Colcanap Robert, alias Coco Bob

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Robert Colcanap est né le 11 mai 1922, à Lanmeur, près de Morlaix (Finistère).

Son père sert dans la Marine et sa mère est institutrice. La famille Colcanap s'installe à Brest en 1926.

Etudiant au Lycée de Brest en classe de philosophie, Robert se destine à la médecine. Il milite activement dans le scoutisme.

Encore lycéen au moment de la signature de l'armistice, trop jeune pour avoir eu la possibilité de combattre, Robert décide de rallier l'Angleterre.

Le 18 juin 1940, il embarque à Brest à bord du " Meknès ", à destination de l'Angleterre. Dès son arrivée sur le sol britannique, il demande à servir dans l'aviation. On l'oblige d'abord à passer son baccalauréat. Il obtient son certificat d'admission au Lycée français de Londres, le 25 septembre 1940. Le 28 octobre suivant, il signe un engagement volontaire dans les FAFL (matricule n° 30.503). Il est tout d'abord affecté en dépôt sur le cuirassé " Courbet ", puis transféré au camp de Old Dean à Camberley.

A l'occasion d'un examen, Robert rédige une composition française dont sont extraites les lignes suivantes:

" D'autres éternels rêveurs ne réalisaient pas que, en ce mardi 18 juin 1940, (125 ans, jour pour jour après Waterloo) ces satanés Boches allaient arriver dans leur bonne ville de Brest, qui, jamais de mémoire d'homme, n'avait connu la botte allemande. J'avoue que je n'ai pas trop perdu la tête. Il s'agissait avant tout de rester calme; ma décision était prise. Je ferai donc tout mon possible pour m'embarquer. A ce moment, il n'était pas possible d'envisager le devoir comme un impératif absolu et catégorique. J'ignore ce qu'auraient fait tant à ma place, toujours est-il que, personnellement, j'ai surtout mis mon point d'honneur à me soustraire à la botte de ces messieurs puisque cela était possible et qu'il me restait encore des poings et ma tête pour me battre. ".

 

Refusé comme élève pilote à cause de sa petite taille (1m58), il est sélectionné pour devenir navigateur et passe successivement, à partir de septembre 1941, par la 2 Air Observers School de Million (Canada), la 3 Air Observers School de Bobbington et la 7 Air Gunners School de Stormy Down.

Avant de partir au Canada, il écrit ceci dans un devoir, à la question posée: " Pourquoi et comment êtes-vous venu en Grande-Bretagne? ":

" En m'analysant bien maintenant, je m'aperçois que, en m'embarquant, j'ai senti remuer en moi quelque chose qui a été comme une partie de moi-même, et cette secousse a réveillé toutes les forces de mon orgueil et de mon énergie primitive. Oui, ma première réaction a été celle-ci: un Français ne peut laisser un Allié se battre seul. Cela m'a été une consolation intérieure d'autant plus belle que, longtemps, j'en ai ignoré la source et les raisons véritables. Toujours est-il que j'ai eu une révélation soudaine du beau, du vrai, du juste. De là est jaillie une lumière qui m'a toujours éclairé depuis dix mois que je suis en Angleterre et qui m'a empêché de dévier du droit chemin. Et je me suis embarqué tout tranquillement: comme je suis né, comme j'ai vécu et comme je mourrai, fort probablement. ".

Breveté navigateur en mars 1942, il est nommé aspirant le 7 mars et rejoint le mois suivant le groupe mixte d'instruction de Damas (Syrie).

En août 1942, il est affecté à la mission du Caire en Egypte, puis il rejoint la 72 Operational Training Unit de Nanyuki au Kenya.

Le 1er novembre 1942, le " Mendoza " qui le ramène à Durban, en Afrique du Sud, est torpillé et alors qu'il est le plus jeune des naufragés, Robert Colcanap n'a de cesse de veiller et d'encourager ses camarades, dans le canot qui reste en mer pendant quatre jours. Il est par la suite soigné à l'Hôpital 51 Mount-Aureol de Freetown. Le 8 décembre, il est opéré en urgence de l'appendicite.

Nommé sous-lieutenant le 15 décembre 1942, il rentre en Angleterre et rejoint le groupe de bombardement " Lorraine ", désormais 342 Squadron de la RAF, et transformé sur Douglas Boston.

Le 27 août 1943, " Bob " écrit dans son journal:

" Je suis allé hier, en rase-mottes jusqu'à 10 km de chez mes parents. La discipline de vol primant tout, je n'ai pu me permettre une diversion, si petite fut-elle. J'en ai presque pleuré. Mais j'étais si heureux de revoir le pays pour la première fois depuis trois ans... Vous souvenez-vous des photos parues dans les journaux sur le raid de Denain? Deux d'entre elles ont été prises par mon appareil. Nous avons eu chaud ce jour-là. Revenant hier soir de cette mission, qu'ai-je trouvé dans mon casier? Deux télégrammes d'Huelgoat, du 13 et du 20 mai, de mes parents. Vous pensez si j'étais heureux. C'est un de ces jours qui comptent dans la vie. ".

