Yves-Paul-Emile Ezanno est né le 14 juillet 1912, à Clamart (Seine-et-Oise) (aujourd'hui Hauts-de-Seine). Issu d'une famille originaire du Morbihan, son père est inspecteur des PTT. Sa jeunesse est entièrement marquée par la vocation de l'aviation. Il effectue ses études secondaires à Angers, Nantes et Rennes et obtient le baccalauréat. Son père le destinant à une carrière juridique, il passe avec succès ses certificats de licence et de doctorat en droit à la Faculté de Rennes et s'inscrit comme avocat stagiaire au barreau de Nantes. Classé bon pour le service armé, il obtient un sursis d'une année en 1933, renouvelé en 1934, puis en 1935. Nourrissant toujours l'espoir de devenir un jour pilote de chasse, il choisit de faire son service militaire dans l'armée de l'Air comme élève officier de réserve, étant titulaire de la préparation militaire supérieure. Il est incorporé comme soldat de 2ème classe, le 15 octobre 1936, à la base école d'Avord. Breveté observateur en Avion (Brevet n° 3420) le 20 mars 1937, il est affecté à cette même date, à la 3ème escadrille de la 21ème Escadre basée à Bordeaux-Mérignac. Il est promu sous-lieutenant de réserve le 10 avril suivant. En 1938, l'armée de l'Air souffre d'une pénurie de jeunes pilotes, il n'a donc aucun mal à rester en situation d'activité. Il intègre la promotion 1939 de l'Ecole militaire de l'Air de Versailles, promotion qui comptera 55 morts pour la France. Nommé lieutenant d'active en avril 1939, il obtient son brevet de pilote d'avion militaire (Brevet n° 29103) le 18 décembre 1939, à l'école Morane installée à Melun-Villaroche. Le 1er mars 1940, il est affecté à l'Ecole de Pilotage n° 101 de Saint-Cyr-l'Ecole, comme instructeur de tir. L'offensive allemande du 10 mai 1940 l'oblige à se replier avec son école à Royan. Il vit douloureusement cette période: " on sentait qu'on était bons de guerre et on n'était pas affectés en unités combattantes bons pour se battre et on ne nous utilisait pas! ". Lorsque le maréchal Pétain déclare à la radio: " qu'il faut cesser le combat ", il prend immédiatement sa décision: " être obligé de se rendre sans avoir eu la possibilité de se battre être obligé de saluer les Allemands dans la rue, cela n'était pas pensable! ". Avec quelques camarades, Albert Préziosi, Jacques Soufflet, Robert Moizan et le capitaine Gaillet, ils décollent de Royan le 17 juin 1940 au soir, à bord de trois Caudron Simoun de liaison qui disposent tout juste de l'autonomie nécessaire pour gagner l'Angleterre. Le commandant de la base tente de s'opposer à leur départ: " Il m'a supplié de ne pas partir et puis il a eu un mot qui m'a décidé définitivement: - Et mon état des effectifs modèle 22! Qu'est-ce que je vais dire aux Allemands? - Vous leur direz que le lieutenant Ezanno a disparu en mer au cours d'une mission. Et puis j'ai décollé ". Yves Ezanno signe son engagement volontaire dans les FAFL le 1er juillet 1940. Avec Albert Littolff, il effectue un court stage sur Spitfire à l'OTU n° 7 d'Hawarden, puis il est affecté, le 1er août, au groupe de combat n° 1 " Jam ", commandé par le lieutenant-colonel de Marmier. Le 12 août, il prend le commandement de la 4ème escadrille du groupe de combat n° 1, et se porte volontaire pour partir en Afrique avec les premières unités des Forces françaises libres (FFL). Le 1er septembre 1940, il quitte le port de Liverpool sous les bombardements, et atteint Dakar le 19 septembre. Il assiste à la désastreuse opération de tentative de ralliement du Sénégal aux Forces françaises libres, durant laquelle ses camarades Gaillet et Soufflet sont faits prisonniers. L'échec de cette opération lui laisse un souvenir amer. Débarqué à Douala au Cameroun le 1er octobre 1940, où se trouve le colonel Leclerc, il prend part aux opérations du Gabon sur Westland Lysander. Une grande partie de l'Afrique Equatoriale Française (AEF) s'est ralliée aux Forces françaises libres, mais pas le Gabon. Affecté au Détachement Air de Pointe Noire, Yves Ezanno participe à la reconquête de Libreville, durant laquelle il bombarde la piste du terrain d'aviation. Mais la ville de Port-Gentil est restée fidèle à Vichy. C'est avec son observateur, Marcel Sandré, qu'il effectue un véritable coup d'audace en permettant aux troupes de Leclerc de prendre cette ville sans tirer un seul coup de feu. Les deux aviateurs