De Forges Paul

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Paul de Forges est né le 28 juin 1912 à Nantes (Loire-Atlantique) - (ex-Loire-Inférieure).

En mars 1929, il s'engage dans l'aviation par devancement d'appel, puis il intègre l'école pratique d'aviation d'Istres en juin 1930. Affecté au 1er GAA (groupe d'aviation d'Afrique) à Alger en novembre 1930, il est nommé sergent en février 1931 et breveté pilote militaire en mars suivant. Son chef, le colonel Pierre Weiss décèle immédiatement en Paul de Forges le jeune pilote exceptionnellement doué. Foi inébranlable, sang-froid imperturbable, poigne, coup d'œil décisif, adresse, endurance, intelligence des circonstances, Paul de Forges possède les qualités qui font l'aviateur de race et détient tous les leviers du succès. D'une famille aisée, il est à 20 ans, propriétaire d'avions civils et aussi titulaire du brevet de tourisme. A côté de sa vie militaire, il mène de front pendant ses loisirs et permissions, celle de touriste impénitent, passionné d'Afrique et d'espace. Ce qui rend particulièrement sympathique sa jeune audace et ses initiatives d'aviateur, c'est qu'elles sont secondées à bord par un passager charmant et délicat, qui n'est autre que la comtesse de Forges, sa mère. Cette composition d'équipage enchante l'entourage du pilote. Madame de Forges apporte sur les terrains une grâce et un charme incomparables. D'une grande beauté, d'une grande distinction, elle semble avoir abdiqué tous les préjugés, toutes les précautions, toutes les inquiétudes dont s'enveloppe une femme pour ne plus songer qu'à son fils et à la mission aéronautique qu'il s'est donné. Ce n'est pas seulement une mère pleine de tendresse, c'est aussi un compagnon, un ami, un réel second, capable d'observer et de se dévouer pour aider à l'accomplissement de la mission.

Paul de Forges et sa mère ont été conquis, comme tous les aviateurs d'Afrique, par la puissance du bled, patrie de la lumière et du silence.

Son service militaire terminé, Paul de Forges échappe par goût et par volonté à la vie ennuyeuse de fils de famille désœuvré à Paris. Il a résolu de porter le fardeau de sa jeunesse dorée très haut et très loin, comme on porte un drapeau. Il décide de se consacrer entièrement à l'aviation. De nombreuses navettes entre Alger et Paris, ainsi que plusieurs voyages au Sahara. Un week-end en Pologne, pendant lequel, en quarante-huit heures il boucle 4.000 km, passant au retour par l'Autriche.

Puis, de nouveau l'Afrique, où il commence une navigation tellement généralisée qu'il faut renoncer à le suivre dans ses déplacements. En janvier 1935, le colonel Weiss présente à Paul de Forges le célèbre pilote détenteur de plusieurs records : Maurice Finat. Les deux aviateurs décident de s'attaquer au record de liaison Paris - Madagascar.

Le 19 mars 1935 à 12 h 15, à bord du Farman 359 (F-ALMK), Paul de Forges et Maurice Finat décollent de Marseille-Marignane en direction de Tunis. Le 22 dans la nuit, les deux aviateurs sont confrontés à un orage d'une telle violence, qu'ils sont dans l'obligation de rebrousser chemin et de revenir au terrain de Malakal (Soudan). La tentative de record Paris - Madagascar est vouée à l'échec, mais les deux pilotes décident de poursuivre leur raid. Ils sont retardés à Mozambique, du 23 mars au 2 avril, par des ennuis mécaniques. Le 3 avril à midi, Paul de Forges et Maurice Finat se posent sur le terrain d'Ivato-Tananarive. Leur itinéraire a été le suivant : Marseille, Ajaccio, Tunis, Tripoli, Syrte, Tobrouk, Amseat, Assouan, Wadi-Halfa, Khartoum, Malakal, Juba, Kisumu, Dar-Es-Salam, Mozambique, Tananarive.

