacune droit devant. Les projectiles tirés au-delà du point de convergence se dispersent derrière la cible et la ratent de loin. Ceux tirés sur un objectif en deçà, soit passent autour, soit ne touchent pas la cible de façon suffisamment concentrée pour infliger un maximum de dégâts. Dans les deux cas, la portée efficace des canons est limitée à une zone très étroite autour d’une distance donnée, ce qui amène des problèmes supplémentaires pour le calcul de la déflexion lors du tir sur une cible mobile. Mais sans ce problème de la convergence, la visée est plus rapide et plus facile et les canons regroupés créaient un véritable flux de projectiles de 20 mm. Retirer des ailes les canons et les munitions permit également d’épurer l’aérodynamique des surfaces portantes et d’augmenter la capacité interne en carburant de 2 044 à 2 441 litres (de 540 à 645 gallons).

 

 

D’autres modifications furent de prévoir des points d’accrochage sous voilure pour des réservoirs extérieurs largables, des pare-flammes sur les échappements, et de revoir la disposition de quelques équipements de radio. Alors que toutes ces modifications furent bénéfiques, spécialement la nouvelle disposition des canons, elles entraînèrent un mois de délai supplémentaire, alors que le XP-61 était déjà en retard sur le planning. Pendant l’été 1941, on s’aperçut que la tourelle dorsale prévue était vraiment très difficile à installer, la tourelle General Electric à anneau fut remplacée par un système à embase comme les tourelles dorsales des B17, B-24, B25, A-20 et autres bombardiers. À la suite de ces modifications, la tourelle proprement dite n’était pas disponible, car les avions opérationnels – les B-29 en l’occurrence – étaient prioritaires sur les appareils expérimentaux pour les livraisons de cet organe très demandé. Pour les essais en vol, on installa une tourelle factice.

 

Le radar SCR-720

 

 

Le modèle de production du SCR-720 comportait un émetteur-récepteur radar dans le nez de l’avion ; dans le mode «interception aérienne», il avait une portée de 5 milles. L’appareil pouvait également fonctionner comme balise-radio embarquée, système de guidage, aide à la navigation ou en collaboration avec les transpondeurs IFF. L’opérateur radar du XP-61 localisait les cibles sur son écran, calait son appareil pour suivre leurs trajectoires puis renseignait, par l’intercom, le pilote avec les corrections de cap et de trajectoire nécessaires. Une fois la cible approchée, le pilote utilisait un écran plus petit, intégré dans le tableau de bord, pour s’approcher au plus près.

 

 

La tourelle rotative du XP-61 pouvait être manœuvrée par n’importe lequel des trois hommes d’équipage ou pouvait être verrouillée vers l’avant pour ajouter sa puissance de feu à celle des quatre canons de 20 mm. L’opérateur radar pouvait tourner la tourelle vers l’arrière pour engager des cibles se présentant par l’arrière de l’appareil. Capable de 360 degrés en rotation et de 90 degrés en élévation, elle couvrait toute la demi-sphère au-dessus du XP-61.

 

Caractéristiques générales du Northrop P-61 Black Widow

 

- 2 Moteurs Pratt Whitney R-2800-65 2 X 2000 ch.

- 590 Km/h

- 4 Canons 20 mm 4 mitrailleuses 12.7 mm 2900 kg de bombes

- 5260 Kg en charge

- 10100 m de plafond pratique

- 4830 km en distance franchissable

- 3 hommes

 

Camouflage

 

 

La série P-61A  était d’usine peinte dans le standard US « olive drab » (2/3 de toute la zone visible du dessus) et « neutral grey » pour le 1/3 inférieur jusqu’à la version A-10, la première à recevoir le camouflage noir caractéristique visant à parfaire son « invisibilité » dans ses missions nocturnes.

 

Un certain nombre d’avions précédents furent repeints sur les terrains. Une peinture en noir mat fut rapidement jugée insatisfaisante, s’écaillant rapidement et ne dissimulant pas suffisamment l’avion dans les projecteurs de la défense anti-aérienne ennemie.  Ce n’est qu’à partir de la série P-61B que fut adoptée la peinture noire brillante « glossy black », la plus adaptée par ses reflets pour « fondre » l’avion sur le ciel étoilé.

 

 

Avec ce camouflage lisse de peinture noire, le P- 61, conçu d’emblée comme un chasseur de nuit fut un ennemi mortel dans l’obscurité pour les avions japonais tellement son approche était invisible. Au passage, le nom de « Black Widow » n’a rien à voir avec la couleur dominante du P-61 mais renvoie à l’araignée « Veuve noire » !

 

 

Modifications opérationnelles

 

Le 425th Night Fighter Squadron déplaça l’opérateur radar de l’arrière du fuselage à la place laissée libre par le retrait du mitrailleur derrière le pilote. Cette disposition augmentait les chances de contact visuel avec l’ennemi. La masse ainsi gagnée augmenta toutes les performances de l’avion.