atterrissent le 13 novembre non loin de Port-Gentil et parviennent à convaincre les autorités de la ville de ne pas s'opposer aux troupes FFL. La manuvre est réussie, à la grande admiration (d'habitude réservée) du colonel Leclerc. Il commande pendant trois mois, en remplacement du lieutenant Guigonis, le Détachement Air chargé de la surveillance anti-sous-marine pour le Gabon et le Moyen-Congo. Après ces missions de police en AEF (notamment le convoyage d'or des mines du Congo) inscrites dans le cadre de l'organisation de l'aviation, Yves Ezanno incorpore à Brazzaville, le 15 février 1941, le GRB n° 1 (futur groupe Lorraine) équipé de Glenn-Martin Maryland. Le 6 mars, l'unité fait mouvement sur Takoradi. Très vite, les pilotes sont convertis au Bristol Blenheim Mk IV, et sont affectés à compter du 6 juin au Flight C du 39 Squadron basé à Fuka en Egypte. A peine deux mois plus tard, les équipes du Flight C et du GRB n° 1 deviennent le groupe de bombardement " Lorraine ", basé à Damas-Mezze, en Syrie. Au sein de l'escadrille " Nancy ", Yves Ezanno participe à l'opération " Crusader " visant à harceler les troupes allemandes. Il prend une part active aux attaques sur Sidi-Rezegh, Benghasi, Agebadia et Halfaya Pass, effectuant 43 sorties à bord de son Bristol Blenheim. Au cours d'une mission le 20 décembre 1941, il abat avec l'aide de son mitrailleur le sergent Bauden, un Messerschmitt 109 au-dessus de Bir-El-Gobi (Libye). Les opérations en Cyrénaique étant terminées, le groupe est envoyé le 12 février 1942, à Saint-Jean-d'Acre (Syrie), pour effectuer des missions de Coastal Command. Cela n'enthousiasme pas Yves Ezanno qui demande sa mutation au groupe de chasse n° 1 "Alsace", où il est affecté le 1er mars. Trois jours après, il est transformé et opérationnel sur Hurricane. Promu capitaine, il prend le commandement de l'escadrille " Strasbourg ", qu'il mène au combat avec beaucoup de cran et d'allant. Il effectue des missions de protection des convois de ravitaillement de Malte, de couverture des troupes britanniques en retraite, et de harcèlement des troupes allemandes. Le 13 juin 1942, en pleine bataille de Bir Hakeim et de Tobrouk, son Hurricane étant à cours de carburant, Yves Ezanno ne voulant pas sauter en parachute, est obligé de se poser train rentré de nuit, dans le désert. Sorti de son avion, il découvre juste devant lui un poteau télégraphique sur lequel passait l'unique ligne téléphonique du désert Il lui faudra cinq heures de marche pour rallier sa base. Le capitaine Yves Ezanno effectue 52 sorties avec son unité. Il obtient la citation suivante: " Brillant officier pilote ayant inspiré par son courage et sa bravoure l'admiration de tous. A joint les Forces combattantes un des premiers, et a pris part successivement comme pilote et comme commandant d'escadrille aux campagnes du Gabon et de Libye. A à son actif 170 heures de vol de guerre et 105 sorties, une citation à l'ordre de l'armée Aérienne, une citation anglaise le 11 juin 1942. A abattu en flammes un Messerschmitt 109 et s'est distingué à plusieurs reprises par des missions de bombardement effectuées dans des conditions particulièrement périlleuses et avec un maximum de précision ". A El Daba, l' " Alsace " évacue le terrain sous le feu des chars allemands. Terriblement éprouvé par les combats, le groupe embarque à Suez en octobre 1942, à destination de la Grande-Bretagne pour restructuration. Yves Ezanno et l' " Alsace " sont de retour en Angleterre en février 1943. Tandis que quelques pilotes du groupe sont volontaires pour former la première ossature du groupe de chasse " Normandie ", Yves Ezanno décide de retourner au " Lorraine " qui rentre en Angleterre le 28 février, pour effectuer sa transformation sur Douglas Boston. Après un stage rapide sur Boston, Yves Ezanno prend le 15 mars 1943, le commandement de son ancienne escadrille " Nancy ". Le 3 avril, le " Lorraine " prend l'appellation de 342 Squadron. Les opérations de guerre reprennent en juin 1943, mais suite à une altercation " musclée " avec un mécanicien anglais, Yves Ezanno doit quitter le 342 Sqn. Après une période de repos, promu commandant, il décide de revenir à la chasse. Il est affecté à l'OTU n° 55 d'Annan, pour un stage d'initiation au Hawker Typhoon. Le 8 avril 1944, il est détaché au 198 Fighter Squadron de la RAF. Pourtant, ce