Pordic

"Malbrousse"

P-38J-15-LO

"Laura Lee"

#42-104277

Codé 8L-?

367th FG / 393th FS

GO

Photo Wikimedia Commons

Bombardement du terrain d’aviation de "Plaine Ville". Ploufragan et la chute du Lockheed P-38 Lightning du Major William Anderson Jones, le 24 mai 1944.

 

 

Le Major William Anderson Jones, était un pilote de la 9th USAAF, appartenant au 367th Fighter Group, 393th Fighter Squadron. "The Dynamite Gang".

Il pilotait le P-38 Lightning. J-15 LO "Laura Lee", numéro de série : 42-104277, codé 8L-?.

Le mercredi 24 mai 1944 vers 16 heures 45 le commandant, William Anderson Jones décolle avec 15 coéquipiers de l’aérodrome de la RAF Station Stoney Cross dans le Hampshire dans le sud de l’Angleterre. La base est située à 19 kilomètres au sud de Londres pour une mission de bombardement. Destination la Bretagne nord, plus précisément l’aérodrome de Ploufragan, département des Côtes du nord à l’époque, le terrain d’aviation est occupé par la Luftwaffe. (Armée de l’Air Allemande).

 

 

 

La météo est bonne et est propice à cette action. Les Américains ont-ils été informés par la résistance de l’arrivée d’un train de munitions, stationné depuis quelques heures dans une courbe surnommée "La Gare", située entre le bois de Château Bily et la voie ferrée Saint-Brieuc à Guingamp ? Tous les pilotes volent sur des P-38, avion très caractéristique, équipé de deux moteur et d’un double fuselage arrière. Saint-Exupéry volait sur ce même avion quand il disparu en Méditerranée en 1944. Avion Américain, armé de deux bombes de 250 kilos, placées sous chaque aile. Dans ces mêmes aile, 4 mitrailleuses Browning M2 de calibre 50 et d’un canon de 20 mm. Avion très maniable, très rapide, il peut atteindre les 650 km heure. La traversée de la Manche se passe au mieux. La chasse allemande est absente à ce moment. La mission se déroule à une altitude de 12000 pieds ( 3600 mètres). Le point de repérage avant le bombardement sera le clocher de Ploufragran que les pilotes aborderons par le sud de manière à amorcer le retour une fois les bombes larguées. Une zone nuageuse à envahi la région en milieu d’après midi et les pilotes vont devoir redoubler de vigilance car la FlaK (Flieger Abwehr Kanone), défense contre avions sont installées sur la périphérie de l’aérodrome, une à la "Ville Billy" dénommée par les allemands FlaK sud, la "Ville Berrien", La Grande Hacmorée etc.. Soit 16 canons sans compter ceux de la gare. Ces défenses sont redoutables et la mission n’est pas sans risques. Le bombardement est commencé depuis quelques minutes, tout va très vite, les allemands ont déclenché un feu terrible. Le Major Jones est positionné en avant dernier rang. Il largue ses deux bombes sur l’objectif et amorce immédiatement sa remontée pour échapper aux tirs, quand soudain son moteur gauche prend feu, touché par un projectile. Très vite son cockpit est envahi par une fumée dense, il s’éjecte au plus vite. Comme on le verra par la suite un de ses pilotes suiveurs, dans son rapport, au retour de mission évoquera, pour donner une raison à ce feu de moteur, une mauvaise qualité d’huile. Cela parait surprenant. Le parachute se déploie et la lente descente de Jones (rapport de deux témoins) commence, orientée vers le nord. Le P-38 fume de partout laissant échapper une traînée noire, opaque. Il conserve sa trajectoire, faisant quelques soubresauts et vient se "planter" le mot n’est pas trop fort au village de "Malbrousse" en Pordic dans une propriété privée, n’occasionnant heureusement aucun dégâts. Il est 18 heures 15. La mission s’achève pour le major qui voit sans doute s’éloigner sur la mer tous ses pilotes. Le Major William Anderson Jones atterrira dans la vallée prés des mines de Trémuson.

 

 

 

Photo, The Dynamite Gang, The 367th Fighter Group in World War II, AeroPublisher, CA 1983, Richard Groh

Le major William Anderson Jones est celui à la casquette à gauche.

