UN AVION TOMBE A LOUVIGNÉ

 

En 1944, des soldats allemands étaient cantonnés à Louvigné-du Désert. Ils occupaient les locaux de l'Ecole Notre-Dame eux de la Folletière. Là, ils avaient installé une pièce de D.C.A. (Défense Contre Avions). A l'école Saint-Joseph, ils avaient la Kommandantur.

Vers le 15 Juin 1944(erreur dans la date), entre I5 et 16 heures, plusieurs personnes discutent dans la cour de la ferme de la Cormerie : Germaine MALLE, la fermière, Monsieur et Madame PIGEON, ses parents, Madame Berthe CAVRET venue chercher des bouteilles de cidre accompagnée de Raymonde AZORNE, 13 ans et le commis de la ferme Joseph LERAY, I6 ans.

Des bruits de moteur d'avion ..... des claquements de mitrailleuse .... un sifflement strident .... Les yeux se lèvent vers le ciel. Un avion duquel s'échappent des traînées de fumée noire, perd rapidement de l'altitude, disparaît au-delà du taillis de Villeneuve (défriché aux environs de 1956) en direction de la Justais. Un autre avion décrit une courbe vers Landivy.

Raymonde attire l'attention des autres : Regardez ! Un parachute ! " En effet, une masse blanche est suspendue dans le ciel, il descend lentement, grossissant peu à, peu. I1 leur semble qu'il va tomber dans le taillis.

Joseph LERAY se précipite vers la maison de l'Embellissement, distante de 20 m, de l'autre côté de la route. " Eh les gars i1 y a un parachutiste qu'est tombé dans le taillis.

Venez." Les gars ne sont pas là. C'est Aline FROGER qui sort. Ils courent sur 1a route, suivis de Raymonde. Ils empruntent la "charrière" qui pénètre dans le taillis. Ils pensent que le parachutiste est américain et qu'il faut l'aider. Quant à Joseph, il souhaite récupérer le parachute.

Les trois jeunes arrivent presque à la lisière quand le père Louis ROUSSEAU, le fermier de Villeneuve qui travaille dans son champ de betteraves, les aperçoit et leur crie "Qu'est-ce que vous faîtes là ? Allez-vous en tout de suite. Les Allemands arrivent." Après un court instant, ils entendent des voix, des cris. Puis, sur une haie, apparaissent 3 Allemands. L'un d'eux semble pris de folies, a des yeux effrayants et pousse des hurlements.

Joseph, pris de panique, se met à détaler. Les deux filles s'accrochent à lui, l'une par 1e ceinture du pantalon, l'autre par une manche de la chemise. Les balles sifflent alors sans cesse à leurs oreilles. Peut-être que les Allemands ont cru que parmi ces fuyards se trouvait le parachutiste ennemi ? Joseph, tout en courant, lance ses sabots de bois vers l'arrière dans l'intention de ralentir la progression des soldats.

Ils arrivent à la route. Joseph qui a réussi à se débarrasser des filles, la traverse à toute vitesse, saute la haute haie d'en face comme un cabri. Les filles descendent la route. Aline rejoint sa mère qui l'appelle avec force gestes et la fait rentrer rapidement. Raymonde voit la cour vide, rentre dans la maison de la ferme. Là, deux soldats allemands gardent les parents de Germaine et Berthe CAVRET.

Joseph qui a ressauté la haie, toujours pieds nus reprend la route, traverse la cour déserte, rentre dans le cellier dont la porte est à 2 m de celle de la maison.

Les quatre occupants de la maison sont invités à sortir et doivent s'aligner contre le mur. Les fusils sont pointés sur eux. "La première pensée qui nous vient est que nous allons être tués et cela nous affole intérieurement."

Germaine, s'était aperçu de la disparition de son fils André, 6ans. Le croyant au taillis elle y est montée. Dans la mitraillade, une balle lui a éraflé la nuque. Elle est aussi tombée.

