La logistique de l’aérodrome de Dinard (FR) pendant la guerre

Par D. Dahiot, Ph. Dupont, L. Pottier, G. Tomezzoli

 

1. Introduction

 

Comme il est connu plusieurs groupes de la Luftwaffe se sont alternés sur l’aérodrome de  Dinard pendant la guerre go

Le Kampfgeschwader 28 Stab, formé à Jesau le Septembre 1939, présent sur l’aérodrome du 06/40 au 07/40 et armé de He 111;

Le Sturzkampfgeschwader 3 Stab, formé à Dinard le 09/07/1940, present à Dinard du 09/07/40 au 12/40 et armé de Ju 87 B;

Le Kampfgeschwader 27 "Boelke", II. Gruppe,  formé à Hannover-Langenhafen le 01/05/1939, présent à Dinard du 03/41 au 06/41 et armé de He 111 H;

Le Aufklärungsgruppe 121, 3.(F)/121, (probablement formé par chasseurs et avions de reconnaissance) present à Dinard de 10/40 au 05/41;

Le Küstenfliegergruppe 106, formé à Nordeney, en 1937, present à Dinard du 02/42 au 09/42 et armé de Ju 88A;

Le Kampfgeschwader 6 , II.Gruppe, formé à Dinard le 01/09/42, present à Dinard  du 01/09/42 au 11/42 et armé de  Ju 88 A;

Le Nahaaufklärungsgruppe  13, I. und II. Staffel, formés le 01/10/42, present à Dinard du 08/43 au 12/06/44,et armés de Fw 190 et Bf 109.

Bien que normalement l’attention du public et des historiens soit prise par les actions de combat des ces groupes aériens, pour nous a été  de grande intérêt la reconstruction de plusieurs aspects concernant la logistique de l’aérodrome, c’est à dire : le ravitaillement en essence et eau, les hangars, l’acheminement des munitions et matériaux .

 

2. Les sources d’information

 

Selon le témoignage à M.er Pottier, en Juin 1940, 24 heures avant l’arrivée du gros de la troupe, trois soldats allemands motocyclistes (voir aussi [1], page 32 ; [2], page 42) vinrent dans la Greve de Grandes-Rivières dans le Commune de La Richardais pour prendre possession de deux chalands citerne à essence qui, pour des raisons de sécurité, y avaient été conduites depuis le port  de Saint-Malo. Il est probable que, déjà, cette essence servit au ravitaillement des avions allemands faisant escale à l’aérodrome de Dinard-Pleurtuit.

 

La décision ayant été prise très rapidement de transformer cet aérodrome civil en aérodrome militaire, une compagnie de « rampants » de la Luftwaffe vint, en Octobre 1940, établir  ses quartiers a La Richardais : les officiers et les sous-officiers dans des maisons particulières, la troupe dans des baraques installés en plein bourg (deux en bordure de l’actuelle rue de Dinard, deux en bordure de l’actuel Chemin de la Greve). Leur rôle était de surveiller l’aérodrome et ses autours. La Kommandantur de la place établit son siège dans la villa Ker Edy (actuellement « Les trois Fontaines »). Les militaires chargés de l’administration de l’aérodrome occupaient la villa « Les Genêts » (en bordure de la Greve des Grands-Rivières) appartenant a M.er Pierre Renouien, doyen de la Sorbonne.

 

Afin d’assurer le ravitaillement en essence de l’aérodrome, les Allemandes remirent en fonctionnement le terminal pétrolier des Talards dans le port de Saint Malo (Rive droite) et utilisaient une douzaine de chalands automoteur à citerne dont : Esso_Naphta I et II, Mariethèrèse, Chantilly, Galem et Molan. [3], déjà présents à Saint Malo depuis Juin 1940. A l’endroit même ou ils avaient, en Juin 1940, saisi les deux chalands citerne qui s’y trouvaient, ils construiraient une passerelle métallique (Figs. 1, 2) pour débarquer l’essence. Chaque chaland faisait le plein de ses soutes aux réservoirs des Talards à Saint Malo ou au Havre, sortait du port, remontait la Rance et venait se ranger, a marée haute à la passerelle. De la, l’essence était transbordée, par des tuyaux installés sur la passerelle et une station de pompage à terre, sur des camions-citernes stationnant sur la départementale 114.