Pour le retour en France, Paul de Forges et Maurice Finat quittent Tananarive le 19 avril. Le lendemain, peu après le décollage de Moshi au Tanganika, par très mauvais temps, le Farman qui vole à basse altitude est brusquement rabattu vers le sol par un violent courant descendant et s'écrase dans la fôret. Maurice Finat est tué sur le coup et Paul de Forges est grièvement blessé. Quand il revient à lui, il voit sortir un os de la jambe gauche de son pantalon et son pied pendre en-dessous, presque arraché. L'os de son bras gauche également cassé sort de son poignet. Mais c'est surtout l'estomac qui lui fait horriblement mal et il a l'impression d'étouffer, avant de perdre une seconde fois connaissance.

Paul de Forges est secouru par des indigènes et un missionnaire protestant, le Révérend Becker, qui lui donne les premiers soins et le réconforte. Il est ensuite transporté à l'hôpital européen de Moshi pour être opéré. Un chirurgien anglais, le docteur Sanderson, décide de surseoir à l'amputation de la jambe gauche et réussit une opération des plus délicates. Pendant plusieurs jours les médecins croient Paul de Forges perdu et ce n'est qu'au bout de quinze jours qu'ils peuvent répondre de lui conserver la jambe. Après six semaines pendant lesquelles il a beaucoup souffert, il quitte l'hôpital de Moshi pour Monbasa. Désormais, il marchera toujours avec une canne.

Le 14 juin 1935, en compagnie de sa mère venue le rejoindre par avion, Paul de Forges embarque à Monbasa à bord du " Bernardin de Saint-Pierre ", à destination de la France. Il relatera l'odyssée de ce raid dans un ouvrage intitulé : " Vers la grande île avec Finat ", publié en 1936.

Le 7 avril 1936, sur le Farman 190 baptisé " Paris ", Paul de Forges, accompagné de Philippe d'Estailleur-Chanteraine, du docteur Richou et du mécanicien Vernas, s'envole de Paris à destination des Indes. Le chef de mission, Philippe d'Estailleur-Chanteraine, a décidé de vivre trois mois loin de la Métropole, au service d'une grande cause de propagande et de liaison coloniale, à bord de son avion comme à bord d'un yacht. Pour ce voyage de grand tourisme il a eu l'heureuse chance de s'associer Paul de Forges pour pilote. Après des escales en Tunisie, en Tripolitaine (Libye italienne), en Egypte, l'équipage du " Paris " met le cap sur la Syrie. Avant d'atteindre Damas, une panne d'alimentation brutale force Paul de Forges à se poser en campagne sans moteur. Le terrain est effroyable, l'avion survole des collines et des ravins. Au prix d'un atterrissage acrobatique, Paul de Forges sauve l'appareil et ses compagnons de bord, en se posant au flanc d'une colline. Mais il ne peut être question d'en repartir qu'en déchargeant à l'extrême l'appareil. Pendant que ses compagnons se dirigent avec les bagages en caravane vers Damas, Paul de Forges arrache du minuscule terrain l'avion vide dans lequel on n'a laissé que quelques litres d'essence. Tout se termine bien grâce à la maîtrise du pilote. La mission visite Bagdad, Bassorah, les terrains du sud de la Perse (Iran) et arrive à Karachi le 20 avril. Le lendemain, atterrissage à Bombay et, le 22, le " Paris " survole l'Inde française et vire autour de la statue de Dupleix qui se dresse sur la grande place de Pondichéry, au bord de la mer. Le 16 mai, le " Paris " est à Chandernagor où il prend congé de l'Inde française au bord du Gange. Par Agra, Jodhpur, Allahabad, il reprend la route de la France. Le 26 mai il est à Karachi et le 1er juin à Bouchir. La visite de la Perse est décidée et la mission d'Estailleur-Chanteraine fait escale à Chiraz, Ispahan et Téhéran. De Téhéran à Paris, la mission brûle les étapes, et après une magistrale trajectoire entre Damas et Athènes, par-dessus l'Asie Mineure et la Mer Egée, elle traverse l'Europe pour se poser à Paris le 22 juin 1936, au milieu d'une foule d'admirateurs et d'amis à la tête de laquelle se trouvent les représentants qualifiés du ministre de l'Air et du ministre des Colonies.

