L'aérodrome de Plaine Ville en Ploufragan 1940-1944

Afficher Plaine Ville Ploufragan sur une carte plus grande

Témoignages sur l’aérodrome Plaine Ville en Ploufragan. 1940-1944

Les allemands sont arrivés un dimanche après midi, le 16 juin 1940. Un petit groupe tout d’abord puis ensuite, très nombreux, avec beaucoup d’équipements. Ils ont investi tout le terrain d’aviation et les maisons de la périphérie qui les intéressaient. Sept avions Messerschmitt ont atterri le mardi 18 juin. Beaucoup d’hommes ont été requis pour les travaux, qui ont d’ailleurs commencé rapidement pour adapter la piste à leurs besoins. Il y avait de nombreuses équipes, les uns construisaient des baraques en bois longues de 20 mètres sur environ une dizaine de mètres. Il y en avait dans le bois de Château Bily. D’autres équipes construisaient les pistes annexes en béton, d’autres édifiaient des hangars. L’aérodrome à été en chantier permanent pratiquement toute la durée de l’occupation. C’étaient une véritable fourmilière. Parmi les hommes requis, certains faisaient de la résistance et ne manquaient pas d’envoyer l’information aux alliés. Concernant les baraquements de bois, déjà à cette époque, ils étaient isolés de laine de verre et recouverts de peinture verte pour une parfaite étanchéité. Ils étaient en avance sur nous. Les soldats allemands étaient très disciplinés. On les voyait passer prés de chez nous dans la rue, par sections de 20 hommes, au pas et chantant bien souvent. Dans chaque hangar avion on pouvait y loger deux avions. Les hangars étaient faits en tôles et avaient une forme en demi-cercle, arrondi. Sur la bordure de chaque emplacement d’avion, furent plantés des peupliers pour cacher l’ensemble. De nos jours ces arbres sont encore visibles sur certains emplacements. Les alliés bien informés venaient de temps en temps mitrailler ou bombarder l’ensemble. Nous voyions ces pilotes très osés descendre très bas, vulnérables face à toutes ces DCA (défense contre avion). En ces moments là, le bruit était infernal. L’état major Allemand de la Luftwaffe (armée de l’air allemande) séjournait dans un grand bâtiment confortable prés de la route menant à Trémuson.

 

Photos collection Yannig Kerhousse

A la "Croix Cholin", deux Blockhaus ont été construits, l’un se trouve sous la route de nos jours, l’autre toujours visible, servait aux transmissions. Près de ce dernier, une petite ferme était réquisitionnée par l’occupant. Y séjournait tout une troupe dont un officier nommé Pickel, ingénieur agronome et qui se déplaçait toujours à cheval. C’était un homme fantaisiste, buveur, imprévisible. Il fit paver la cour de la ferme en pavés carrés roses des carrières de Fréhel. Près de la ferme fut construite une forge pour le maréchal- ferrant. Entre le blockhaus des transmissions et la ferme furent construits de longs bacs en béton pour la choucroute. Cet officier, un jour passa près d’un groupe d’ouvrier requis, il était un peu plus de midi. L’un d’eux chauffait sa gamelle sur un feu de bois. Il sortit son pistolet et tira sur la gamelle, la traversant de part en part, effrayant tous ceux qui était à côté. Il partit en éclatant de rire. Proche de cette ferme furent construites dans une petite vallée, des soutes à munitions. Une bretelle ferroviaire appelée "La Gare" fut construite pour desservir l’aérodrome. Elle partait de la voie ferrée de saint-brieuc à Guingamp et formait une petite courbe au sud du bois de Château Bily. Les allemands avaient installé des leurres, des avions en bois, une dizaine, étaient visibles dans la partie sud, il y avait aussi de faux canons en bois aux "Villes Moisan". Nous, nous apercevions tout cela de loin car la zone était bien gardée. De nombreuses sentinelles, mais aussi des postes de mitrailleuses enterrés appelés tobrouk. Il y en avait aussi au long de la voie ferrée. Les infos nous arrivaient aussi par ceux qui y travaillaient