 

Fig. 1 : passerelle métallique et chaland citerne dans la Greve des Grands-Rivières

 

 

La compagnie de « rampants » de la Luftwaffe quitta La Richardais en Octobre 1942 pour le front russe. Peu après, elle fut remplacé par l’Organisation Todt chargé de construire les blockhaus du Mur de l’Atlantique (8 casemates sur le territoire de La Richardais). En Janvier 1944, La Richardais eut l’occasion de recevoir la visite du général Rommel venu inspectionner les chantiers. Une compagnie d’artilleurs, assai hétéroclite dans sa composition puisqu’elle comprenait des Italiens, des Polonais et des Ukrainiens, prit ainsi la relève de la Luftwaffe. Elle y demeura presqu’aux combats de la Libération.

Mais il y avait déjà longtemps que l’aérodrome avait cessé d’être un aérodrome militaire important (des 1943, de nombreux avions en bois stationnaient sur les pistes pour donner aux aviateurs alliés l’illusion d’une occupation militaire importante).  

 

Fig. 2 : chalands accosté à la passerelle

 

Selon le Rapport N° 2 du Ministère de L’Air de l’Avril 1946 [4], sur l’aérodrome il y avait, à la fin de la guerre, les installations suivantes :

2 Pistes : 1° 1700 x 60 en ciment, or. 168° 30’ ; 2° 1500 x 80 en ciment, or. 112° 30’ ;

nombreuses pistes de circulation en ciment ;

Equipement radioélectrique : gonio entièrement détruit ;

Ravitaillement :  2 châteaux d’eau ; Essence, Huile : néant ;

Installations : bâtiments et casernement : 14 baraques pouvant abrites 600 hommes ; une baraque utilisé par 50 civils (Bois Chauchard) ;

Hangars : 12 en bois – détruits ; 5 métalliques – détruits ;

Utilisateurs : sans utilisateurs au 20.12.44.

 

Les Vestiges

 

Plusieurs visites ont été conduites sur le site de l’aérodrome et aux alentours qui nous ont permit d’identifier des vestiges d’ouvrages mentionnés par M.er Pottier et par ledit Rapport. Les vestiges de la passerelle métallique ont été localisés par M.er Ph. Dupont pendant une de ses promenades à la Richardais. Comme il est visible dans les Figs.3-5 seulement une grande pierre rectangulaire (cf. Fig. 3), les soubassements de deux pilonnes  intermédiaires (cf. Fig. 4) et le soubassement du pilon terminal (cf. Figs. 5, 6) de la passerelle sont visibles. Les dimensions de ladite pierre sont environ 1.5 x 0.5 m, la largeur des soubassements des pilonnes intermédiaires et terminal est 1.5 m et la distance entre lesdites soubassements est d’environ 8 m. La Fig. 6 montre la vision d’ensemble de la passerelle : sur la gauche est visible la possible position de la station de pompage prés de la départementale 114 derrière les arbres, et sur la droite (voir aussi la Fig. 1), entre les arbres, la villa « Les Genêts » siège de l’administration de l’aérodrome.

 

Fig. 3 : passerelle - pierre (1.5 x 0.5 m) côté terre et soubassement du pilon terminal

 

Fig. 4 : passerelle - soubassements des pilonnes intermédiaires et terminal

Fig. 5: passerelle - soubassement d’un pilon intermédiaire et du pilon terminal

 

Fig. 6 : passerelle - vision d’ensemble ver la terre (48° 36’ 36 N ; 002° 01’ 59 W)

 

Les endroits (1) – (10) sur le terrain de l’aérodrome, objets des nôtres visités, sont montrés dans la Fig. 7. Les Figs. 8-11, correspondantes à l’endroit (1) montrent  respectivement une surface de stationnement en ciments pour avions, un alvéole sans murs de protection prés de ladite surface, indiqué comme détruit dans le Rapport, et des détails des pistes de circulation.

 

Fig. 7 : plan général de l’aérodrome [4]

 

Fig. 8 : surface de stationnement en ciment pour avions (48° 35’ 18 N, 002° 04’ 19 W)

 

Fig. 9 : alvéole sans murs de protection

 

Fig. 10 : piste de circulation en ciment – détails

 

Fig. 11 : piste de circulation en ciment - détails

 

Des ruines d’hangars sont été repérés dans les endroits (2), (3), (4), (5). La Fig. 12 montre le restes du premier hangar qui ne semble pas être indiqué dans le Rapport (cf. Fig. 7). Probablement à cause de la construction d’une route derrière les arbres (cf. Fig. 12) seulement deux portions des murs de protection et de soutien de la voute métallique avec couverture en toile ciré, déplacés de 20 m,  sont préservés. La portion supérieure du mur sur la gauche en Fig. 12 montre quatre soubassements de la voute métallique disparu.

