Le "PIETRO ORSEOLO"

 

Cargo Italien de 6344 T, construit en 1939 par Sidarna (Fiurme), 67 hommes d’équipage, il se trouve au Japon lors de la décision Italo-Allemande de fin 1941, de rapatrier en Europe les forceurs de blocus chargés de matières premières indispensables à l’Axe.

Sous le commandement du Capitaino Zustovich, il quitte Kobé le 24 décembre 1941, embarquant 7038 T dont 1998 T de caoutchouc, 4486 T d’huiles comestibles pour le Reich et de l’étain à destination de l’Italie.

Le navire atteint Bordeaux par le Cap Horn le 24 février 1942. Il est révisé dans le radoub N°1 et armé : un canon de 105 mm, deux Flak de 20 mm et des charges de sabordage.

Le 1er octobre 1942, il appareille de Bordeaux, escorté par trois patrouilleurs de la Kriegsmarine. Commandé par la Capitaine Tarchioni, il embarque à destination du Japon 2960 T de mercure, nitrate de potassium et de produits manufacturés. Via l’Océan Indien, il rejoint Djakarta le 12 novembre, puis Kobé le 2 décembre.

Il repart le 25 janvier 1943 via Singapour avec 8301 T de chargement (4000 T de caoutchouc, 2369 T de graisse, 1108 T de zinc, du thé, de la quinine et de l’opium).

Il atteint sans encombre le voisinage des Açores où l’attend l’U 161 (Kapitänleutnant Albrecht Achilles) qui l’équipe d’un radar Metox, tandis qu’à Bordeaux l’opération "Arno" est lancée avec le départ des contre-torpilleurs Z23, Z24, Z32, et Z37 de la 8 Z Flottille chargée d’escorter le cargo à partir du sud du Golfe de Gascogne.

Dans la soirée du 31 mars 1943, à 140 miles de Vigo, le contact est établi, mais les escorteurs ont essuyés plusieurs attaques des Beaufighters du Coastal Command, dont 5 avions ont été abattus.

Les 5 navires mettent le cap sur l’entrée de la Gironde, mais ils sont suivis par le sous-marin USS "Shad" (Lieutenant-Commander E. Gregor). A 03h42 ce dernier tire 6 torpilles-avant, vers le groupe de surface, et 2 arrières puis s’éloigne face à l’attaque des destroyers.

Seules deux torpilles ont touché les navires endommageant le Z23 et le Pietro Orseolo. Ce dernier touché au niveau de la flottaison de la cale 2 laisse échapper 1500 balles de caoutchouc, mais il peut néanmoins continuer sa route à vitesse réduite.

A 13h30 il atteint le Verdon puis Bordeaux le lendemain à 19h30.

Les dragueurs de la M-Flottille retrouveront 764 balles en mer, les autres récupérées par l’Espagne ne seront pas rendues malgré la promesse d’une prime Allemande de 90 pesetas par kilo de caoutchouc.

Le navire, une fois déchargé est réparé dans la forme principale des Chantiers de la Gironde.

Désirant relancer les missions de surface vers l’Asie, la Kriegsmarine fait passer le bateau sous commandement et équipage Allemand, le navire repris par la Hansa est rebaptisé du nom de code "Eifel"

De nouveau opérationnel, il repart le 25 novembre 1943 à destination de l’Asie chargé de machines outils, d’engins chenillés, de tubes et de blooms d’acier, de lingots d’aluminium et de deux carlingues d’avion. Traqué par les patrouilles alliées, il va se réfugier dans les "Courreaux de Groix", en face de Port-Tudy, mais il est repéré par des patrouilles de Spitfires de reconnaissance les 26 et 29 novembre.

Le 1er décembre un Mosquito VI HJ656 du 487ème Squadron RNZAF décolle de Predannack escorté de 12 Typhons IB des 193ème et 266ème Squadron RAF. Le Mosquito, piloté par le Squadron-Leader A.S. Cussens parvient à larguer ses bombes, mais il est abattu par la Flak.

Légèrement endommagé, le Pietro Orseolo rejoint son homologue "Ida" devant Concarneau le 11 décembre, protégé par six dragueurs de la 24 M-Flottille.

La RAF décide de lancer une seconde attaque, le 13 décembre sont concentrées à Predannack les unités des 248ème Squadron et 254ème Squadron. L’attaque du 14, reportée au 17, est annulée en raison de la météo. Un Spitfire de reconnaissance confirme la présence du cargo ancré devant Concarneau.

Le 18 décembre à 11h00 décollent de Predannack :

6 Beaufighters TFX "torpilleurs" du 254ème Squadron,

6 Beaufighters "anti-Flak" (Canons et roquettes) du 248ème Squadron,

8 Typhons IB du 183ème Squadron.

Après le décollage et la formation des 3 groupes. Vol au ras de la mer sous la basse couche nuageuse, cap au sud en longeant la pointe du Finistère. A la hauteur de Concarneau, cap à l’est vers la côte.

A l’approche de l’objectif, à 12h15, les Beaufighters, anti-Flak, et les Typhons prennent de l’altitude et en un seul passage attaquent au canon de 20 mm et à la roquette la Flak des navires.

Les Beaufighters torpilleurs prennent de relais et continuent au ras de l’eau vers la cible. Deux torpilles touchent au but, les appareils regagnent Predannack sans perte.

Le dragueur M 432 est sévèrement endommagé par les tirs des avions. Le Pietro Orseolo atteint par les deux torpilles ne coule pas. 10 hommes d’équipage sont blessés dont le Commandant.

Les mauvaises conditions météo repoussent le remorquage au 20 décembre dans la soirée, le cargo est échoué sur un banc de sable. Le remorquage est repris le lendemain mais à 10h25, en pleine opération il sombre par 35 mètres de fond. Ses cloisons étanches internes ayant certainement cédées sous la pression de l’eau et les effets de la tempête.

Les Allemands chercheront à récupérer le matériel contenu dans les cales du navire, les mois suivants et feront appel à des scaphandriers français. Les travaux sont interrompus à la libération puis repris en 1946/1947 par une entreprise française.

Ces travaux seront marqués par plusieurs accidents de décompression et la survenue d’un accident mortel.

 

Jacques ILIAS