Halna du Fretay Maurice

 

 

 

Maurice-Marie-Pierre Halna du Fretay est né le 8 mai 1920, à Saint-Igneuc (commune rattachée depuis 1973 à Jugon-les-Lacs), dans les Côtes-du-Nord (devenues les Côtes-d'Armor en 1990).

Il voit le jour dans la demeure familiale du manoir de Ranléon.

Issu d'une famille de vieille souche bretonne, fils du Baron Maurice-Jehan du Fretay, officier observateur en Orient en 1914-18, le jeune Maurice grandit dans une ambiance chaleureuse et pleine d'affection, à Ranléon. Son père lui fait partager sa passion pour les machines volantes et l'emmène dans chaque manifestation aéronautique. Il voulut même lui faire prendre son baptême de l'air dans un vieux Morane de la guerre, alors qu'il n'avait que cinq ans. Ce goût, cette passion pour l'aviation et la mécanique était né et ne devait jamais plus le quitter, même après le décès de son père en 1931.

Garçon remuant et taquin, il fait très vite la conquête de ses camarades. Il suit une brillante scolarité à l'école des Roches dans l'Eure, en Normandie, puis au collège de Dinan. C'est un jeune homme vif et volontaire, avide d'action et intensément attiré par le ciel. Son destin est de devenir notaire, son désir secret est d'être pilote d'essais.

Il effectue entre 1936 et 1937, deux séjours touristiques en Angleterre et un en Allemagne, qui lui permettent de comparer l'état d'esprit des deux peuples et d'en tirer la conclusion que la guerre est proche.

N'ayant qu'un rêve : apprendre à piloter, il est l'un des premiers en ce 17 octobre 1937, à s'inscrire à la Section d'Aviation Populaire de l'aéro-club de Dinan, premier aérodrome à voir le jour en Bretagne. L' inauguration eut lieu le 28 juillet 1933, en présence du Ministre de l'Air, Pierre Cot.

Sa mère, inquiète, essaye de lui faire prendre conscience des dangers du pilotage. Malgré l'immense amour qu'il lui voue, ces arguments ne résistent pas à son obstination.

Il obtient, le 10 mars 1939, son brevet de pilote d'avion privé puis par la suite, son brevet de mécanicien-avion. Quelque temps plus tard, il est radié de l'aviation populaire pour avoir exécuté des acrobaties aériennes interdites par le règlement.

A Paris, il parvient à s'acheter un petit appareil de tourisme tchèque biplace, un Zlin XII de 45 CV et, après avoir obtenu toutes les autorisations nécessaires, il regagne la Bretagne aux commandes de celui-ci. Il vole autant que possible sur son avion et se perfectionne au pilotage.

En septembre 1939, alors qu'il se destine à des études de Droit à la Faculté de Rennes, la guerre est déclarée. Maurice est trop jeune pour être appelé, alors il tente de s'engager. Dix fois, quinze fois, il se présente à la Gendarmerie ou au Bureau du Recrutement. A chaque fois on lui fait la même réponse : " Pas besoin de pilotes. Il y en a tant qu'on veut ! ". A chaque fois, Maurice rentre au manoir dépité. Enfin, le 2 octobre 1939, il parvient à signer à Rennes un pré-engagement comme élève pilote dans l'armée de l'Air.

Il est tout d'abord élève pilote à l'Ecole Elémentaire de Pilotage n° 24 à Dinan, puis à partir d'avril 1940, élève radio naviguant à Aulnat.

Afin que les Allemands ne puissent s'emparer de son avion qui se trouve sur l'aérodrome de Dinan, Maurice profite d'une permission pour le démonter, avec l'aide de camarades, puis le transporter et le cacher dans la propriété familiale. Grange, grenier, hangar... jusqu'aux chambres, chaque pièce en abrite un morceau, étiqueté, graissé, prêt à être remonté.

Maurice n'a pas le temps de terminer sa formation. En fait, il n'a pu effectuer que 32 heures de vol militaire au moment de l'armistice.

Le 18 juin 1940, Maurice se trouve à Gaillac où il entend parler du général de Gaulle et apprend la signature de l'armistice. Désespéré de n'avoir pu participer à la défense de son pays, il n'a alors plus qu'une idée en tête : s'évader, regagner Aulnat, franchir la ligne de démarcation et revenir à Ranléon. Mais ses idées ne s'arrêtent pas là. Il veut aller combattre pour la France en Angleterre.

Comme on refuse de le démobiliser en zone occupée, il rejoint la zone libre et passe la ligne de démarcation en fraude. Enfin, il arrive à Ranléon le 25 août 1940. De retour en Bretagne où, refusant la défaite et brûlant de combattre, il cherche un moyen de rejoindre la France libre en Angleterre. Ayant échoué dans plusieurs tentatives, il arrive à la conclusion qu'il doit utiliser son avion personnel.