 

Fig. 12: restes du premier hangar (48°35’23N, 2°05’44W)

 

Le deuxième hangar, d’environ 20m x 20m, montré dans les Figs. 13-16 se trouve à l’endroit (3) à l’ouest des pistes (48°35’14 N, 002°05’31 W). Il est constitué d’une surface en ciment, d’un mur de protection vers le sud (cf. Fig. 13) long de 20 m., et un mur de protection vers le nord partiellement couvert par la végétation (cf. Fig. 14) long d’environ 16-18 m.. Les deux mur, déplacées de 20 m, ont section triangulaire et ne présentent aucuns soubassements pour une voûte métallique. Près du mur nord (cf. Figs. 15, 16) sont disposés quatre blocks en béton (30 x 50 cm) d’usage inconnu. Bien qu’indiqué comme détruit dans le Rapport, l’alvéole ne present aucun signe de dommages evidents.

 

Fig. 13 : deuxième hangar - mur sud                   Fig. 14 : intérieur de l’hangar

 

Fig. 15 : hangar - mur nord et deux blocks           Fig. 16 : plan de l’hangar

 

La Fig. 17 montre une vision d’ensemble des restes du troisième hangar (35 x 20 m) submergé par la végétation. Il s’agit d’un hangar fermé sur trois côtés par murs de protections. Les murs au sud et au nord (cf. Figs. 18, 19) montrent des soubassements pour une voûte métallique différents par rapport aux soubassements du premier hangar. Comme dans le cas du premier hangar il est possible que la voûte métallique a disparu après la guerre. À côté du mur sud il y à un block en ciments d’environ 3m de longueur d’usage inconnu.

 

 

Fig. 17 : troisième hangar vision d’ensemble, à gauche le mur sud et a droite le mur nord

 

Fig. 18 : mur sud du troisième hangar - détails

 

Fig. 19 : mur nord du troixième hangar - détails

 

Fig. 20 : mur sud et block en ciment                  Fig. 21 : plan du troisième hangar

 

Le quatrième hangar (48°35’16 N, 002°05’25 W), à l’endroit (5), est en effet (cf. Figs. 22-25) une surface en ciment, partiellement envahi par la végétation, entouré d’un mur d’environ 60 cm d’hauteur. Sur le mur aucun soubassement pour une voûte métallique, donc l’usage de cette construction n'est pas connu.

 

Fig. 22 : quatrième hangar – entrée                   Fig. 23 : vision vers l’ouest et l’entrée

 

Fig. 24 : vision vers l’est                                    Fig. 25 : plan du quatrième hangar

 

Le stand de tir à l’endroit (6) n’est plus reconnaissable parce qu’il est couvert par un champ de blé.

 

Pas loin du troisième hangar et du stand de tir, à l’endroit (7), les allemands ont bâti une plateforme longue de 50 m, large de 15 m et haute environ 1.50 m montré dans les Figs. 26-30, vraisemblablement pour décharger ou charger munitions et matériaux et les acheminer au  parc à munitions de la Ville Boterel à l’endroit (8), ou directement sur le terrain de l’aérodrome. Le fait qu’un chemin de fer n’est pas mentionné dans ledit Rapport et que les traces d’un chemin de fer n’ont pas été repérées autour de la plateforme, fait penser que munitions et matériaux arrivaient à la gare voisine de Pleurtuit, et étaient amenés par camions à la plateforme. Selon le témoignage à M.er Demalvilain [5], les bombes pour les missions des bombardiers étaient transportées chaque nuit du dépôt à munitions de Lanhélin distant d’environ 20 Km de Dinard. En un seul point (cf. Fig. 30), la  plateforme montre un endommagement important. Les petits bunkers dudit parc à munitions montrés dans le Rapport ne sont plus visibles.

 

Fig. 26 : plateforme - rampe d’accès nord         Fig. 27 : plateforme - rampe d’accès sud

 

Fig. 28 : plateforme vision ver le sud – à droite terrain du Parc à munitions de la V. Boterel

 

 

Fig. 29 : plateforme vision ver le nord – à gauche terrain du Parc à munitions de la V. Boterel

Fig. 30 : plateforme – détail de l’endommagement et de la structure interne de la plateforme

 

À l’endroit (9), prés d’une entrée au nord de l’aérodrome, se trouve un soubassement carré (cf. Fig. 31) d’environ 4m de côté probablement fondation d’une petite baraque.