 

Ancienne piste de désserte - A droite caniveaux

Les anciennes pistes du terrain de Plouflagran - A droite reste d'une grille métallique en chevrons quicomposait la piste principale

 

Un terrible bombardement eût lieu le mercredi 24 mai 1944, en fin d’après midi. Je m’en souviens très bien dit un témoin. Il était à peu prés 17 heure 45. Nous avons eus très peur car nous étions très proche du terrain. Un ronronnement d’avions se fit entendre très haut. Le ciel était bien dégagé, une trentaine d’avions arrivaient de la mer . On les a vu descendre rapidement. Ils prenaient tous pour repaire le clocher de Ploufragan. Ils arrivaient, deux par deux, distants l’un de l’autre d’environ 800 mètres, moteurs à fond. C’était des avions à double fuselage, des Lockheed P-38 Lightning. Tout allait très vite. Les pilotes faisaient des zigs zags pour ne pas être touchés par les canons de DCA. On voyait les bombes tomber, luisantes dans le soleil. Les aviateurs américains étaient des as, ils mitraillaient sans arrêt lors de leur passage. C’était un vacarme épouvantable. Les bombes touchant le sol faisaient un bruit sourd. Les serveurs allemands de ces canons semblaient acharnés et tiraient à tout rompre. Un des derniers avions fut touché, le seul de ce bombardement. (Le P-38 Lightning qui fût abattu ce même jour fut celui du Major William Anderson Jones. Ce dernier avec l’aide de la résistance, bien présente dans la région, pût regagner par la suite l’Angleterre par le réseau Shelburne à Plouha.

Les installations allemandes furent touchées, mais il n’y eut pas de mort chez l’occupant. Il y eut parait -il un jeune homme de tué sur Trémuson victime d’une balle perdue. Les allemands savaient se protéger lors de ces attaques. Ils avaient tout prévu. Un fait étonnant est à signaler. Un convoi ferroviaire chargé de munitions, 7 à 8 wagons était arrivé le matin même et stationnait dans la courbe appelée "La Gare" sur la bretelle prés de Château Bily et ne fut pas touché par cette attaque. Les alliés avaient-ils été prévenus de cette arrivée ? Personne ne pût le dire. Un témoin rapporte un fait marquant, un bombardement mais il ne peut dire si c’était ce 24 mai. A Ploufragan

il y avait un dépôt ferroviaire proche de cet aérodrome, enfin pas très loin. Pour défendre ce dépôt, l’occupant avait installé une batterie de DCA mobile sur un wagon. Elle était desservie par deux soldats. Au cours d’une attaque, ils prirent peur et allèrent se réfugier sous le wagon. Un officier voyant la scène traversa les voies en hurlant des ordres. Ils sortirent de leur cache. L’officier sorti son arme et les tua tout les deux au pied du wagon. En ce 24 mai 44, le bombardement terminé, mon père et moi étions parti voir si il y avait des dégâts. Près de chez nous, à 500 mètres nous découvrîmes deux énormes cratères de bombes. Un en bordure de la route, l’autre dans le champ proche. Plus loin à la ferme de la "Forville", ce fut un spectacle de désolation. Une bombe soufflante avait tué tous les animaux dans l’entourage. Une jument et son poulain, une dizaine de moutons, des veaux, deux énormes boeufs gisaient à terre, leur accompagnateur, le bouvier avait pressentit le danger et s’était caché au fond d’une douve. Un chien, dans l’entrée de la ferme avait été épargné car il avait sût se cacher au fond de sa niche qui n’était autre qu’un fût métallique. Ce projectile n’avait pas creusé de cratère. A 500 mètres, il y avait 4 postes de DCA qui ne subirent aucun dégât.

Témoignages recueillis le1er otobre 2009 auprès de Messieurs Pierre Pavio et Jean Pierre Le Tual que je tiens à remercier pour leur aimable accueil. Merci aussi à Monsieur Claude Teffo.

Jean Michel Martin. Novembre 2010.