(1) Joubert des Ouches Jacques

 

 

Jacques Joubert des Ouches est né le 2 mai 1920, à Meudon en Seine-et-Oise (Hauts-de-Seine depuis 1964), dans une famille d'officiers de carrière, de vieille souche bretonne.

En juin 1920 à son baptême, son parrain héros de l'aviation de chasse 1914-1918, le lieutenant Henry Roget annonce : " Cet enfant sera aviateur ! ".

Une prophétie qui avait de grandes chances de se réaliser. Fils, petit-fils et arrière petit-fils d'officier, Jacques paraissait évidemment prédestiné à la carrière des armes.

Son père, Jean Joubert des Ouches, né à Guingamp en 1891, est élève à l'Ecole de Saint-Cyr. A sa sortie en 1914, il est affecté au 64ème Régiment d'Infanterie d'Ancenis. En août 1914 il participe à la bataille de Maissin (Belgique) avec le 11ème Corps Breton. Il est blessé à la bataille de la Marne. Après la guerre, la plus grande partie de sa carrière se déroule en Afrique. Il participe notamment aux opérations du Maroc. En 1940 il rallie la France Libre et rejoint le Général de Gaulle. Il est nommé directeur technique national des services du Chiffre. Il quitte le service actif avec le grade de général de brigade. Il est décédé en janvier 1980.

Mais avant de donner raison à son parrain, le jeune Jacques est d'abord un enfant sans vocation définie ; il apprend à monter à cheval, mais surtout passe un brevet de pilotin de la marine de commerce. Son goût pour les machines volantes s'éveille et se précise avec l'adolescence. Une jeunesse qu'il passe au Maroc où son père se trouve en poste. Jacques est en prise directe avec la vie militaire dans le bled, au contact de la Légion Etrangère, des tirailleurs et des spahis. Un climat haut en couleurs, " une existence qui l'avait placé de très bonne heure, en face d'exemples et d'actes dans lesquels la volonté se fortifie, où prime la rapidité de décision. En bref, à l'approche de ses vingt ans, Jacques était prêt à affronter l'épreuve qui vient, un jour ou l'autre, pour chacun de nous ", écrit son père, général et commandeur de la Légion d'Honneur.

Et l'épreuve, c'est la guerre. En 1939, à 19 ans, il est étudiant à Paris. Mais sa lignée lui interdit de demeurer passif. Il s'ouvre de ses projets à ses parents : " s'engager dans l'aviation de chasse ". A défaut de l'assentiment de son père, qui se bat quelque part en France, il reçoit l'approbation attristée de sa mère. En février 1940, il contracte un engagement volontaire dans l'armée de l'Air comme élève pilote de chasse. En mars, il rejoint l'Ecole de Pilotage n° 26 de Quimper, puis en mai, l'Ecole de Pilotage n° 23 de Morlaix-Ploujean, dans le Finistère.

Le 15 juin, face à la menace d'encerclement par l'armée allemande, le lieutenant Edouard Pinot, commandant de l'école, rassemble ses moniteurs et 130 élèves pilotes ainsi que tout l'armement défensif. Le groupe quitte Morlaix et se rend à Douarnenez. Le 17 juin au soir, Jacques Joubert des Ouches et ses camarades embarquent à Treboul, sur un langoustier " Le Trébouliste ", à destination de l'Angleterre. Avant de quitter la France, Jacques griffonne à la va-vite une lettre à ses parents où il écrit notamment : " Les boches avancent en Bretagne. Je ne me laisserai pas prendre par ces démons, j'irai dans un pays où l'on se bat encore contre eux ". Son courrier ne parviendra que dix-huit mois plus tard au domicile de ses parents, au Maroc. Le 19 juin 1940, Jacques débarque en Grande-Bretagne, sur la côte de Cornouailles.

Quelques semaines plus tard, il signe son engagement volontaire dans les FAFL (matricule n° 30.529). Après une période d'entraînement à Odiham, il est affecté au Groupe de Combat n°1. Sa connaissance parfaite de l'anglais, appris lors de séjours à Londres avant la guerre, facilite son adaptation. Son caractère enjoué, son sens de l'amitié, ses dons de conteur, le font considérer comme un des leurs par les pilotes britanniques. Il les amuse lorsqu'il joue les " durs " en portant, fiché dans une botte, un poignard marocain, ou qu'il leur montre son impressionnante collection de poupées fétiches. D'ailleurs, ses mascottes vont lui porter chance pendant quatre ans.

Fin août 1940 , il embarque pour l'opération " Menace ", la tentative de débarquement à Dakar. Celle-ci ayant échoué, il se retrouve à Douala au Cameroun, où il est rapidement promu, en octobre 1940, au grade de caporal-chef.

En novembre1940, il embarque sur le " Calabar " pour la Grande-Bretagne où il reprend son entraînement à Camberley avant d'être admis, en mai 1941, dans différentes écoles britanniques.

Il est promu successivement sergent puis aspirant en février 1942, et obtient son brevet militaire de pilote d'avion de la RAF. Le mois suivant, il est affecté à l'OTU n° 61.

Le 11 mai 1942, il est affecté au 87 Squadron de la RAF, puis un mois après au 232 Squadron avec lequel il participe avec une ardeur farouche à l'opération " Jubilee " au-dessus de Dieppe, le 19 août 1942. En septembre, il passe au 616 Squadron basé près de Ringwood.