 

 

Mon père avait vu le parachutiste tomber dans la soirée dit Madame Guegan. Il avait décidé de lui porter assistance. Il se leva très tôt le lendemain, adolescente et curieuse, ne pensant pas aux risques, je l’accompagnais. Nous avons cherché dans la vallée, sans succès, par contre, nous avons retrouvé au fond d’une tranchée son parachute et quelques équipements dont sa trousse de secours. Le parachute était de couleur ivoire et il était entouré de ses cordelettes. Nous avons tout ramené à la maison, prenant bien soin de cacher ces choses bien compromettantes en cas de visite des occupants. Le pilote recherché activement par les allemands ne fût pas retrouvé. En réalité il était tombé à 1 kilomètre 500 de son avion. Après de multiples péripéties et plusieurs cachettes. Il s’était mis à l’abri dans une cabane en bois au fond du poulailler d’une ferme. Madame Guegan raconte. Il était assis dans le noir. Comme chaque matin, Rosalie était allée pour ouvrir la porte à ses poules. Elle fût prise d’une grande frayeur en voyant cet homme chez elle. Très vite elle compris qui il était, n’ignorant pas la chute de l’avion la veille dans le terrain des hauts champs de la "Perrière", tout proche de chez elle.

 

Photo de la vallée où le major William Anderson Jones a atterrit en parachute. Au loin l'on distingue la piste de l'aérodrome de Plaine Ville

 

Avec l’aviateur elle engagea comme elle le pouvait un brin de conversation ponctué de gestes. Elle expliqua que l’occupant était dans le quartier et que des sentinelles gardaient les restes de son avion. Il devait demeurer dans cet endroit le temps de pouvoir être évacué dans un endroit plus sûr. Contact fût pris rapidement avec un résistant qui dirigea Jones vers le presbytère de Pordic où il se cacha quelques jours avant de rejoindre Tréguidel situé à 11 kilomètres où il fût caché dans plusieurs fermes en pleine campagne. Les courageux membres du réseau d’évasion Shelburn le dirigèrent vers la plage Bonaparte (anse Cochat) en Plouha, dans la nuit du 23 au 24 juillet 1944. Cette terrible nuit ou les Allemands firent exploser la maison D’Alphonse qu’ils suspectaient, à juste titre comme un relais des résistants. Ces derniers sont aux yeux des gens de la région des Héros. Avec 5 autres évadés, il prit place à bord de la corvette anglaise MGB 502 venue de Dartmouth dans le sud de l’Angleterre. Cette opération nocturne avait pour nom opération Crozier 2.

Une dame témoin de cette époque rapporte qu’elle s’était approchée de la carcasse du P-38. En tombant il avait creusé un trou énorme. On ne voyait plus ni les hélices, ni les moteurs. Il y avait des débris métalliques partout. Il avait brûlé en partie. Les allemands placèrent des sentinelles pour en interdire l’accès. Ils avaient recherché activement le pilote, sans succès heureusement. Nous n’étions pas rassurés de les voir ici en grand nombre prés de chez nous. Mon père avait voulu s’approcher pour se rendre compte, mal lui en pris car un soldat allemand le prit à la gorge et lui fit faire demi-tour sur lui-même, lui interdisant de revenir. Mon père souvent simulait la scène avec beaucoup d’humour. William Anderson Jones de retour sur le sol anglais eut, le jour même un rapport à faire pour relater cet événement. Tout d’abord l’on apprend qu’il a été promu au grade de Lieutenant Colonel. Il explique avoir sauté en parachute à une altitude de 500 pieds (1500 mètres) après avoir été touché par un obus qui a mis le feu à son avion. Il précise dans ce rapport que les moteurs de son P-38 étaient enfoncés dans le sol de 15 pieds soit 4,50 métres. Il avait réussi à voir l’épave de près ou de loin sans aucun doute. Il mentionne également la destruction totale de son cher "Laura Lee".

 

Rapport du Capitaine Caroll Joy au retour de la mission du 24 mai 1944 sur l’aérodrome de Ploufragan (Côtes d’Armor). (Dernier contact).