Devant Germaine arrivent trois Allemands : celui qui était si furieux sur la haie, et qui l'est encore, un deuxième qui tient à la main la paire de sabots de bois, et un officier. Celui ci se dirige directement vers la porte du cellier. I1 y découvre Joseph, le fouille et le fait sortir, le plaque contre le mur tout contre le tronc du prunier dont les branches sont accrochées au mur. Joseph se retrouve le canon du revolver sous le menton. Germaine s'interpose alors : "Il n'a rien fait, lui. C'est pas un parachutiste. C'est mon commis. Regardez , il est pieds nus;" L'officier par le un peu le français. Pendant tout ce temps, le soldat furieux, armait, désarmait son fusil, augmentant ainsi le désarroi de tous les témoins de cette scène.

Par la route de Jovence, arrive un soldat qui parle brièvement à, l'officier. L'officier demande à Germaine de le suivre. Le groupe des six Allemands encadrant la fermière se dirige vers le taillis, laissant les cinq autres civils à leur peur, tremblants, médusés, attendant la suite des événements.

Après un certain temps, Germaine revient seule. Nous vous laissons imaginer le grand soulagement de ses parents et amis. Germaine a dû indiquer, en haut du taillis, la direction dans laquelle le parachute est tombé.

Et le parachutiste, où est-il ?

FW 190
FW 190
Les restes du FW-190 craché à la "Justais"

I1 est tombé derrière une maison de la Petite Villeneuve sur le hangar du père Rahuel. I1 a à peine 1e temps de se libérer des attaches de son parachute accroché aux branches d'un prunier que des soldats allemands sont déjà là, et le mettent en joue. Lui crie "Kamarad ! Kamarad !" Beaucoup d'éclats de voix entre lui et les soldats. Le père Rahuel qui est là, dans son friche, ne comprend pas un mot de ce qui se dit, mais comprend la situation, répète "Camarade à vous ! Camarade à vous !"

Dans la cour de la ferme, tous les rescapés de cette aventure qui aurait pu mal finir, discutent, commentent leur peur, chacun à, sa manière.

Sur la route, passe un groupe de soldats plus important parmi lesquels ils reconnaissent ceux qui leur ont provoqué une si grande panique. Parmi eux aussi, le parachutiste, C'est un aviateur allemand. Il a le parachute plié sous son bras. Germaine crie à, l'officier "C'est un des vôtres. C'était bien la peine de nous faire une telle peur !" Ils passent sans rien dire, mais passée la maison de l'Embellissement, ils se mettent à rire, rire..... Ils s'en retournent vers Jovence et la Folletière.

I1 semble que l'intervention des Allemands se soit faite de la façon suivante :

- 2 soldats sur la route de la Cormerie, sur un bord du taillis pour contrôler ; en fait, neutralisation des gens de la ferme.

- à travers les champs, progression pour surveiller la limite sud du taillis, d'où poursuite des jeunes à travers le taillis.

- progression plus au sud d'un groupe qui arrive sur l'arrière du village de la Petite Villeneuve, où il tombe sur le parachutiste.

- départ d'un side-car du centre par la route de Landivy vers l'Embranchement. Le passager du side-car tire à la mitraillette sur le parachutiste en l'air.

En ville, des gens ont aperçu avion et parachute. Monsieur Joseph Bordini, père lui enfourche son vélo et dévale le chemin de Bonnefontaine. Au carrefour de Bonnefontaine, près du lavoir, télescopage du vélo avec le side-car. qui finit sa course dans le fossé d'en face bordant un pré (où se trouve actuellement l'atelier Le Badezet). Un Allemand est sérieusement blessé. Monsieur Bordini blessé à la tête est soigné chez la mère Gobard, la tenancière du café épicerie du virage, par le Docteur René De Montigny et doit porter un pansement pendant une huitaine de jours.

Quant à, l'avion, il a terminé sa descente dans un champ tout en longueur de la Justais, à 300 mètres environ de la dernière maison du village. Le nez de l'appareil était enfoncé en terre assez profondément. Toute la soirée, par intervalles, les munitions ont explosé. Et encore un peu, le lendemain. Il était poursuivi par deux avions alliés qui lui avaient envoyé une rafale fatale avant le Planty. L'un d'eux a décrit un cercle au-dessus du point de chute et a disparu.

"L'aviateur était un grand gaillard, dit un autre témoin. Dans la soirée, il est venu voir son appareil, en compagnie d'officiers et de soldats."

Les Louvignéens qui ont vécu cet événement et pour qui une petite heure de leur vie parut bien longue.