Promu sous-lieutenant en décembre1942, il endommage deux FW190 au cours de ses missions. Promu lieutenant en septembre 1943, il est mis en repos deux mois plus tard. Il part alors pour l'Algérie, où il a la joie de retrouver sa mère et son père, ce dernier faisant partie du cabinet du général commandant en chef. Les autorités militaires accueillent avec enthousiasme ce valeureux combattant expérimenté, et l'affectent le 18 novembre, comme moniteur à l'école de chasse de Meknès (Maroc). Il n'y reste que trois jours ! Ne pas combattre lui paraît inadmissible. Il embarque sur le paquebot " Strathmore ", et rejoint l'Angleterre. Il réussit à se faire affecter comme chef de patrouille, dans un groupe de chasse en cours de formation avec des évadés de France par l'Espagne, des pilotes en opérations en AFN , ou provenant des écoles du Maroc ou du Canada. Ce groupe est créé à Alger sous le nom de GC II/2 " Berry " et sera intégré dans la RAF comme 345 Squadron après son arrivée en Grande-Bretagne, en février 1944. Le 345 Sqn s'installe à Ayr, en Ecosse.

Après un passage de six semaines à l'OTU n° 53, le lieutenant Joubert des Ouches retrouve le "Berry " le 28 mars 1944. Le groupe est placé sous les ordres d'un " As " de la Campagne de France, le capitaine Jean Accart, titulaire de 12 victoires aériennes.

A la fin avril, le groupe devient opérationnel et fait mouvement pour le sud de l'Angleterre.

Pilote confirmé, Jacques Joubert des Ouches fait l'admiration de ses camarades, qui le considèrent comme un remarquable chef de patrouille.

A la date du 5 juin 1944, il compte à son actif 220 heures de vol de guerre en 174 missions. Il ne lui sera pas donné le temps d'en accomplir plus de deux autres encore…

Le 6 juin, jour du débarquement, peut-être pressent-il qu'il ne survivra pas à la grande bataille… A l'aube du " jour le plus long ", il écrit à l'intention de ses parents :

" C'est le grand jour, pensez à nous. Je vous remercie pour l'éducation que vous m'avez donnée. Je ne regrette rien. Après la victoire, ne nous oubliez pas ".

Dix heures, l'enfer s'appelle Normandie, Omaha Beach, Utah Beach. Dans les nuées rouges de la bataille, le lieutenant Joubert des Ouches donne plus que jamais la mesure de sa valeur. Il effectue sa deuxième mission de la journée, aux commandes de son Spitfire Mk.V (W3843). A quelques minutes de la côte française, près des îles Saint-Marcouf, il signale par radio que son Spitfire a des ennuis de moteur et qu'il va sauter en parachute. Son équipier, le lieutenant de Bouillane, le voit ouvrir son cockpit, se détacher et évacuer l'avion mais le perd ensuite de vue, vers 11h00 du matin, approximativement à 12 miles à l'est de Saint-Vaast la Hougue, dans la Manche et 12 miles au nord de Grandcamp dans le Calvados. Les équipes de secours ne trouvèrent que son dinghy vide, au large de la pointe de Barfleur. Son corps ne sera pas retrouvé.

Déclaré " Disparu en mer " et " Mort pour la France " en opération aérienne, le lieutenant Jacques Joubert des Ouches fut nommé Compagnon de la Libération à titre posthume, par décret du 16 octobre 1945. Egalement Chevalier de la Légion d'Honneur, et titulaire de la Croix de Guerre 39-45 avec trois citations, il reçut aussi à titre posthume en 1947, la Médaille de la Résistance française (avec rosette).

Le 22 avril 2001, en présence des élus locaux, du sous-préfet de Guingamp et du général Delissnyder, délégué national du " Souvenir Français " dans les Côtes-d'Armor, une stèle à été inaugurée au carré militaire du cimetière de la Trinité, à Guingamp. Une allocution fut prononcée par le général Yves-Marie Guéguen, Président de l'amicale des FAFL.

La plaque rend hommage à la mémoire du lieutenant Jacques Joubert des Ouches, pilote de chasse des FAFL, pour qui le 6 juin 1944 avait été " le jour le plus court… ".

 

 

 

Compagnon de la LibérationChevalier de la Légion d'HonneurCroix de Guerre 39-45

Compagnon de la Libération à titre posthume

Chevalier de la Légion d'Honneur

Croix de Guerre 39-45 avec trois citations

Médaille de la Résistance française, avec rosette

Avec l'aimable autorisation de publication pour l'ABSA 39-45 - Biographie copyright Yves Donjon

Médailles commémoratives Wikipédia

(1)J'ai considéré comme étant Bretons les garçons nés dans un département breton ou ayant passés leur enfance en Bretagne (ex : Scheidauer), ainsi que ceux nés hors Bretagne mais étant d'origine bretonne (ex : Joubert des Ouches ou Le Bras). Par ailleurs, j'ai inclus les garçons nés en Loire-Atlantique (Loire-Inférieure jusqu'en 1957) puisque ce département a été rattaché à la région Bretagne jusqu'en 1941.