Je commandais le second vol sur la mission ci-dessus mentionnée. Le Major W A Jones commandais la seconde section. J’ai effectué cette mission juste derrière lui. Je suis parti d’une altitude de 10 000 pieds et ai réalisé mon largage à 3000 pieds. Après avoir repris de l’altitude, j’aperçu devant moi et sur ma gauche, à une même altitude que la mienne un avion en feu. Ce dernier est remonté pour ensuite redescendre tout en continuant son vol. Le feu des batteries au sol était intense et il était urgent de dégager. Le feu touchait le moteur gauche, soudain dans ma radio j’ai entendu une voix mais n’ai pût comprendre ce qu’elle disait. Cet avion touché est tombé rapidement au sol. (4 kilomètres séparent l’aérodrome de Plaine Ville du point de chute) ceci est l’état actuel de mes connaissances. Capitaine Caroll Joy. AIR CORPS. RAPPORT du 2ème Lieutenant Albert B Cooksey même groupe de combat. J’étais le second élément du leader, le Major Jones. Nous volions à 9000 pieds (2800 Mètres), arrivant sur la cible, nous avons contourné quelques nuages pour ensuite revenir en arrière, plus bas sur notre droite et commencer notre bombardement. A ce point j’ai lâché mes bombes. J’étais à 2500 pieds(750 mètres) et pris contact avec le Major qui se trouvait à 200 yards sur ma gauche. Quand soudain j’ai vu son moteur gauche prendre feu. Les flammes avec la vitesse partaient en arrière et allait vers le cockpit. Je me suis positionné au dessus de lui à environ 100 pieds( 350 mètres). La canopée était fermée et le cockpit était en feu. A ce moment je ne l’ai pas vu. La cause de cet incendie serait due à l’huile trouble qui s ‘échappait de l’arrière du moteur(?). La fumée était très épaisse et noire. Après je n’ai plus rien vu. Albert B Cooksey. 2ème Lieutenant, AIR CORPS (20 ans).

 

 

Le Colonel William Anderson Jones est décédé en 1978 aux USA.

 

 

Madame Guegan après la guerre était invitée à un mariage, elle se fit confectionner une robe dans le parachute du Major Jones. Elle possède toujours une paire de ciseau de la trousse de secours. On y voit écrit : AMERICACUT USA. Je tiens à remercier bien sincèrement toutes les personnes qui m’ont accueilli pour me faire part de leurs témoignages, Monsieur et Madame Guegan, Monsieur et Madame Richard, Monsieur Pavio, Monsieur Le Tual , Monsieur Teffo, Gilles Martin, Yannig Kerhousse, ce qui m’a permis de rédiger ce dossier.

 

Jean Michel Martin. Le 23 novembre 2009.

Voici une autre piste qui fut étudiée lors de l'écriture du livre « La 6th Armored Division en Bretagne du 2 au 6 août 1944 » , celle d’un aviateur américain caché dans le maquis de Kerusten du capitaine Deplante, tenu entre le 17 au 21 juin. Il y avait plusieurs groupes du 5ème Bataillon FFI. Les chefs des maquis, ont établis un maquis pour le 1er Bataillon FTP à Malvoisin, situé à à 3 km environ à l’ouest de Kérusten.

Des avions larguèrent des armes qui seront réparties entre le 5ème Bataillon FFI et le 1er Bataillon FTP. Le sergent Louis Andrieu, sera larguer en parachute. Mais le passage qui nous intéresse est celui ci : « Je contactai Marie-Claire, qui m’apporta les ordres du commandant Bourgoin et je contactai également Mme Piriou qui me conduisit auprès du Squadron Leader Smith et du Major Jones et de neuf parachutistes qu’elle avait trouvés et logés après les incidents de Duault. Le Squadron Leader Smith, (officier chargé de la coordination de la mission d’armement de la Résistance) il travaille avec Deplante.

Ce Major Jones, qui fut amené dans le maquis de Déplante par une certaine Marie-Antoinette, qui s’était depuis longtemps spécialisée dans le recueil d’aviateurs. Il était un officier pilote américain qui avait dû évacuer son Air-Cobra en flammes. Il a été récupéré et donc caché. Cette Marie-Antoinette deviendra l’agent de liaison du capitaine Deplante, du 4ème SAS (Special Air Service).