Cette liaison avec l'Inde française a mis en lumière cet étonnant chef de mission, d'une haute culture, qu'est Philippe d'Estailleur-Chanteraine et le pilote de grande classe qu'est Paul de Forges, dont l'esprit d'initiative, le désintéressement et le courage doivent être donnés en exemple à toute sa génération.

Rappelé en décembre 1937, Paul de Forges est affecté à la 33ème Escadre de Nancy et nommé sous-lieutenant. Il sert au groupe de reconnaissance I/33 et est promu lieutenant le 11 novembre 1939.

Le 20 décembre 1939, au cours d'une mission entre Mayence et Francfort, Paul de Forges est attaqué par un Me 109 et blessé d'une balle à un bras. Il réussit cependant à ramener son avion au sol avec son observateur, le lieutenant Novellet, et son mitrailleur, l'adjudant Tourel. Tous trois sont faits prisonniers. En mars 1940, Paul de Forges est interné à l'Oflag de Lagluft. Souffrant toujours de son épaule, il est rapatrié sanitaire en mars 1941.

Décidé à rallier la France libre, il passe la frontière au Val-d'Aran le 2 décembre 1942, puis traverse l'Espagne. Il parvient ensuite à gagner l'Angleterre.

Dès son arrivée à Londres, Paul de Forges signe un engagement dans les FAFL (Mle n° 35346), le 27 janvier 1943. D'abord affecté au Q.G. Air à Londres le 30 janvier, il rejoint ensuite le C.I. Air à Camberley le 19 février, puis enfin le C.A. n° 1 le 6 avril 1943.

Volontaire pour faire partie des renforts destinés au " Normandie ", il rejoint sa nouvelle unité à Kationki en URSS le 9 juin 1943 comme capitaine, adjoint au commandant du groupe. Paul de Forges obtient sa première victoire aérienne le 15 juillet 1943, en abattant un Me 110 au-dessus de Krasnikovo. Il récidive le lendemain sur un Me 109, puis trois jours plus tard sur un Ju 88.

Le 31 août 1943, le capitaine de Forges est engagé dans un combat aérien avec des Fw 190 dans la région d'Ielnia, à 45 kilomètres au sud-est de Smolensk (Russie). Paul de Forges ne rentre pas au terrain avec ses camarades. Lors de ce même combat, disparaît également l'aspirant Jean de Sibour.

Porté disparu, le capitaine Paul de Forges est déclaré " Mort pour la France " en opération aérienne. Chevalier de la Légion d'honneur, il est aussi titulaire de la Médaille militaire, la Croix de guerre 39-45, la Médaille des blessés et la Médaille de la Résistance française.

Au cours de l'année 1991, une rumeur parvient aux oreilles de l'attaché de l'Air de l'ambassade de France à Moscou : " Il y a un pilote français dans le marais… ". L'histoire vient de Bivalka, un petit village perdu à 80 kilomètres de Smolensk…

Il faut attendre septembre 1998, pour que des recherches sérieuses soient entreprises afin d'essayer d'identifier "le pilote inconnu de Bivalka". Les pièces d'avion retrouvées sont attribuées sans ambiguité grâce à leurs numéros. L'avion que pilotait Jean de Sibour, ce même 31 août 1943, étant un Yak 1, il ne peut plus y avoir de doute. Aujourd'hui, le marais a livré son secret. Le pilote enseveli a été identifié avec certitude, il s'agit du capitaine Paul de Forges. Mais, les fouilles ne purent être menées à terme, en raison de la nature du terrain.

La partie arrière du Yak 9 de Paul de Forges est exposée au " Mémorial Normandie-Niémen " des Andelys. Celle-ci a fait l'objet d'un film documentaire intitulé "L'Inconnu du Normandie-Niémen" réalisé en 1998.

 

 

Chevalier de la Légion d'honneur

Médaille militaire

Croix de guerre 39-45

Médaille des blessés

Médaille de la Résistance française

Avec l'aimable autorisation de publication pour l'ABSA 39-45 - Biographie copyright Yves Donjon

Médailles commémoratives Wikipédia