Après une semaine de travail, aidé par trois amis : Emmanuel Bitel dit Manu, le Docteur Delval dit Toubib et Eugène Maillard dit Boulon, l'avion est enfin en état de vol.

Ne pouvant pas effectuer de vol d'essai du fait de la présence proche des Allemands, il profite d'une nuit de grand vent pour faire tourner le moteur. Après avoir trouvé, en usant de beaucoup de discrétion, le carburant nécessaire pour effectuer la traversée, il doit aménager, en abattant des arbres du parc familial, une trouée d'envol.

Le soir du 14 novembre, les préparatifs sont terminés. Maurice fait ses bagages, un modeste ballot de deux kilos, puis s'endort... Le lendemain matin, le temps est favorable. Il partira donc ce vendredi 15 novembre 1940, en fin de matinée. Le Zlin est poussé à une extrémité de l'allée domaniale. Elle mesure 750 mètres, mais l'avion n'en utilisera que 300 pour décoller. Mais laissons Maurice raconter lui-même son décollage :

" Je mets pleins gaz, je lève la main. L'avion bondit, embarque un peu à droite, un peu à gauche, évite les arbres de justesse… J'arrache l'avion, il passe tangent aux pommiers… C'est une chance que sans essai, tout fonctionne si bien. ".

Les falaises d'Erquy seront ses dernières images de Bretagne. Malgré un rayon d'action de son Zlin à l'extrême limite, Maurice parvient, en utilisant les vents favorables, à lui faire traverser la Manche et à se poser, une heure et demi plus tard, dans une prairie près de Dorchester, emmenant avec lui comme passager, le commandant Paul Devred, officier de la Légion Etrangère.

Cet exploit réalisé au nez des Allemands, est ovationné par la presse britannique et la BBC qui l'interview dans son émission " Les Français parlent aux Français ". Il déclenche un énorme enthousiasme en Angleterre, où dès son arrivée, il signe son engagement volontaire dans les FAFL, sous le matricule n° 30.658.

Le caporal Halna du Fretay est reçu par le général de Gaulle qui le décore, le 1er février 1941, de la Croix de la Libération. Il devient ainsi, le 17ème Compagnon de l'Ordre.

Il reçoit également pour son étonnante évasion, la British Empire Medal, le 2 avril 1941, des mains de l'Air Marshal L.A. Pattinson. Il est le premier Français à recevoir cette décoration.

Après un passage à Patriotic School d'Harnsworth, il commence son entraînement sur Miles Magister. Après un stage à l'OTU n° 51, il concrétise enfin son rêve en intégrant la RAF. Le 11 avril 1941, il apprend avec tristesse que son Zlin a été entièrement détruit par une bombe de 250 livres, lors du bombardement le 1er avril, du terrain de Warmwell, où son avion était stationné.

Le 3 mai 1941, il est décoré de la Croix de Guerre, par l'amiral Muselier.

Il est nommé directement adjudant-chef le 15 septembre 1941. Affecté au 607 Squadron, il accomplit sa première mission de guerre le 27 novembre 1941.

En février 1942, il est affecté au 174 Squadron, dès sa création. Il est nommé aspirant le 15 mars 1942. Le 174 Sqn basé à Manston (Kent), est équipé de Hawker Hurricane spécialisés dans le bombardement à basse altitude, les Hurribombers. Avec celui-ci, il participe à de multiples attaques au sol, bombardements en rase-mottes, attaques de bateaux et de convois sur la France occupée : Calais, Saint-Omer, Le Touquet, Boulogne-sur-mer, Abbeville…

Maurice Halna du Fretay a alors à son actif deux victoires aériennes probables, et cinq bateaux coulés. Sur la carlingue de son Hurricane il peint les devises : " Breiz dalc'h mad " (Bretagne tiens bon) et " Keutoc'h mervel " (Plutôt mourir). Il inscrit également : " Manu "-" Toubib "-" Boulon ", car il n'oublie pas ses amis qui l'ont aidé à s'évader de France.

Le 25 mai 1942, il parle au micro de la BBC, ce sera la dernière fois que ses proches entendront sa voix :

" Je suis quelque part dans le sud de l'Angleterre, et dans une escadrille anglaise… Notre travail consiste à faire de l'assaut… Je pilote un Hurricane, bombardier de 1200 CV, avec douze mitrailleuses… Cela me change de mon avion de 45 CV qui a l'air d'un jouet d'enfant… ".