Ce Will ou Bill l’américain, l’officier US, le protégé de Marie-Antoinette, fera partie de l’équipe d’Henri Déplante. Bill est bien intégré avec le second officier américain Smith. Ils seront dans les coups durs comme à Saint Marcel. Mais qui était ce Bill, cet officier pilote américain qui avait dû évacuer son Air-Cobra en flammes. On n’avait demandé d’identifier cet aviateur découvert dans le livre de Déplante. Enquête pas facile du tout, car premièrement un Air-Cobra ou dénommé Bell P-39 Airacobra ou P-39, est un chasseur américain qui servit en Afrique du Nord et en Méditerranée et dans le Pacifique, donc pas chez nous. Il m’a fallut quelques années pour faire le lien avec ce Bill, qui chantait le tube américain, « She let her baby. » Bill était aussi un amateur de whisky. Grâce à Jimmy Tual, un membre de l’Absa 39-45, qui en avril 2020, m’adresse un mail pour me dire qu’un correspondant parle du rapport de William Jones et il est en effet en ligne sur un site internet. On trouve son rapport d’évasion. Bill était en fin de compte le Major William Anderson Jones. Crashé à Pordic avec son P-38J, nommée « Laura Lee », il était tombé le 25 mai 1944. En mission de bombardement du terrain d’aviation de « Plaine Ville ». Ploufragan. L’Absa ayant réalisé sa biographie en novembre 2009.

Après son crash, un contact fût pris rapidement avec un résistant qui dirigea Jones vers le presbytère de Pordic où il se cacha quelques jours avant de rejoindre Tréguidel situé à 11 kilomètres où il fût caché dans plusieurs fermes en pleine campagne. Son dossier escape evasion remplit à son retour en Angleterre, inous apporte beaucoup plus d’informations entre le 25 mai et quand il rejoint le réseau d’évasion Shelburn le dirigèrent vers la plage Bonaparte (anse Cochat) en Plouha, dans la nuit du 23 au 24 juillet 1944. (Dite Operation Crozier 2 the night of 23/24 July MGB 502 took). Dans son rapport il raconte qu’il rejoint un groupe de la résistance, (au maquis du Peudu à Plédran) il se retrouve dans une ferme et il va servir dans l’équipe du quartier général du groupe. (Mentionné déjà par René Billaud), à la base Samwest, évacué dans l’attaque il arrive chez madame Piriou à Plouray qui le ramène à la base Grock de Délplante où se trouve Smith. Il les suit puis part avec Smith pour le maquis de Saint-Connan et enfin l’évacuation via Shelburn. Il dit qu’il va mener des attaques contre les allemands, ce qui correspond bien à la biographie de Déplante. Dans ses notes écrites à la main on peut lire à la fin où sont mentionnés des noms (Smith, Deplante) et des lieux (Saint-Brieuc, Moncontour). Il parle d’une force de 200 hommes de la résistance et des parachutistes. Et des raides contre les allemands.

Annotations de Jimmy Tual : Il s'agit de Marie-Antoinette Piriou, une institutrice de Plouray qui a recueilli William Jones après l'évacuation de la base Samwest le 12 juin.Elle est en lien avec Henri Deplante. Elle amène William Jones à la base Grog le 17 ou le 21 juin (ce n'est pas clair chez Deplante) (Kerusten à Saint-Caradec). Deplante le nomme Bill dans son livre. Marie Chamming's parle de Billy. Grog est évacuée le 20 juin pour le secteur de Pontivy-Guern.

William Jones leur a fait connaître de nouveaux morceaux venus des États-Unis. Avec Jacques BAILLY et Geo CHAMMING's, ils chantent "She let her baby cry". Mi-juillet le transfert est organisé vers le maquis de Coat-Mallouen puis Plouha. Il se trouve avec le major Oswald CARY-ELWES, son ordonnance le caporal Eric MILLS ainsi que le sous-lieutenant P. SMITH. Ils reçoivent des vêtements civils et de fausses cartes d'identité. À Coat-Mallouen se trouve également l'aviateur britannique Fargher PHILIPP tombé le 11 juillet 1944 à Saint-Gildas.

 

ABSA 39-45 - Daniel Dahiot - Mai 2023

1 - La 6th Armored Division en Bretagne du 2 au 6 août 1944 - Daniel Dahiot

2 - Le Maquis de Saint Marcel par Roger LEROUX (1981).

3 - Henri Deplante, La liberté tombée du ciel, Paris, Editions Ramsay, 1977, 250 p.