n'est pas la chasse pure qui l'attend, le Typhoon étant utilisé plus pour l'attaque au sol que pour la chasse véritable. Yves Ezanno se forme donc aux attaques d'objectifs à la roquette. Début mai 1944, le 198 Sqn est basé à Thorney sous les ordres du Squadron-Leader Mike Bryan. Les missions causent beaucoup de pertes au squadron, Bryan se fait descendre fin mai 1944 et ses deux successeurs au cours du mois suivant. C'est ainsi que Yves Ezanno héritera du commandement du 198 Sqn, après seulement deux mois et demi de présence dans cette formation. Le 27 mai, durant une mission de neutralisation de bateaux allemands, son avion reçoit un obus en plein travers du tableau de bord, plus aucun instrument n'est en état de marche. Yves Ezanno parvient malgré cela à regagner sa base et il " crashe " son Typhoon sur la piste. Le lendemain, 28 mai 1944, Yves Ezanno s'illustre en attaquant au canon et en détruisant un Etat-major allemand puissamment défendu. Il se distingue encore magnifiquement le 6 juin 1944, au-dessus de la Normandie, en attaquant au sol les chars et les véhicules blindés ennemis. Il prend part aux batailles de Lisieux, Cherbourg, Caen, Mortain, Falaise et Dunkerque. Il effectue au total 90 sorties avec son groupe. Au cours des six premiers mois de cette année 1944, le 198 Sqn ne perd pas moins de 18 pilotes. Après le débarquement des alliés, les missions de harcèlement des troupes allemandes se suivent à un rythme élevé. Ce sont des attaques de convois, de batteries, de points fortifiés, de chars et de bateaux qui se succèdent. Début juillet, au cours d'une mission sur la Normandie, une rafale de Flak coupe tous les circuits électriques d'armement de son appareil et ses roquettes ne peuvent plus partir. Se refusant à sauter en parachute son avion étant neuf, Yves Ezanno décide de se poser sur le ventre, le train de son Typhoon ne voulant pas s'ouvrir. Il annonce par radio qu'il va tenter de se poser sur l'herbe, près de la piste métallique, en demandant de dégager les alentours immédiats. Dès l'impact avec le sol, les roquettes furent arrachées les unes après les autres, mais par chance aucune n'éclata. La semaine suivante son avion volait à nouveau. Lors de sa 90ème sortie, le 7 octobre 1944, en attaquant au-dessus de l'île hollandaise de Walcheren, son appareil est à nouveau touché par la Flak. Cette troisième fois fut la bonne. Son Typhoon ayant prit deux obus de 40 mm dans le moteur, l'hélice arrachée, sans profondeur ni direction, il ne lui reste plus que les ailerons. Yves Ezanno cherche à se " crasher " le plus près possible des lignes amies. Touchant le sol à 320 km/heure, son avion se brise en deux. Les bretelles du siège pilote ayant heureusement tenues, il se retrouve pratiquement sans avion autour de lui. Dans la violence du choc, Yves Ezanno subit " le coup du lapin " mais il ne s'en rendra compte que plus tard. Dans l'immédiat, le plus important pour lui est d'aller le plus vite possible vers l'ouest. Il se dirige donc vers le soleil couchant, traversant quelques canaux d'irrigation qui ne sont gelés que sur leurs bords. Soit marchant, soit nageant, selon le fond qu'il trouve, " salué " par les balles des avant-postes allemands, il parvient à rejoindre le secteur tenu par la 2ème Division canadienne. Ses équipiers ayant vu son avion exploser en touchant le sol, tout le monde le pense mort. Lorsqu'il rentre à sa base, il trouve ses camarades en train de se partager ses affaires. Pour eux, il était " disparu en plein ciel de gloire ". Il reste couché pendant deux jours mais souffre terriblement des vertèbres et se rend compte qu'il ne peut presque plus bouger, le " coup du lapin " encaissé à l'impact ayant laissé des traces. Hospitalisé, il restera indisponible jusqu'en février 1945. Yves Ezanno est nommé Compagnon de la Libération, par décret du 20 novembre 1944. Rétabli, il est alors proposé par le Haut commandement britannique à la nomination de Wing Commander d'une formation équipée de Tempest, basée en Birmanie. Mais le général Martial Valin, chef des FAFL, parvient à convaincre le général de Gaulle qu'avec ses 412 missions de guerre, le commandant Ezanno avait suffisamment combattu pour son pays. Le 3 mars 1945, promu lieutenant-colonel, il est affecté au Centre d'Instruction de la Chasse de Meknès (Maroc), comme commandant en second. A