 

Le 22 octobre 1943, l'avion de Robert Colcanap est touché par la Flak au début d'une mission; blessé à un oeil et une jambe, il continue cependant d'assurer son devoir. Le 28 octobre, il inscrit dans son journal:

" Je sors de l'hôpital à la suite d'une légère blessure reçue en opérations; l'autre jour une balle a explosé à 10 cm de ma tête. Je n'ai eu comme blessure que des éclats à la cuisse (assez profonds mais pas graves), et de minuscules particules, un peu partout, sur le côté gauche de la figure; un éclat dans l'oeil m'a été enlevé immédiatement à l'atterrissage. Je ne ferai pas de commentaires sur la chance que j'ai eue, parce que cette balle m'était normalement destinée. C'est uniquement parce que je m'étais baissé pour prendre une dérive que je ne l'ai pas reçue; c'est ce qu'on appelle " Hasard " avec un grand H. ".

 

Le 11 novembre 1943, le capitaine Barberon est leader d'une formation de six avions qui doivent faire un exercice de Circus (vol en formation). Il a son équipage habituel. Deux équipages nouveaux y participent: l'aspirant Minost avec les sergents Portron, Evrard et de Reynal, ainsi que le sergent Pierre avec l'adjudant Soulat, les sergents Cornement et Ricardou. Le lieutenant Petit et son équipage, l'aspirant Challier avec le sien y participent aussi. Le sous-lieutenant Yves Laurent, en l'absence de son Observateur le lieutenant Goldet, prend Robert Colcanap qui se porte volontaire, comme Navigateur dans son équipage, à bord du Boston III BZ339/OA°R. Au bout d'une heure de vol environ, les deux moteurs du Boston " R ", donnent des signes de défaillance et s'arrêtent successivement. Le sous- lieutenant Laurent essaye de faire un crash-landing, mais l'avion descend comme une pierre. Il veut se poser sur un terrain de football, mais pour éviter les joueurs, choisit un endroit moins favorable. Le Boston glisse sur une centaine de mètres avant de percuter une position bétonnée de DCA, à Deep Cut, au Sud de l'Angleterre. Tout l'avant de l'appareil est défoncé. Le sous-lieutenant Laurent et le sous-lieutenant Colcanap sont vraisemblablement tués sur le coup. L'adjudant Radio-Mitrailleur Luineaud est projeté en dehors du cockpit, mais à part ce choc violent s'en tire indemne. Le sergent Mitrailleur Dufaut-Hitou également. L'adjudant Luineaud rapportera que le sous-lieutenant Colcanap qui volait pour la première fois avec le sous-lieutenant Laurent l'encouragea jusqu'au bout avec un " Courage! Courage! Tout va bien se passer ".

En ce jour anniversaire de l'Armistice de 1918, le " Lorraine " est endeuillé par la perte de deux camarades des plus sympathiques, dont son benjamin le sous-lieutenant Robert Colcanap alias Bob Coco, " Mort pour la France " en service aérien commandé à l'âge de 21 ans.

Il fut inhumé au cimetière de Brookwood (Angleterre), où se trouvaient déjà de nombreux camarades.

 

Sept mois auparavant, le 4 avril 1943 à Londres, Robert Colcanap avait rédigé son testament dont voici un extrait:

" Je voudrais que soient conservés mes livres de médecine-Physique-Chimie (achetés avec mes économies), les poésies de Baudelaire, de Péguy et surtout la vie de Mozart ainsi que mes concertos et sonates pour violon, lesquels ont été pendant de longs mois mes meilleurs compagnons et ont constitué la meilleure des consolations. Je regrette de ne pouvoir vous laisser les deux objets auxquels je tenais le plus; un Kodak 35 acheté au Caire en avril 42 et une ciné-caméra 8 mm (fruits de mes économies) tous deux perdus au cours du torpillage à cent kilomètres au large de Durban, le 1er novembre 1942. J'ai également perdu ce jour mon carnet de route, commencé le 18 juin 1940, sans compter des photos et films pris au Kenya. Grâce à ces documents il eut été facile de retrouver ma vie depuis cette date fatale du 18 juin 1940. Il y avait là, matière à plusieurs romans. Je suis heureux d'avoir fait ce que je considère comme mon devoir; si c'était à refaire je recommencerais. J'estime en toute conscience que je n'ai rien à me reprocher. ".

 

En date du 17 novembre 1943, le sous-lieutenant Robert Colcanap est cité à l'ordre de l'Armée aérienne par le lieutenant-colonel de Rancourt, commandant du groupe " Lorraine ", avec attribution de la Croix de Guerre avec palme.

Le 1er mars 1945, Robert Colcanap est fait Chevalier de la Légion d'Honneur à titre posthume.

En date du 11 mars 1947, il est décoré de la Médaille de la Résistance.

D'abord inhumé à Brookwood, le corps de Robert Colcanap a été par la suite restitué à sa commune natale. Si vous passez un jour par Lanmeur, vous pourrez remarquer deux noms identiques gravés au bas du monument aux morts: Colcanap Robert et Colcanap Pierre (son frère cadet). Ils sont les deux derniers morts de la Seconde Guerre mondiale de Lanmeur.

Il existe à Brest une " Rue des deux frères Colcanap ".

 

 Groupe " Lorraine "

Croix de Guerre avec palme

Chevalier de la Légion d'Honneur à titre posthume

Médaille de la Résistance

Avec l'aimable autorisation de publication pour l'ABSA 39-45 - Biographie copyright Yves Donjon

Médailles commémoratives Wikipédia

Photo de Colcanap Robert GO

Sister Lawrence Raf museum Massingham