 

Plus puissant et plus lourd chasseur de la Seconde Guerre mondiale, le P-61, étrange avion à l’aspect menaçant, était en fait facile à piloter et étonnamment agile même face à de petits chasseurs. Plus qu’un bimoteur bipoutre puissant par sa taille, le Black Widow était réellement un avion de chasse au score impressionnant, déployé essentiellement dans les escadrons de chasse nocturne (NFS – Night Fighter Squadrons) du Pacifique même s’il est arrivé tardivement en 1944 sur les théâtres d’opérations. En Europe, il a ainsi surgi à une époque où les bombardiers de l’Axe ne se risquaient finalement plus guère au-dessus des territoires tenus par les Alliés. Dans le ciel anglais, le P-61 faisait partie des rares avions capables de rattraper et détruire les V-1 allemands !

 

Les variantes du P-61

 

1. XP-61  – Les deux premiers prototypes.

2. YP-61 – Les exemplaires de pré-production : 13 exemplaires.

3. Les P-61 A

 

A-1 – Première version de production, moteurs R-2800-10, 2000 ch. : 45 exemplaires, les 7 derniers appareils construits sans la tourelle.

A-5 – Pas de tourelle, moteurs R2800-65 produisant 2.250 ch. : 35 exemplaires.

A-10 – Système d’injection d’eau pour augmenter la durée possible à la puissance maximale : 100 exemplaires.

A-11 – Un point d’accrochage sous chaque aile pour des bombes ou des réservoirs supplémentaires : 20 exemplaires.

 

4. Les P-61 B

B-1 – Nez allongé de 20,3 cm (8 pouces), radar de surveillance dans la queue SCR-695 : 62 exemplaires.

B-2 – Réinstallation de points d’accrochage comme sur le P-61A-11 : 38 exemplaires.

B-10 – Quatre points d’accrochage sous voilure : 46 exemplaires.

B-11 – Réinstallation de la tourelle avec quatre mitrailleuses de 12,7 mm (0.50) : 5 exemplaires.

B-15 – Tourelle avec quatre mitrailleuses de 12,7 mm (0.50) : 153 exemplaires.

B-16 – Armement de la tourelle réduit à deux mitrailleuses : 6 exemplaires.

B-20 – Nouvelle tourelle General Electric munie de quatre mitrailleuses : 84 exemplaires.

B-25 – Tourelle pointée et déclenchée automatiquement par un radar de conduite de tir APG-1 : 6 exemplaires.

 

5. Les P-61 C

 

Moteurs turbocompressés R-2800-73 produisant 2 800 ch. (2 090 kW), vitesse maximale portée à 374 nœuds (692 km/h, 430 mph) à 30 000 pieds (9 145 m). Néanmoins, l’appareil souffrait d’instabilité longitudinale pour une masse supérieure à 15 875 kg (35 000 livres) et de distance de décollage trop élevée ; jusqu’à 5 556 m (3 milles) pour une masse au décollage de 18 143 kg (40 000 livres). 41 exemplaires construits, la commande pour 476 exemplaires supplémentaires fut annulée après la fin de la guerre.

 

6. Les variantes

TP-61C – P-61C converti en avion d’entraînement à double commande.

XP-61D – Un P-61A-5 (numéro de série 42-5559) et un P-61A-10 (numéro de série 42-5587) équipé de moteurs turbocompressés R-2800-14, programme annulé quand le P-61C entra en production.

XP-61E – Deux P-61B-10 (serial 42-49549 et 42-39557) convertis comme escorteurs de jour à long rayon d’action. L’équipage était disposé en tandem sous une verrière monobloc posée à la place de la tourelle, un réservoir additionnel était installé à la place de l’opérateur radar à l’arrière du fuselage et quatre mitrailleuses de 12,7 mm (0.50) prenaient la place du radar dans le nez de l’avion et les quatre canons de 20 mm disposés sous le fuselage étaient conservés. Premier vol le 20 novembre 1944, programme annulé après la fin de la guerre. Le premier prototype fut converti en XF-51, le second perdu lors d’un accident en 1945.

 

XP-61F – Conversion analogue à celle du XP-61E mais à partir d’un unique P-61C (serial 43-8338).

P-61G – 16 P-61b furent convertis à la recherche météorologique.

F-15A Reporter – Variante de reconnaissance photographique avec un nouveau fuselage central abritant le pilote et l’opérateur caméra disposés en tandem sous une simple verrière bulle et six caméras à la place du radar dans le nez. Propulsé par deux moteurs turbocompressés R-2800-73 comme le P-61C. Le premier prototype XP-15 fut obtenu par la conversion du premier prototype XP-61E et le second XF-15A fut issu de la conversion d’un P-61c (numéro de série 43-8335). L’appareil présentait une masse au décollage de 14 580 kg (32.145 livres) et une vitesse maximale de 382 nœuds (708 km/h, 440 mph). Seulement 36 des 175 commandés furent construits avant la fin de la guerre. Après la création de l’US Air Force en 1947, les F-15A furent renommés en RF-61C, Les F-15A furent à l’origine de la plupart des cartes de la Corée du Nord au début de la guerre de Corée.

F2T-1 – Deux P-61A testés par l’US Navy.

Dossier, recherches : Erick Fechner

Montage pour le diorama : Northrop P-61 « Black Widow »

Avril 2017