partir de juillet, il prend le commandement de l'école de chasse et de la base de Meknès. En septembre 1948, il quitte Meknès pour organiser la transformation de la chasse française sur avions à réaction, au CEAM de Mont-de Marsan. Il reçoit alors la cravate de Commandeur de la Légion d'Honneur. En janvier 1949, il est nommé Inspecteur de la Chasse. L'année suivante, il est envoyé en mission en Indochine. Promu colonel le 2 février 1951, il est cette année là, le premier Français, avec le commandant Roger Carpentier, à franchir le mur du son sur un North American F.86 Sabre à Farnborough. En juin 1952, il prend le commandement de la base aérienne 113 de Saint-Dizier, équipée de F.84-F. En 1953, il est désigné comme premier Chef des Opérations de la 4th Allied Tactical Air Force au sein du SHAPE (Supreme Headquarters Allied Powers Europe). Créée à Landsberg (Allemagne), sous les ordres du général Strother, celle-ci fait ensuite mouvement sur Trèves avec le général Robert Lee. En 1954, Yves Ezanno est envoyé en mission en Corée. Sur sa demande, Yves Ezanno est affecté en juin 1957, au commandement du Groupe Aérien Tactique n° 2 à Oran (Algérie). Il est promu au grade de général de brigade aérienne en juillet 1958. Responsable de la conduite des opérations aériennes du plan Challe, il prend part aux opérations en Oranie de février à avril 1959. En 1960, il devient sous-chef d'Etat-major Opérations et Entraînement à l'Etat-Major des Forces Aériennes Alliées en Centre-Europe, basé à Fontainebleau. Promu général de division aérienne le 15 avril 1961, il rejoint quelques semaines plus tard son poste d'adjoint au Chef de la Délégation Française au Groupe Permanent du Pacte Atlantique à Washington. Il devient ensuite conseiller militaire de l'Ambassadeur de France aux Etats-Unis. En décembre 1962, il est promu général de corps aérien. L'année suivante, il est rappelé en France. Le général de Gaulle lui confie à partir de mars 1964, le commandement de la Défense Aérienne et des Forces " Air " à Taverny. Membre du Conseil Supérieur de l'Air à partir de 1964, il est atteint par la limite d'âge de son grade le 14 juillet 1967, et part en congé définitif du personnel navigant. Il totalise 5230 heures de vol dont 747 heures de vol de guerre en 412 missions. Ayant quitté l'armée de l'Air, Yves Ezanno exerce ensuite les fonctions de PDG de l'OFEMA (Office Français d'Exportation de Matériel Aéronautique). Il est désormais chargé de défendre l'industrie aéronautique française face à la concurrence internationale. Il est membre du conseil de l'Ordre National de la Légion d'Honneur (de 1968 à 1979), et membre du Conseil de l'Ordre de la Libération (depuis mai 1969). Le 11 avril 1970, il reçoit la haute distinction de Grand Croix de la Légion d'Honneur. En 1979, il devient Président d'Honneur de l'OFEMA. Le général de corps aérien Yves Ezanno est décédé le 20 octobre 1996 à Nice, où il s'était retiré. Sa mort marque la disparition de l'une des figures emblématiques des FAFL et de la Seconde Guerre mondiale. Il laisse un grand vide parmi ses camarades de la Chasse et de l'armée de l'Air. Ses obsèques ont été célébrées le 24 octobre 1996, en l'église du Vu, à Nice, en présence de très nombreuses personnalités civiles et militaires. Son éloge funèbre a été prononcée par le général d'armée Jean Simon, grand chancelier de l'Ordre national de la Libération et président national des Français libres. Le général Yves Ezanno a été inhumé à Aix-en-Provence, au cimetière " Les Milles ".
Grand Croix de la Légion d'Honneur Croix de la Libération Croix de Guerre 39-45 (neuf palmes) Croix de Guerre des T.O.E.(étoile d'argent) Croix de la Valeur Militaire (deux palmes) Croix du Combattant Volontaire 39-45 Croix du Combattant Volontaire de la Résistance Croix du Combattant Médaille de l'Aéronautique Médaille Coloniale (agrafe " Libye ") Médaille Commémorative des Services Volontaires dans la France Libre Médaille Commémorative des Opérations de Sécurité et de Maintien de l'Ordre en Afrique du Nord (agrafe " Algérie ") Distinguished Flying Cross & Bar (G.B) Africa Star (G.B) Victory Medal (G.B) Distinguished Flying Cross (USA) Croix de Guerre (Belgique) Chevalier de l'Aigle Blanc de Serbie Ordre de Ouissam Alaouite (Maroc) Ordre de Nicham Iftikar (Tunisie)
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