Le 1er août 1942, le commandement du 174 Sqn est confié à un Français : le commandant Emile Fayolle. Le 174 Sqn est alors chargé de couvrir dans les airs le raid anglo-canadien sur Dieppe, nommé opération " Jubilee ".

Le 19 août 1942, vers 14 heures, l'aspirant Halna du Fretay effectue sa deuxième mission de la journée. C'est lors du retour que son Hurricane II c (HL 705) disparaît en mer. Son corps n'a pas été retrouvé.

Alors qu'on a longtemps cru à sa disparition en mer, Maurice Halna du Fretay, coincé par l'ennemi, et ayant son avion gravement touché, plutôt que de s'écraser dans la Manche, parvient à diriger son appareil sur un emplacement d'artillerie et trouve la mort dans cette action de sacrifice. Il avait alors 22 ans.

Dans une lettre retrouvée par sa mère, dans ses affaires restées en Angleterre, il souhaitait que son cher Hurricane devienne son cercueil. Cette volonté lui fut accordée…

Il sera nommé Chevalier de la Légion d'Honneur à titre posthume le 22 juin 1949. Compagnon de la Libération, il était également titulaire de la Croix de Guerre 39-45 avec palme, la Médaille de la Résistance avec rosette, la Médaille des Evadés, et était aussi Chevalier de l'Ordre de l'Empire Britannique.

Depuis la mort tragique de Maurice, la famille Halna du Fretay cultive sa mémoire. Une stèle a été érigée, à l'endroit de la propriété où Maurice prit son envol, et a été inaugurée le 15 novembre 1945, en présence de nombreuses personnalités. On y lit l'inscription suivante:

 

Maurice HALNA DU FRETAY

né à Ranléon le 8 mai 1920

S'est envolé d'ici

le 15 novembre 1940

pour rejoindre le Général de GAULLE

Tombé glorieusement à Dieppe

le 19 Août 1942

Il est mort

Pour que vive la FRANCE

 

Ses concitoyens on élevé cette pierre en souvenir 

 

Le 25 juillet 1947, le général de Gaulle rendait une visite privée à la famille du jeune héros.

Le 18 août 2002, soixante ans presque jour pour jour après la disparition de Maurice Halna du Fretay, la commune de Jugon-les-Lacs a rendu hommage à la mémoire de son jeune héros de 22 ans. Autour de la Baronne Halna du Fretay, initiatrice de cette journée, après une messe du souvenir, une foule de près de quatre cents personnes a envahi les allées de la propriété de Ranléon pour participer à l'hommage rendu par les autorités civiles et militaires, devant la stèle érigée en 1945. Les pilotes licenciés à l'aéro-club de Dinan auquel appartenait Maurice Halna du Fretay, ont également tenu à saluer à leur manière la mémoire de l'aviateur. Trois avions de tourisme ont survolé à basse altitude et à deux reprises le manoir de Ranléon au cours de la cérémonie. Débouchant de l'allée d'où s'envola Maurice Halna du Fretay en novembre 1940, les avions, se suivant en file indienne au premier passage, puis en formation avec éclatement au second, ont ajouté à l'émotion de la cérémonie.

Les invités à cette commémoration ont pu par la suite découvrir, dans une pièce du manoir, l'exposition intitulée " Maurice Halna du Fretay, les ailes de la Liberté ".

 

Je remercie très chaleureusement madame la Baronne Marie-France Halna du Fretay pour la gentillesse de son accueil lors de mes visites à Ranléon, et pour m'avoir permis de consulter les archives familiales. Sans son aide, je n'aurais pu écrire un texte aussi complet. Merci aussi à son fils, Jacques-François Halna du Fretay pour sa contribution. Enfin, merci également à Nadine Delanoue de l'association " Les Bretons de Lyon " et à Francis Gauthier, ancien président de l'aéro-club de Dinan et auteur du livre : " Le vol de l'alcyon -100 ans d'aviation au-dessus de Dinan ", (Edition de la Haute Gatinais, 22100-Léhon, octobre 2002).

 

GO

 

Compagnon de la LibérationChevalier de la Légion d'HonneurChevalier de l'Ordre de l'Empire BritanniqueMédaille des évadés

Compagnon de la Libération

British Empire Medal

Croix de Guerre 39-45, avec palme

Médaille de la Résistance avec rosette

Chevalier de la Légion d'Honneur

Chevalier de l'Ordre de l'Empire Britannique

Médaille des Evadés

Avec l'aimable autorisation de publication pour l'ABSA 39-45 - Biographie copyright Yves Donjon

Médailles commémoratives Wikipédia

Photo Cap sans retour de Germaine L'Herbier-Montagnon