 

Fig. 31 : soubassement carré prés d’une entrée au nord de l’aérodrome

 

Sur la gauche dudit soubassement s’ouvre un chemin dans la végétation (cf. Fig. 32) repéré par M.er Dupont. Sur le côté gauche dudit chemin se trouvent un abri (cf. Fig. 33) de 8 x 4 m avec un mur de protection sur trois côtés haut de 1.50 m et 30 cm d’épaisseur, vraisembablement pour abriter un camion, et une plateforme de 2 x 3 m (cf. Fig. 34) en ciment sur trois soutiens d’usage inconnu, et sur la côté droite trois autres plateformes de 2 x 3 m et un autre abri 8 x 4 m pour un autre camion. Bien que pas sure, l’hypothèse est que dans cette position se trouvait un post de pompiers de l’aérodrome. A la fin dudit chemin, à environ 100 m sur la droite se trouvent les deux châteaux d’eau (cf. Fig. 35) de l’aérodrome mentionnés dans le Rapport et encore en fonction.

 

Fig. 32 : chemin dans la végétation                     Fig. 33 : abri 8 x 4 m pour un camion

 

Fig. 34 : plateforme 2 x 3 m d’usage inconnu       Fig. 35 : châteaux d’eau de l’aérodrome

 

Concernant le post gonio mentionné dans le Rapport, nous pensons qu’il se trouvait à l’endroit (10), au Bois Pertuit (cf. Fig. 36) distant environ 3 Km au nord-ouest de l’aérodrome ou plusieurs sources [6], [7], signalent la présence de huit bunkers A – H et sept antennes Y-Peilers, si bien qu’une localisation plus au sud, à l’endroit (11), entre les pistes de l’aérodrome, ou après la guerre a été installée une balise, n’est pas exclu. Le lieu à été visité par M.er Dupont. Les bunkers sont de différentes versions du type VF, environ de 5 x 5 m, avec deux chambres internes d’environ 2 x 4 m² et 3 x 4 m². Presque tous les bunkers présentent sur une de leurs parois (cf. fig. 37) une ouverture de 20 x 20 cm d’usage inconnu. Le bunker A présente de traces de dommages dues aux combats. Le bunker B (cf. Fig. 38) est partiellement submergé par la végétation. Le bunker D (cf. Figs. 39, 40) présente une ouverture carrée d’usage inconnu, le bunker G (cf. Fig. 41) est  sérieusement endommagé, le bunker C (cf. Fig. 42) est couvert parla végétation  et le bunker E (cf. Fig. 43) enseveli dans le terrain. Sur le terrain aucun emplacement pour antennes n'a pas été repéré.

 

Fig. 36 : bunkers A – H du Bois Pertuit       Fig. 37 : bunker A, ouverture 20 x 20 cm

 

Fig. 38 : bunker B, ouverture 20 x 20 cm          Fig. 39 : bunker D, première ouverture

 

Fig. 40 : bunker D, ouverture 20 x 20 cm           Fig. 41 : bunker G, détails

 

Fig. 42 : bunker C                                              Fig. 43 : bunker E, détails

 

La Fig. 32 montre un groupe de 25 ouvriers du S.T.O. (Service du Travail Obligatoire) requis (cf.  aussi [8], page 62, témoignage à M.r Boucard), photographiés sur le terrain de l’aérodrome. A droite du groupe une draisine.

 

Fig. 44 : groupe ouvriers du S.T.O sur le terrain de l’aérodrome.

 

Sources :

[1]  Dupont Philippe; Tomezzoli Giancarlo,

Die Flak-Batterie Kerziou bei Brest

in: DAWA Nachrichten, Heft 50, Seiten 32-40,

DAWA, Köln 2007, ISSN 1431 - 4541, ISBN 3-931032-69-8 

[2]  Dupont Philippe; Tomezzoli Giancarlo,

Dinard im Zweiten Weltkrieg – persönliche Erinnerungen,

in: DAWA Nachrichten, Heft 52, Seiten 42-53,

DAWA, Köln 2008, ISSN  1431 - 4541 , ISBN 978-931032-52-4 

[3]  Brichet Olivier; Leyle Eric

La Marine Allemande à Saint Malo 1940-1944

Editions du Phare, Cancale, Juin 2001 

[4]  Ministère de L’Air, Direction des Installations & Travaux, Bureau « Terrains »

Dinard – Pleurtuit, Edition N° 2, Avril 1946 

[5] http://pagesperso.orange.fr/memoiredeguerre/biogr/demalvilain/demalvilain.htm 

[6] http://www.atlantikwall.info/radar/France/rf_.htm#Bretagne_Nord 

[7] http://www.absa39-45.com/stations%radars/bois_pertuit.html 

[8]  Dupont, Philippe; Fresil Yannick, Tomezzoli, Giancarlo

Deutsche Militärbauten bei Rennes

in: DAWA Nachrichten, Heft 49, Seiten 56-66

DAWA, Köln 2007. ISSN 1431 - 4541, ISBN 3-931032-71-X 

[9] Images 1, 2, 44: Archive M.r L. Pottier 

[10] Images 3-43: Archive M.r G. Tomezzoli.